Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme J...G...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 5 décembre 2014 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé la société Conforama à la licencier, la décision implicite du 27 mai 2015 du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social rejetant son recours hiérarchique et la décision du 3 août 2015 du ministre chargé du travail rejetant expressément son recours hiérarchique.
Par un jugement n°1508222 du 13 décembre 2017, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 8 février et 6 juin 2018, Mme J...G..., représentée par Me I...F..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision de l'inspecteur du travail du 5 décembre 2014 et les décisions du ministre des 27 mai 2015 et 3 août 2015 ;
3°) de mettre à la charge de la société Conforama la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Valérie Petit, président-assesseur,
- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,
- et les observations de Me E...L..., représentant la société Conforama France.
Considérant ce qui suit :
1. MmeG..., employée par la société Conforama France depuis le 4 janvier 2001, occupait un poste d'hôtesse d'accueil téléphonique au sein du service après-vente située à Seclin, exploité sous l'enseigne " SAVEO ". Elle était membre suppléante du comité d'établissement et déléguée du personnel suppléant. Au cours de l'année 2013, la société Conforama France a engagé une procédure de restructuration en raison, notamment, du déclin d'activité dans la réparation et le dépannage d'appareils électroménagers (" blancs "), d'équipements audio/vidéo (" brun ") et informatiques (" gris "). Ce plan de restructuration a prévu la fermeture de 7 des 12 centres " SAVEO ", dont celui de Seclin. Après le refus opposé par Mme G...à l'ensemble des offres de reclassement qui lui ont été proposées et la tenue d'un entretien préalable au licenciement le 22 septembre 2014, le directeur " SAVEO " de Seclin a demandé à l'inspecteur du travail l'autorisation de la licencier pour motif économique. Par une décision du 5 décembre 2014, l'inspecteur du travail a accordé cette autorisation. Un rejet implicite est né le 27 mai 2015 du silence gardé par le ministre chargé du travail sur le recours hiérarchique formé par MmeG.... Puis, par une décision du 3 août 2015, le ministre a explicitement rejeté ce recours. Mme G...relève appel du jugement du 13 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions de l'inspecteur du travail et du ministre chargé du travail.
2. Il ressort des pièces du dossier que M.C..., signataire de la demande d'autorisation de licenciement de MmeG..., a reçu le 20 mars 2012 une délégation de pouvoir et de responsabilités de la part de M.B..., directeur du SAV de Conforama, notamment dans le domaine social et de la réglementation du travail. Ce dernier a lui-même, le 20 mars 2010, reçu une délégation de la part du président directeur général de Conforama France. Si comme le soutient Mme.G..., M. B...n'était plus en fonctions au sein de la société Conforama en 2014, Mme. H...K..., qui a succédé à M.B..., a elle-même reçu le 22 avril 2013 une subdélégation de pouvoirs et de responsabilités. Elle a confirmé par lettre du 29 avril 2013 à M. C...qu'elle maintenait la délégation de pouvoirs et de responsabilité qui avait été accordée à celui-ci par son prédécesseur. La requérante ne peut utilement se prévaloir du caractère non formalisé de ce maintien de délégation de pouvoir et de responsabilités. La copie de l'extrait du registre du personnel indiquant que M. C...serait directeur des relations fournisseurs au sein de Conforama Services, n'est pas davantage de nature à remettre en cause la délégation de pouvoirs et de compétences dont il bénéficiait dans le domaine social et de la réglementation du travail. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que M. C...n'aurait pas été compétent pour mener au nom de la société Conforama la procédure de licenciement en litige ou pour présider le comité d'établissement chargé d'émettre un avis sur le licenciement de la salariée, doit être écarté.
3. Aux termes de l'article L. 2421-3 du code du travail : " Le licenciement envisagé par l'employeur d'un délégué du personnel ou d'un membre élu du comité d'entreprise titulaire ou suppléant, d'un représentant syndical au comité d'entreprise ou d'un représentant des salariés au comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail est soumis au comité d'entreprise, qui donne un avis sur le projet de licenciement. ". Aux termes de l'article R. 2421-9 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " L'avis du comité d'entreprise est exprimé au scrutin secret après audition de l'intéressé. ".
4. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal de la réunion du comité d'établissement du 29 septembre 2014, au cours de laquelle devaient être auditionnés les salariés faisant l'objet d'une procédure de licenciement, que M.D..., M. A...et Mme G..., qui siégeaient au sein de ce comité, ont refusé que cette réunion se tienne sous la présidence de M.C..., en raison notamment de leur contestation de la compéténce de celui-ci, exposée au point 2 ci-dessus, et ont quitté définitivement la réunion. M.C..., qui a poursuivi la réunion, a alors été contraint de procéder à l'audition des salariés encore présents, alors même que l'ordre du jour prévoyait un ordre de passage différent. Cette modification de l'ordre du jour est exclusivement imputable au comportement adopté par les intéressés. L'attestation établie par une salariée de la société Conforama selon laquelle Mme G...aurait été présente jusque 12h dans le bureau du secrétariat de direction n'est pas de nature à elle seule à établir, compte tenu des circonstances décrites ci-avant, que Mme G...aurait patienté pour être entendue par le comité. Dans ces conditions, MmeG..., qui s'est privée elle-même de la possibilité de s'exprimer devant le comité d'établissement ne saurait utilement soutenir que la procédure serait irrégulière faute d'avoir été auditionnée.
5. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des membres du comité d'entreprise, qui bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle, est subordonné à une autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et le cas échéant au ministre de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière. Si la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise peut constituer un tel motif, c'est à la condition que soit établie une menace pour la compétitivité de l'entreprise, laquelle s'apprécie, lorsque l'entreprise appartient à un groupe, au niveau du secteur d'activité dont relève l'entreprise en cause au sein du groupe.
6. Il ressort des pièces du dossier que la société Conforama, qui appartient depuis 2011 au groupe international Steinhoff, a pour activité la vente de meubles, d'articles de décoration, de produits " blanc brun gris " dit BBG, ainsi que la réparation de produits électroménagers, TV, vidéo et informatique. L'activité de réparation, exercée sous l'enseigne SAVEO, est en déclin depuis plusieurs années en raison notamment de la meilleure fiabilité des produits, et de la baisse du prix de vente, conduisant les consommateurs à privilégier l'achat d'un produit neuf. Après avoir observé une diminution du nombre d'interventions de 37 % entre 2006 et 2011, une baisse de 25% puis de 7% a été constatée respectivement en 2012 et 2013. L'ensemble des ateliers SAVEO se sont retrouvés en situation de surcapacité, à hauteur de 66% en 2013 et de 75,36 % en 2014. Pour faire face à cette situation, Conforama a mis en place un projet de réorganisation visant notamment à regrouper les ateliers SAVEO sur 5 centres au lieu de 12 et à diminuer les effectifs, soit 205 emplois sur les 591 emplois existants au sein des centres SAVEO. Il ne ressort pas des pièces du dossier que des sociétés appartenant au groupe Steinhoff auraient, elles aussi, pour activité la réparation et le dépannage de produits. Si Mme G...soutient que les activités de SAVEO ne sont qu'accessoires à l'activité de vente des produits par Conforama, il ressort néanmoins des pièces du dossier que l'activité de SAVEO consiste en des prestations de services, effectuées en atelier ou au domicile de la clientèle, au moyen de ressources humaines, matérielles et logistiques distinctes des autres activités de la société Conforama. La clientèle ciblée par SAVEO ne recouvre pas nécessairement celle de Conforama, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que seuls les produits vendus par Conforama peuvent être réparés par l'enseigne SAVEO. Eu égard à la nature des services délivrés, à la clientèle ciblée, ainsi qu'aux réseaux et modes de distribution, l'activité de réparation doit être regardée comme constituant un secteur d'activité. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier et en particulier des comptes de résultat que la société a subi des pertes d'exploitation d'environ 32 322 000 euros en 2013 et de
55 256 000 euros en 2014. Dans ces conditions, la restructuration, décidée par la société Conforama, de son secteur d'activité réparation / dépannage s'avérait nécessaire afin de sauvegarder la compétitivité du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient et de la société elle-même. Par suite, le moyen tiré de ce que le motif économique ne serait pas établi doit être écarté.
7. Aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie. / Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. / Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises ".
8. Pour apprécier si l'employeur a satisfait à son obligation en matière de reclassement, l'autorité administrative doit s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, qu'il a procédé à une recherche sérieuse des possibilités de reclassement du salarié, tant au sein de l'entreprise que dans les entreprises du groupe auquel elle appartient, ce dernier étant entendu, à ce titre, comme les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel.
9. Mme G...fait valoir, de manière générale, qu'aucune offre de reclassement n'a été proposée à l'extérieur de la société Conforama alors que celle-ci appartient à un groupe international qui compte des centaines de milliers d'emplois en France et à l'étranger. Si la société Conforama appartient effectivement au groupe Steinhoff, aucun élément du dossier n'est de nature à établir que les entreprises appartenant à ce groupe auraient pu offrir, eu égard à leur organisation, leurs activités ou leur lieu d'exploitation, des possibilités d'y effectuer la permutation de tout ou partie du personnel de la société Conforama. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que, par plusieurs lettres recommandées datées des 24 octobre 2013, 15 avril 2014, 21 mai 2014 et 22 juillet 2014, la société Conforama a proposé à Mme G...un reclassement dans des emplois disponibles au sein de ses effectifs, à savoir des postes de vendeuse à Reims, Saint-Quentin, et Cormontreuil, d'hôtesse d'accueil à Louvroil, et d'hôtesse d'accueil SAV à Compiègne. Parmi ces emplois, l'un d'eux correspondait à la catégorie à laquelle appartient MmeG.... Le seul fait que les autres postes relevaient d'une catégorie inférieure à celle de l'emploi occupé par Mme G...et que les mêmes propositions ont été formulées auprès de plusieurs autres salariés ne sont pas, par eux-mêmes, de nature à permettre de regarder ces offres de reclassement comme déloyales, dépourvues de caractère sérieux, ou conditionnelles. La requérante ne démontre pas, en outre, que les affectations proposées auraient entraîné une baisse significative de sa rémunération. Si, comme le soutient MmeG..., d'autres emplois, plus proches de son domicile, étaient disponibles, la société Conforama France fait valoir, sans être toujours contestée sur ce point en appel, qu'ils ont été proposés à d'autres salariés, suivant les critères de licenciement fixés dans le plan de sauvegarde de l'emploi. Enfin, l'allégation selon laquelle la société Conforama aurait mené une politique de transformation de contrats à durée déterminée en une durée indéterminée après la fin du plan de sauvegarde pour l'emploi n'est, en tout état de cause, pas établie. Par suite, le moyen tiré de ce que l'administration aurait commis une erreur d'appréciation en estimant que la société Conforama avait satisfait à son obligation de reclassement doit être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme G...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme G...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme J...G..., à la société Conforama France et à la ministre du travail.
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