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06/06/2019 | FRANCE | N°19DA00118

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre - formation à 3, 06 juin 2019, 19DA00118


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 2 novembre 2018 par lequel la préfète de la Seine-Maritime a ordonné son transfert aux autorités italiennes.

Par un jugement n° 1804206 du 19 décembre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 janvier 2019, M. A..., représenté par Me B...D..., demande à l

a cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;

3°) d'enjo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 2 novembre 2018 par lequel la préfète de la Seine-Maritime a ordonné son transfert aux autorités italiennes.

Par un jugement n° 1804206 du 19 décembre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 janvier 2019, M. A..., représenté par Me B...D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Seine-Maritime de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et d'enregistrer sa demande d'asile dans un délai de sept jours à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Michel Richard, président-rapporteur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant guinéen né le 1er janvier 1997, déclare avoir quitté son pays en raison des persécutions auxquelles il était exposé. Il a déposé en France une demande d'asile le 24 septembre 2018. La consultation d'Eurodac a fait apparaître l'existence d'une prise d'empreinte et d'une demande d'asile en Italie. Ce pays, consulté par la France, a accepté de le reprendre en charge. M. A... relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 novembre 2018 de la préfète de la Seine-Maritime ordonnant son transfert vers l'Italie.

2. Les moyens tirés du défaut de motivation de l'acte attaqué, de la méconnaissance du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013, de la violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des articles 3 et 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, du défaut d'examen particulier de la situation de M. A... et de l'erreur manifeste d'appréciation à ne pas avoir mis en oeuvre les dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 peuvent être écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge.

3. Aux termes de l'article 4 - Droit à l'information - du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. / 3. La Commission rédige, au moyen d'actes d'exécution, une brochure commune ainsi qu'une brochure spécifique pour les mineurs non accompagnés, contenant au minimum les informations visées au paragraphe 1 du présent article. Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les Etats membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux Etats membres. Ces actes d'exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 44, paragraphe 2, du présent règlement ".

4. Il ressort des pièces du dossier, et notamment d'une attestation du 24 septembre 2018 signée par M. A..., qu'il s'est vu remettre le guide du demandeur d'asile ainsi que l'information sur les règlements communautaires, à savoir les brochures A " j'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " et B " je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce de cela signifie ' " en langue française, qu'il a déclaré comprendre lors de son entretien du même jour, auquel il a pu prendre part sans l'assistance d'un interprète. Il n'établit en aucune manière que sa connaissance du français aurait été insuffisante pour lui permettre de comprendre les informations qui lui ont été données lors de cet entretien. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier qu'il aurait déclaré ne pas savoir lire. Il a, au demeurant, signé les différents documents qui lui ont été présentés. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

5. Aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et les mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national (...) ". Aux termes de l'article 35 de ce règlement : " 1. Chaque Etat membre notifie sans délai à la Commission les autorités chargées en particulier de l'exécution des obligations découlant du présent règlement et toute modification concernant ces autorités. (...) / (...) / 3. Les autorités visées au paragraphe 1 reçoivent la formation nécessaire en ce qui concerne l'application du présent règlement / (...) ". Aux termes de l'article 1er de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale : " La présente directive a pour objet d'établir des procédures communes d'octroi et de retrait de la protection internationale en vertu de la directive 2011/95/UE ". Aux termes de l'article 4 de la même directive : " 1. Les Etats membres désignent pour toutes les procédures une autorité responsable de la détermination qui sera chargée de procéder à un examen approprié des demandes conformément à la présente directive. (...) / 2. Les Etats membres peuvent prévoir qu'une autorité autre que celle mentionnée au paragraphe 1 est responsable lorsqu'il s'agit : / a) de traiter les cas en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 (...). / 4. Lorsqu'une autorité est désignée conformément au paragraphe 2, les Etats membres veillent à ce que le personnel de cette autorité dispose des connaissances appropriées ou reçoive la formation nécessaire pour remplir ses obligations lors de la mise en oeuvre de la présente directive (...) ".

6. D'une part, les dispositions du paragraphe 4 de l'article 4 de la directive 2013/32/UE du 26 juin 2013, citées au point précédent, qui se bornent à prévoir que l'autorité compétente pour traiter les cas en vertu du règlement n° 604/2013 du même jour doit disposer des connaissances appropriées ou recevoir la formation nécessaire pour remplir ses obligations, n'appellent aucune mesure de transposition en droit interne. Le requérant n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment celles de l'article R. 742-1, seraient incompatibles avec les objectifs de cette directive. Par ailleurs, dès lors que cette directive a été transposée en droit interne, il ne saurait utilement se prévaloir de ces dispositions, à les supposer même claires et inconditionnelles, à l'encontre de la décision en litige.

7. D'autre part, il ressort des pièces du dossier, notamment des éléments versés aux débats par la préfète, que M. A... a bénéficié de l'entretien individuel prévu par les dispositions précitées de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 dans les locaux de la préfecture de la Seine-Maritime, le 24 septembre 2018. En l'absence de tout élément de nature à faire naître un doute sérieux sur ce point, il n'est pas établi que l'agent de la préfecture qui a mené cet entretien n'aurait pas été mandaté à cet effet par la préfète de la Seine-Maritime après avoir bénéficié d'une formation appropriée et ne serait, par suite, pas une " personne qualifiée en vertu du droit national " au sens des dispositions citées au point précédent. Le requérant ne précise d'ailleurs pas en quoi l'agent de la préfecture n'aurait pas mené cet entretien conformément aux exigences prévues par le règlement du 26 juin 2013, ni en quoi la procédure de détermination de l'Etat responsable aurait été faussée en l'espèce compte tenu des conditions dans lesquelles cet entretien s'est déroulé. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l'entretien s'est déroulé de façon irrégulière en l'absence de formation suffisante de l'agent qui l'a interrogé ne peut qu'être écarté.

8. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a déposé une demande d'asile le 24 septembre 2018 et qu'à l'issue de la procédure de vérification effectuée au titre du règlement européen Eurodac, un résultat positif ou " hit " a été enregistré le même jour. La préfète de la Seine-Maritime produit l'accusé de réception électronique daté du 26 septembre 2018 concernant la demande de reprise en charge de M. A..., comportant le numéro de référence de son dossier " Dublinet " ainsi que la désignation de l'Italie en tant qu'Etat requis. M. A...ne conteste pas sérieusement la réalité de cette saisine et la survenance, à l'issue d'un délai de deux semaines et en l'absence d'une réponse des autorités italiennes, d'un accord implicite de ces dernières conformément aux paragraphes 1 et 2 de l'article 25 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013. Au surplus, l'accusé de réception électronique " Dublinet " du 15 octobre 2018, établit que le formulaire intitulé " Constat d'un accord implicite et confirmation de reconnaissance de la responsabilité " comportant le numéro de référence du dossier du requérant, a bien été pris en compte par les autorités italiennes. Par suite, le moyen tiré de ce que l'autorité préfectorale n'aurait pas saisi l'Italie d'une demande de reprise en charge doit être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des frais liés au litige doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., au ministre de l'intérieur et à Me B...D....

Copie en sera transmise pour information au préfet de la Seine-Maritime.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 19DA00118
Date de la décision : 06/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. Richard
Rapporteur ?: M. Michel Richard
Rapporteur public ?: Mme Fort-Besnard
Avocat(s) : SELARL MADELINE-LEPRINCE-MAHIEU

Origine de la décision
Date de l'import : 30/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-06-06;19da00118 ?
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