La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/06/2019 | FRANCE | N°17DA00433

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3 (bis), 27 juin 2019, 17DA00433


Vu la procédure suivante :

Par un arrêt du 16 mai 2018, la cour administrative d'appel, avant de statuer sur les conclusions de la requête de M. B...C...tendant à ce que soit mise à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) une somme totale de 237 515,50 euros en indemnisation des préjudices consécutifs à sa contamination par le virus de l'hépatite C, a ordonné une expertise en vue de déterminer la date de stabilisation ou de consolidation de son état de santé et de décrire et d

'évaluer les préjudices de toute nature qu'il a subis.

Le rapport d...

Vu la procédure suivante :

Par un arrêt du 16 mai 2018, la cour administrative d'appel, avant de statuer sur les conclusions de la requête de M. B...C...tendant à ce que soit mise à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) une somme totale de 237 515,50 euros en indemnisation des préjudices consécutifs à sa contamination par le virus de l'hépatite C, a ordonné une expertise en vue de déterminer la date de stabilisation ou de consolidation de son état de santé et de décrire et d'évaluer les préjudices de toute nature qu'il a subis.

Le rapport de l'expert a été enregistré le 9 janvier 2019.

Par une ordonnance du 5 février 2019, le président de la cour a liquidé et taxé les frais et honoraires de l'expert à la somme de 1 990 euros nets.

Par un mémoire, enregistré le 20 mars 2019, M.C..., représenté par Me E... D..., persiste dans ses conclusions initiales par les mêmes moyens et demande, en outre, que la somme mise à la charge de l'ONIAM soit portée à 605 078,11 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 avril 2019, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par MeA..., conclut à ce que les sommes demandées par M. C...soient ramenées à de plus justes proportions.

--------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Julien Sorin, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Anne-Marie Leguin, rapporteur public,

- et les observations de MeD..., représentant M.C....

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêt du 16 mai 2018, la cour administrative d'appel a ordonné, avant de se prononcer sur la requête de M. C...dirigée contre l'ONIAM et tendant à l'indemnisation des préjudices consécutifs à sa contamination par le virus de l'hépatite C dont l'origine transfusionnelle est établie et non contestée par l'Office, qu'il soit procédé, par un expert désigné par le président de la cour, à une expertise en vue de déterminer la date de stabilisation ou de consolidation de son état de santé et de décrire et d'évaluer les préjudices de toute nature qu'il a subis. L'expert a déposé son rapport le 9 janvier 2019.

Sur les préjudices et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des conclusions indemnitaires présentées en appel par M.C... :

2. Né le 8 octobre 1980, atteint d'hémophilie de type A sévère d'origine génétique, M. C... a subi dans sa prime enfance de nombreuses transfusions sanguines ayant conduit au diagnostic, le 15 octobre 1990, de sa contamination par le virus de l'hépatite C. Plusieurs traitements ont été administrés, sans résultats positifs, au cours des années 1996, 1999, 2009 et 2012. Le cinquième traitement, suivi du 6 juin au 29 août 2014, permettra une guérison complète de l'intéressé, dont l'expert diligenté par la cour estime que l'état de santé doit être regardé comme consolidé à la date du 28 février 2015.

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :

3. Il résulte de l'instruction, d'une part, que M. C...a dû redoubler deux classes en raison des traitements suivis dans le cadre de la prise en charge de sa contamination par le virus de l'hépatite C et, d'autre part, que l'asthénie importante ressentie tant durant les périodes de traitement qu'en dehors de ces périodes a eu un retentissement sur sa capacité à évoluer professionnellement. Il sera fait une juste appréciation de l'incidence scolaire en la fixant à 4 000 euros. S'agissant de l'incidence professionnelle, l'intéressé, qui se borne à produire une attestation de son ancien employeur faisant état de l'annulation d'un plan de formation, de la limitation de ses déplacements et de la réduction d'objectifs professionnels, n'apporte pas les éléments suffisants de nature à fonder l'indemnisation de 500 000 euros qu'il réclame à ce titre. Il sera fait dans ces conditions une juste appréciation du préjudice subi en accordant au titre de l'incidence professionnelle une somme de 6 000 euros.

En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux :

4. Il résulte de l'instruction et notamment des termes du rapport de l'expertise diligentée par la cour, que M. C...a subi, avant sa guérison intervenue en 2015, un déficit fonctionnel temporaire qui peut être évalué à 25 % pendant les traitements antiviraux administrés du 1er avril 1996 au 1er juillet 1996, du 10 août 1999 au 5 juin 2000, du 6 janvier 2012 au 8 décembre 2012 et du 6 juin 2014 au 29 août 2014, et à 50 % pendant le traitement administré du 10 septembre 2009 au 7 mai 2010. L'expert estime également que M. C...a subi un déficit fonctionnel temporaire tout au long de l'évolution de la maladie virale C hors traitement (asthénie chronique), à hauteur de 5 % du 15 juillet 1981 au 15 juillet 1990, de 7,5 % du 16 juillet 1990 au 31 mars 1996, de 10 % du 2 juillet 1996 au 9 août 1999, de 12,5 % du 6 juin 2000 au 9 septembre 2009, de 15 % du 8 mai 2010 au 5 janvier 2012, de 17,5 % du 9 décembre 2012 au 5 juin 2014 et de 5 % du 30 août 2014 au 28 février 2015. Il sera fait une juste appréciation du préjudice ainsi subi au cours des différentes périodes concernées en le fixant à la somme globale de 16 000 euros.

5. Les souffrances endurées par M.C..., qu'il y a lieu de fixer à 3 sur une échelle de 7, donneront lieu à une indemnisation s'élevant à la somme de 10 000 euros, eu égard au nombre, à la durée et à l'intensité des traitements subis.

6. Le préjudice sexuel invoqué a été subi avant la consolidation et est dès lors indemnisé dans le cadre de l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire. Aucun préjudice sexuel n'étant reconnu par l'expert postérieurement à la consolidation, il y a lieu de rejeter les conclusions tendant à l'indemnisation de ce chef de préjudice.

7. Le préjudice d'agrément subi préalablement à la consolidation est indemnisé au titre du déficit fonctionnel temporaire. Les conclusions tendant à l'indemnisation spécifique de ce chef de préjudice ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.

8. Le préjudice esthétique invoqué, qui résulterait de la contraction de psoriasis pendant les périodes de traitement, ne présente, aux dires de l'expert nommé par la cour, qu'un lien indirect avec la contamination de M. C...par le virus de l'hépatite C. Les conclusions tendant à son indemnisation ne peuvent, dans ces conditions, qu'être rejetées.

9. De la date de la révélation de sa contamination en octobre 1990, jusqu'à la date du constat de sa guérison le 28 février 2015, M. C...a pu légitiment éprouver des inquiétudes du fait de sa contamination par la maladie qui avait été diagnostiquée et des conséquences graves qui pouvaient en résulter. Il a subi quatre traitements au cours des années 1990 et 2000, sans résultat, seul le dernier, suivi en 2014, ayant permis l'éradication de la charge virale. Il sera dans ces conditions fait une juste appréciation du préjudice qu'il a subi de ce fait en lui allouant une somme de 10 000 euros.

10. Il résulte de ce qui précède que M. C...est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a limité à 14 015 euros le montant des préjudices résultant de sa contamination par le virus de l'hépatite C. Il y a lieu de mettre à la charge de l'ONIAM à ce titre une somme totale de 46 000 euros. Cette somme portera intérêt au taux légal à compter du 13 octobre 2014. Il y a lieu de faire droit à la demande de capitalisation, formulée à la même date, à compter du 13 octobre 2015.

11. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre les frais de l'expertise ordonnée par la cour, liquidés et taxés à hauteur de 1 990 euros, à la charge de l'ONIAM.

12. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'ONIAM une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. C...et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1 : L'ONIAM versera à M. C...une somme totale de 46 000 euros en indemnisation des préjudices résultant de sa contamination par le virus de l'hépatite C avec intérêts au taux légal à compter du 13 octobre 2014. Les intérêts échus à la date du 13 octobre 2014 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : Les frais d'expertise, liquidés et taxés à hauteur de 1 990 euros, sont mis à la charge de l'ONIAM.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 11 janvier 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'ONIAM versera à M. C...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à l'Établissement français du sang et à la caisse primaire d'assurance maladie de Flandres.

2

N°17DA00433


Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award