Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société civile immobilière (SCI) Bali a demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2013.
Par un jugement n° 1503711 du 12 octobre 2017, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 décembre 2017, la SCI Bali, représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge demandée.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société civile immobilière (SCI) Bali, dont le siège est situé à Hermeville (Seine-Maritime), a pour activité la construction d'immeubles en vue de leur vente. Assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée selon le régime réel simplifié, la SCI Bali a fait l'objet d'un contrôle sur pièces à l'issue duquel l'administration l'a informée, par une proposition de rectification du 11 juillet 2014, de ce que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée étaient envisagés au titre de la période couvrant l'année 2013 en conséquence, d'une part, de la soumission à la taxe sur la valeur ajoutée de livraisons à soi-même d'immeubles non revendus durant les deux années suivant leur achèvement, d'autre part, de l'absence de reversement par la SCI Bali de la taxe sur la valeur ajoutée collectée à l'occasion de la cession d'un immeuble. Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée correspondants ont été mis en recouvrement le 27 novembre 2014. Sa réclamation ayant été rejetée, la SCI Bali a porté le litige devant le tribunal administratif de Rouen, en lui demandant de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2013. Par un jugement du 12 octobre 2017, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande. La SCI Bali relève appel de ce jugement et demande qu'il soit fait droit à sa demande de décharge.
Sur la charge de la preuve :
2. La SCI Bali qui s'est vu notifier les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige selon la procédure de taxation d'office pour n'avoir pas souscrit de déclaration annuelle de taxe sur la valeur ajoutée au titre de l'année 2013, supporte la charge de la preuve, en application de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales. Dans ce cadre, pour obtenir la décharge ou la réduction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis ainsi à sa charge, il lui appartient, en vertu de l'article R. 193 de ce code, d'en démontrer le caractère exagéré.
Sur le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige :
3. La SCI Bali a fait l'acquisition, le 5 novembre 2009, d'un terrain à bâtir situé sur le territoire de la commune de Mannevillette (Seine-Maritime). Elle y a fait construire trois pavillons entre 2009 et 2011, chacun de ces pavillons et leurs dépendances constituant un lot. Le lot n°1 a été vendu le 27 janvier 2011, soit dès l'achèvement des travaux, et la SCI Bali a mentionné la taxe sur la valeur ajoutée collectée à cette occasion sur la déclaration annuelle qu'elle a souscrite au titre de l'année 2011.
4. L'administration fiscale a toutefois émis des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en ce qui concerne les lots n°2 et n°3. Par ailleurs, la SCI Bali a acquis un terrain à bâtir situé à Gruchet-le-Valasse (Seine-Maritime), sur lequel elle a fait construire, entre 2008 et 2011, quatre pavillons. Ces derniers ont également donné lieu à un rappel de taxe sur la valeur ajoutée.
En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée due au titre du lot n°2 établi à Mannevillette :
5. En vertu du 3 du I de l'article 257 du code général des impôts, les livraisons à soi-même d'immeubles neufs effectuées par des personnes assujetties sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée lorsque ces immeubles ne sont pas vendus dans les deux ans qui suivent leur achèvement. En outre, le b. du 1 de l'article 269 du même code dispose que, pour les livraisons à soi-même d'immeubles, le fait générateur de la taxe sur la valeur ajoutée se situe au moment de la livraison de l'immeuble, c'est-à-dire de l'achèvement des travaux de construction, qui intervient lors du dépôt à la mairie de la déclaration prévue par la réglementation relative au permis de construire.
6. Il n'est pas contesté qu'une déclaration d'achèvement des travaux correspondant au lot n°2 a été déposée par la SCI Bali à la mairie de Mannevillette le 3 janvier 2011. Le maire de cette commune n'a cependant pas délivré de certificat de conformité de ces travaux au permis de construire, dès lors qu'il a été constaté l'inachèvement de certains aménagements des abords, tels la pose de l'enrobé prévu et l'édification d'une clôture séparative de propriété. Toutefois, d'une part, ces lacunes ne faisaient pas obstacle à la livraison de l'immeuble, ni à sa mise en vente, le b. du 1 de l'article 269 n'exigeant d'ailleurs pas la délivrance du certificat de conformité pour que l'immeuble puisse être regardé comme livré, d'autre part, le vérificateur a pu constater que ces aménagements avaient finalement été réalisés au plus tard en décembre 2011, tel que le révélait une facture émise par la société à responsabilité limitée (SARL) Anjual le 14 décembre 2011 et qui faisait mention de la réalisation de travaux d'aménagement extérieurs. Enfin, l'acte de vente de ce lot n°2, établi le 6 juillet 2016, fait état d'un achèvement en 2011, ce que confirment aussi les mentions du mandat de vente confié par la SCI Bali au cabinet Lesterlin-Nego'Styl le 15 mai 2014. Le délai fixé par le 3 du I de l'article 257 du code général des impôts a ainsi pu courir au plus tôt dès le 3 janvier 2011 et au plus tard le 31 décembre 2011. Dès lors, au 31 décembre 2013, c'est-à-dire deux années après l'achèvement des travaux ou la livraison de l'immeuble, ce dernier n'avait pas été vendu. La SCI Bali était, par suite, redevable à cette date de la taxe sur la valeur ajoutée correspondante, qu'elle aurait dû mentionner sur la déclaration annuelle de taxe sur la valeur ajoutée qu'il lui appartenait de souscrire au titre de l'année 2013 ou, le cas échéant, sur une déclaration ultérieure, ce qu'elle n'a pas fait. L'administration fiscale était ainsi fondée à mettre à sa charge un rappel de taxe sur la valeur ajoutée à ce titre, d'un montant de 20 805 euros.
En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée due au titre du lot n°3 établi à Mannevillette :
7. La SCI Bali a procédé, le 7 octobre 2013, à la cession d'un pavillon qu'elle avait fait ériger à Mannevillette et qui, avec ses dépendances, constituait le lot n°3. L'acte de vente prévoyait expressément que cette transaction serait soumise à la taxe sur la valeur ajoutée et que l'acquéreur verserait à ce titre une somme de 27 531,77 euros. Or, bien qu'ayant ainsi collecté de la taxe sur la valeur ajoutée, la SCI Bali n'a effectué aucun reversement à ce titre. La SCI Bali, qui, comme il a été dit au point 2, supporte la charge de la preuve, n'a fourni aucun élément de nature à remettre en cause le bien-fondé du rappel de taxe sur la valeur ajoutée correspondant. Elle ne peut, pour justifier cette abstention, utilement invoquer les difficultés financières qu'elle aurait rencontrées dans un contexte de crise immobilière et qui auraient fait obstacle à ce qu'elle puisse verser les honoraires réclamés par son expert-comptable pour effectuer la recherche des justificatifs afférents à cette opération. En l'état, le bien-fondé de ce rappel de taxe sur la valeur ajoutée doit être confirmé.
En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée due en ce qui concerne les pavillons de Gruchet-le-Valasse :
8. Ainsi qu'il a été dit au point 4, la SCI Bali a acquis un terrain à bâtir situé à Gruchet-le-Valasse, sur lequel elle a fait construire, entre 2008 et 2011, quatre pavillons. Ceux-ci ont été donnés en location respectivement en juin, septembre, octobre et novembre 2011 et doivent ainsi être regardés comme ayant été achevés en 2011, quand bien même la SCI Bali n'a pas déposé de déclaration d'achèvement des travaux à la mairie de Gruchet-le-Valasse. Ayant ainsi constaté que ces biens n'avaient pas été vendus dans le délai de deux ans suivant leur achèvement prévu par les dispositions du 3 du I de l'article 257 du code général des impôts rappelées au point 5, l'administration fiscale a mis, à ce titre, un rappel de taxe sur la valeur ajoutée à la charge de la SCI Bali.
9. Pour contester cette imposition, cette dernière soutient qu'elle ne s'est résolue à louer les biens situés à Gruchet-le-Valasse que parce qu'elle ne parvenait pas à les vendre et qu'elle connaissait des difficultés financières, liées notamment à des sujétions imprévues sur ses chantiers, de sorte que cette mise en location n'est intervenue que pour des raisons indépendantes de sa volonté. Toutefois, ce moyen ne peut qu'être écarté comme inopérant, l'expiration du délai fixé par le 3 du I de l'article 257 du code général des impôts constituant une condition objective suffisante à rendre l'assujetti redevable de la taxe sur la valeur ajoutée, sans qu'aient d'incidence les raisons susceptibles d'expliquer cette situation.
10. En outre, l'administration fiscale a pu à bon droit, en faisant application de textes différents, d'une part, soumettre à la taxe sur la valeur ajoutée la livraison à soi-même des immeubles en cause et, d'autre part, refuser à la SCI Bali la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé le coût des travaux de construction. Ce faisant, l'administration n'a aucunement soumis la SCI Bali à une double imposition.
11. Enfin, si la SCI Bali demande le bénéfice d'une compensation entre, d'une part, le rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la livraison à soi-même et, d'autre part, la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé le coût des travaux et dont la déduction lui a été refusée, elle ne peut, à cette fin, utilement invoquer les dispositions de l'article L. 80 du livre des procédures fiscales, qui, de leur lettre même, ne trouvent pas à s'appliquer à la taxe sur la valeur ajoutée. La SCI Bali n'est, à cet égard, pas fondée à invoquer la réponse apportée à M. B..., parlementaire, le 23 août 1975, qui ne comporte aucune interprétation formelle des dispositions législatives prévoyant les conditions d'exercice du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée par un assujetti auprès d'un prestataire. Elle ne peut davantage se prévaloir d'un droit à déduction qu'elle tirerait des articles R. 211-1 et suivant du livre des procédures fiscales, ces dispositions n'ouvrant qu'une faculté à l'administration fiscale.
En ce qui concerne la majoration prévue au 1 de l'article 1728 du code général des impôts :
12. Eu égard à ce qui a été dit aux points 2 à 11, le moyen tiré par la SCI Bali d'un droit à décharge de cette majoration par voie de conséquence de la décharge des droits correspondants ne peut qu'être écarté.
13. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI Bali n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement du 12 octobre 2017, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Les conclusions qu'elle présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SCI Bali est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Bali et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
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