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13/06/2019 | FRANCE | N°17DA00295

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 13 juin 2019, 17DA00295


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...C...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 28 mai 2015 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a retiré sa décision implicite de rejet née le 22 avril 2015, a annulé la décision du 17 novembre 2015 de l'inspecteur du travail de la 16° section de l'unité territoriale Nord-Lille et a autorisé son licenciement pour faute.

Par un jugement n° 1505972 du 14 décembre 2016, le t

ribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...C...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 28 mai 2015 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a retiré sa décision implicite de rejet née le 22 avril 2015, a annulé la décision du 17 novembre 2015 de l'inspecteur du travail de la 16° section de l'unité territoriale Nord-Lille et a autorisé son licenciement pour faute.

Par un jugement n° 1505972 du 14 décembre 2016, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 février 2017, M.C..., représenté par Me B... A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 28 mai 2015 du ministre chargé du travail retirant sa décision implicite de rejet née le 22 avril 2015, annulant la décision du 17 novembre 2015 de l'inspecteur du travail de la 16° section de l'unité territoriale Nord-Lille et autorisant son licenciement pour faute ;

3°) d'enjoindre à la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) Mobilités de le réintégrer ;

4°) de mettre à la charge de SNCF Mobilités la somme de 4 500 euros sur le fondement de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code du travail ;

- le statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,

- et les observations de M. E...C...et de Me D...F..., représentant SNCF Mobilités.

Considérant ce qui suit :

1. M.C..., né le 25 octobre 1957, est entré le 7 février 1983 à la Société nationale des chemins de fer français. Assistant de gestion au Campus Lille, organisme de formation interne rattaché à la direction régionale SNCF de Lille, il exerçait le mandat de représentant syndical Force ouvrière depuis avril 2014. Le 17 novembre 2014, l'inspecteur du travail de l'unité territoriale Nord Lille a refusé l'autorisation de licenciement pour faute demandée par son employeur, au motif que le délai prévu à l'article R. 2421-6 du code du travail, entre la date de sa suspension et la demande d'autorisation de procéder à sa radiation des cadres, avait été supérieur à un mois et demi. M. C...relève appel du jugement du 14 décembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 28 mai 2015 par laquelle le ministre chargé du travail a, sur recours hiérarchique de la SNCF, retiré sa décision implicite de rejet née le 22 avril 2015, a annulé la décision du 17 novembre 2014 de l'inspecteur du travail et a autorisé son licenciement pour faute.

2. En vertu des dispositions de l'article L. 2411-3 du code du travail, les salariés légalement investis des fonctions de délégué syndical bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.

3. Les dispositions du code du travail ne s'appliquent aux agents de la Société nationale des chemins de fer français, qui sont régis par un statut règlementaire, que lorsque la loi l'a expressément prévu et à la condition que ces dispositions ne soient pas incompatibles avec les nécessités du service public géré par cet établissement public industriel et commercial. Dans le silence de la loi, seules sont applicables les dispositions qui constituent des principes généraux du droit du travail applicables aux entreprises publiques soumises à un statut règlementaire et qui ne sont pas davantage incompatibles avec les nécessités du service public.

4. M. C...a été suspendu le 29 juillet 2014. La demande d'autorisation de licenciement a été faite à l'inspecteur du travail le 16 septembre 2014 après un entretien préalable le 21 août 2014. En application des articles 3 et 6 du chapitre 9 du statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel, l'avis du conseil de discipline a aussi été demandé, la sanction de la radiation des cadres étant envisagée par l'employeur. Le conseil de discipline a émis, le 12 septembre 2016, un avis favorable à la mesure de radiation envisagée, préalablement à l'autorisation de le licencier présentée le 16 septembre 2014.

5. Aucune disposition législative n'a prévu expressément l'application des dispositions de l'article R. 2421-6 du code du travail relatives au délai entre la suspension d'un salarié et la demande d'autorisation de licenciement aux agents d'un établissement public doté, comme la SNCF, d'un statut réglementaire régissant ses relations avec ses agents. Les garanties disciplinaires dont disposent les agents de la SNCF, qui sont, en l'espèce, plus favorables que celles résultant de l'application du code du travail, notamment en ce qu'elles prévoient la consultation d'un conseil de discipline à l'issue duquel l'employeur décidera de la sanction disciplinaire à infliger à son agent, ne sont pas conciliables avec les délais mentionnés par l'article R. 2421-6 précité dès lors que l'agent mis en cause doit bénéficier d'un délai raisonnable pour préparer sa défense devant ledit conseil de discipline. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance par le ministre chargé du travail des dispositions de l'article R. 2421-6 du code du travail doit être écarté.

6. Ainsi qu'il a été dit au point 6, M. C...a été suspendu à titre conservatoire le 29 juillet 2014 en application du paragraphe 5 de l'article 2 du chapitre 9 du statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel. Il ne peut utilement se prévaloir, à l'égard de la sanction de la radiation des cadres, d'un dépassement du délai de deux mois de la suspension, au demeurant non établi.

7. La décision contestée du 28 mai 2015 mentionne le motif pour lequel la décision de l'inspecteur du travail est annulée par le ministre, à savoir que les garanties disciplinaires dont disposent les agents de la SNCF n'étaient pas conciliables avec les délais mentionnés à l'article R. 2421-6 du code du travail. Cette dernière mention constitue, implicitement mais nécessairement, le motif de retrait de la décision implicite de rejet du recours hiérarchique. Le moyen tiré de l'absence de motivation du retrait de la décision de rejet du recours hiérarchique de la SNCF doit être écarté.

8. Il est, d'une part, reproché à M.C..., par la SNCF, d'avoir envoyé trois courriers électroniques de sa messagerie professionnelle à une quinzaine d'agents de la SNCF, dont le directeur régional Nord, le directeur des ressources humaines et d'autres responsables régionaux du Nord, faisant état de sa lutte contre la corruption, mettant violemment en cause son supérieur hiérarchique, en évoquant " une longue liste de délits perpétrés par cet agent ", " des affaires de clientélisme, de népotisme, de conflits d'intérêts ", le qualifiant de " sinistre personnage " et de " truand corrompu ". Il est, d'autre part, également reproché à M. C...d'avoir brutalement renvoyé deux formateurs de son bureau, le 24 juillet 2014, en refusant d'accepter la mission que ces agents lui demandaient de la part de son supérieur hiérarchique. M. C...s'en est expliqué dans un courrier électronique du 25 juillet 2014, envoyé à plusieurs responsables de services de la SNCF, en affirmant : " J'ai convenu depuis le mois de mars de ne plus accepter de mission dont le contenu émanait d'un service dirigé par un truand corrompu complètement discrédité ".

9. M.C..., qui reconnaît ces faits, les justifie par son combat contre la corruption et sa fonction de lanceur d'alerte. M. C...avait saisi, en 2012 et en avril 2013, la direction de l'éthique de la SNCF sur des faits de corruption qui se sont à chaque fois révélés, après enquête, sans fondement. En juin 2013, après avoir lancé diverses accusations de corruption, il n'a pas donné suite aux demandes de précisions faites par la SNCF quant à " l'utilisation frauduleuse de sa réserve bancaire professionnelle par un cadre ". Si l'article L 1161-1 du code du travail, alors en vigueur, posait le principe de l'absence de sanctions pour les salariés ayant témoigné, de bonne foi, de faits de corruption auprès de leur hiérarchie ou des pouvoirs publics, les affirmations répétées de M.C..., exemptes de toute bonne foi, et son comportement sont constitutifs d'insubordination et d'injures calomnieuses mettant gravement en cause l'honneur, la probité et même la santé de certains cadres de la SNCF, son supérieur hiérarchique ayant été placé en congé maladie du fait de ses attaques. Ses allégations et ce comportement sont ainsi sans relation avec sa qualité de salarié protégé. Elles contribuent à créer un climat délétère dans l'entreprise et constituent, dès lors, un comportement fautif d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement. M.C..., qui avait déjà été sanctionné en 2012 par une mise à pied avec sursis pour des propos diffamatoires envers sa hiérarchie, ne peut sérieusement soutenir que ces injures constitueraient la riposte à une situation de harcèlement. Par suite, c'est sans erreur d'appréciation que le ministre chargé du travail a pu autoriser son licenciement.

10. Si M. C...soutient avoir été victime de discrimination et de harcèlement, il ne produit aucun élément au soutien de ses allégations. La seule production d'arrêts de travail pour deux mois de l'année 2009, faisant état d'un syndrome dépressif et de diabète, ne peut établir la réalité de ces faits. Il ressort, en revanche, des pièces du dossier, qu'en plus de la sanction de 2012 évoquée au point précédent, M. C...a été sanctionné à trois autres reprises, entre 2011 et 2013, pour des faits d'absence irrégulière et pour avoir refusé de restituer du matériel informatique. Une tentative de conciliation a été entreprise en février 2014 par la commission nationale de soutien individuel, qui lui a proposé une indemnité volontaire de départ, qu'il a refusée, en jetant de surcroit le discrédit sur les acteurs de cette instance. Le moyen tiré de l'existence de discrimination et de harcèlement doit être écarté.

11. La contestation, par un salarié, de la sanction disciplinaire qui lui a été infligée n'est relative ni à un droit ou une obligation de caractère civil, ni au bien-fondé d'une accusation en matière pénale. Par suite, un tel litige n'entre pas dans le champ d'application des stipulations de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ainsi qu'il est dit au point précédent, la discrimination alléguée par M. C...n'est pas établie. Par suite, celui-ci ne peut se prévaloir de la méconnaissance, par la décision contestée, des stipulations de l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement du 14 décembre 2016, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. C...le versement à SNCF Mobilités d'une somme de 500 euros sur le fondement de ces dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : M. C...versera 500 euros à SNCF Mobilités au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...C..., à SNCF Mobilités et à la ministre du travail.

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N°17DA00295

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17DA00295
Date de la décision : 13/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-02-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour faute. Existence d'une faute d'une gravité suffisante.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Jean-Jacques Gauthé
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : CARA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-06-13;17da00295 ?
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