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11/06/2019 | FRANCE | N°18DA01507

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre - formation à 3, 11 juin 2019, 18DA01507


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...D...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 28 mars 2018 par lequel le préfet du Pas-de-Calais l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 1802736 du 5 juin 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 28 m

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...D...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 28 mars 2018 par lequel le préfet du Pas-de-Calais l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 1802736 du 5 juin 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 28 mars 2018 en tant qu'il refuse un délai de départ volontaire à M. D...et prononce une interdiction de retour sur le territoire français.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 juillet 2018, le préfet du Pas-de-Calais demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il annule les décisions refusant un délai de départ volontaire et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français ;

2°) de rejeter les conclusions de la demande de première instance de M.D....

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Christine Courault, présidente de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite de son interpellation par les services de police, M.D..., ressortissant afghan né le 1er janvier 1993, a fait l'objet le 28 mars 2018 d'un arrêté du préfet du Pas-de-Calais l'obligeant à quitter sans délai le territoire français, fixant le pays de renvoi et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Le préfet du Pas-de-Calais interjette appel du jugement du 5 juin 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé les décisions refusant un délai de départ volontaire à M. D...et prononçant une interdiction de retour d'un an sur le territoire français.

Sur le moyen d'annulation retenu par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille à l'encontre de la décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

2. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable à la date des décisions attaquées : " (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour (...) / f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente (...) ".

3. Il ressort de l'arrêté attaqué que le préfet du Pas-de-Calais s'est fondé sur les dispositions des a) et f) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour refuser d'octroyer à M. D...un délai de départ volontaire. Si le préfet a relevé, à tort, que M. D...n'avait pas déclaré de résidence effective et permanente, alors que l'intéressé avait indiqué aux services de police être hébergé auprès d'une association, il ressort cependant des pièces du dossier que l'intéressé ne justifie pas être entré régulièrement sur le territoire français et n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Par suite, les dispositions du a) citées au point 2 étaient, à elles seules, de nature à justifier le refus d'octroi d'un délai de départ volontaire et, sauf circonstances particulières, de regarder un risque de fuite comme établi.

4. M.D... soutient qu'il justifie de circonstances particulières car il a fait l'objet d'un suivi médical dans un service de soins de suite et de réadaptation du 7 septembre 2017 au 24 octobre 2017 pour des fractures secondaires consécutives d'une rixe survenue en août 2017. Si l'intéressé produit un certificat du 1er février 2018 émis par un médecin du centre hospitalier de Calais qui établit que son état de santé nécessite des séances de rééducation, il n'apporte toutefois aucun élément sur le nombre et le rythme de ces séances et n'allègue pas les avoir suivies. Dès lors, en l'absence d'éléments suffisamment précis sur son état de santé, M. D...n'établit pas que des circonstances particulières faisaient obstacle à ce que l'autorité administrative prononce une obligation de quitter le territoire français sans délai. Par suite, le préfet du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille s'est fondé sur ce motif pour annuler l'arrêté du 28 mars 2018.

5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés à l'encontre de cette décision en première instance.

6. La décision attaquée a été signée par M. C...B..., chef de bureau de l'éloignement à la préfecture du Pas-de-Calais, qui a reçu délégation à cet effet par arrêté du préfet du Pas-de-Calais du 18 décembre 2017, régulièrement publié le même jour au recueil spécial des actes administratifs. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte ne peut donc qu'être écarté.

7. La décision attaquée vise les textes dont elle fait application et mentionne les faits qui en constituent le fondement de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.

8. Par l'article 2 du jugement du 5 juin 2018, devenu définitif, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté les conclusions aux fins d'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de M.D.... Par suite, le moyen tiré de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, soulevé par voie d'exception à l'encontre de la décision de refus de départ volontaire, doit être écarté.

9. Les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile instituent un délai de départ volontaire de trente jours et prévoient, par exception, les hypothèses dans lesquelles un étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français peut se voir opposer une décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire. Les trois hypothèses prévues au 1°, 2° et 3° de cet article consistent en la transposition exacte des dispositions du 4° de l'article 7 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008. Les dispositions du 3° de l'article en cause définissent les critères objectifs de détermination du risque de fuite. Par ailleurs, en prévoyant que des circonstances particulières peuvent faire obstacle à ce que le risque de fuite soit considéré comme établi dans l'hypothèse où un étranger entrerait dans un des cas ainsi définis, le législateur a imposé à l'administration un examen de la situation particulière de chaque étranger, en conformité avec l'article 3 de la directive. Le principe de proportionnalité, qui doit être assuré au cours de chacune des étapes de la procédure de retour, ainsi que l'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne dans un arrêt El Dridi du 28 avril 2011, n'est pas, eu égard à ce qui précède, méconnu par les dispositions en cause. Il en résulte que M. D...n'est pas fondé à soutenir que les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont incompatibles avec les objectifs poursuivis par la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008.

10. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 9 que la décision refusant un délai de départ volontaire n'est pas entachée d'illégalité.

Sur le moyen d'annulation retenu par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille à l'encontre de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an :

11. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable à la date des décisions attaquées : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III (...) [est décidée] par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français.(...) ".

12. Il ressort des pièces du dossier que M. D...est célibataire et sans enfant à charge sur le territoire national. En outre, il a déclaré lors de son audition auprès des services de police, être entré récemment sur le territoire français sur lequel il ne justifie nullement de liens privés et familiaux. Si l'intéressé se prévaut d'un traumatisme de santé consécutif à une rixe survenue en août 2017, cette circonstance ne saurait être qualifiée de circonstances humanitaires au sens des dispositions précitées. Ainsi, le préfet du Pas-de-Calais n'a pas commis une erreur manifeste d'appréciation en assortissant sa mesure d'éloignement d'une interdiction de retour sur le territoire français durant un an. Par suite, le préfet du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que c'est à tort, que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé la décision interdisant le retour de M.D... sur le territoire français durant un an.

13. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D...en première instance.

14. Pour les motifs exposés aux points 6 et 7, les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée et du défaut de motivation doivent être écartés.

15. Il résulte de ce qui a été dit au point 8 que le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

16. Il résulte de ce qui a été dit aux points 12 à 15 que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français n'est pas entachée d'illégalité.

17. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 28 mars 2018 en tant qu'il refuse l'octroi d'un délai de départ volontaire à M. D...et prononce une interdiction de retour d'un an sur le territoire français. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par M. D...tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement n° 1802736 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille du 5 juin 2018 est annulé.

Article 2 : Les conclusions à fin d'annulation des décisions refusant un délai de départ volontaire ainsi que l'interdiction de retour d'une durée d'un an présentées par M. D... devant le tribunal administratif de Lille sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées en appel par M. D...sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A...D....

Copie en sera adressée au préfet du Pas-de-Calais.

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N°18DA01507


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme Courault
Rapporteur ?: Mme Christine Courault
Rapporteur public ?: Mme Leguin
Avocat(s) : BROISIN

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Date de la décision : 11/06/2019
Date de l'import : 18/06/2019

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 18DA01507
Numéro NOR : CETATEXT000038625333 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-06-11;18da01507 ?
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