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06/06/2019 | FRANCE | N°18DA01036

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre - formation à 3, 06 juin 2019, 18DA01036


Vu la procédure suivante :

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 mai 2018, et un mémoire complémentaire, enregistré le 2 mai 2019, la société Berobe et l'association " Dunkerque Ambition Centre ", représentées par Me G..., demandent à la cour :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 22 mars 2018 par lequel le maire de Dunkerque a délivré à la société Vinci immobilier un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale ;

2°) de mettre à la charge solidaire de la commune de Dunkerque et de l

a société Vinci immobilier le versement à chacune d'entre elles de la somme de 5 000 euros au ...

Vu la procédure suivante :

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 mai 2018, et un mémoire complémentaire, enregistré le 2 mai 2019, la société Berobe et l'association " Dunkerque Ambition Centre ", représentées par Me G..., demandent à la cour :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 22 mars 2018 par lequel le maire de Dunkerque a délivré à la société Vinci immobilier un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale ;

2°) de mettre à la charge solidaire de la commune de Dunkerque et de la société Vinci immobilier le versement à chacune d'entre elles de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Charles-Edouard Minet, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Amélie Fort-Besnard, rapporteur public,

- et les observations de MeG..., représentant la société Berobe et l'association " Dunkerque Ambition Centre ", de Me C...F..., représentant la commune de Dunkerque, et de Me B...D..., représentant la société Vinci immobilier.

Considérant ce qui suit :

1. La société Vinci immobilier a présenté, le 21 juillet 2017, une demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour la création, sur le site des écoles du parc de la Marine et du bâtiment des Affaires maritimes, à Dunkerque, d'un ensemble immobilier composé de cent cinq logements, de bureaux, d'une crèche et de commerces représentant une surface de vente totale de 3 931 m². Ce projet a donné lieu à des avis favorables de la commission départementale d'aménagement commercial du Nord, le 27 septembre 2017, et de la Commission nationale d'aménagement commercial, le 15 février 2018. Par un arrêté du 22 mars 2018, le maire de Dunkerque a délivré à la société Vinci immobilier le permis de construire sollicité. Par la présente requête, la société Berobe et l'association " Dunkerque Ambition Centre " demandent l'annulation pour excès de pouvoir de ce permis de construire, en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale.

Sur la légalité de l'arrêté en litige :

En ce qui concerne la compétence de l'auteur de l'acte :

2. D'une part, par un arrêté du 30 septembre 2016, régulièrement publié, le maire de Dunkerque a donné à M. A... E..., " adjoint de quartier de Dunkerque centre ", une délégation de signature visant notamment la " délivrance des actes relatifs aux droits d'occupation des sols, notamment délivrance des permis de construire, (...) sur le territoire de l'ancienne commune de Dunkerque ". Il n'est pas contesté que le terrain d'assiette du projet de la société Vinci immobilier se trouve sur ce territoire. Dès lors, M. E...était compétent pour délivrer le permis de construire en litige.

3. D'autre part, il résulte des termes de l'arrêté attaqué que celui-ci a été délivré au vu, notamment, d'un précédent arrêté municipal du 17 octobre 2017 autorisant le projet au titre de la législation sur les établissements recevant du public, lui-même intervenu à la suite de l'avis favorable émis par la commission communale d'accessibilité et de sécurité le 4 octobre 2017. Les requérantes ne sont dès lors pas fondées à soutenir, en tout état de cause, que l'auteur de l'arrêté attaqué n'était pas compétent pour délivrer ce permis de construire faute d'avoir préalablement recueilli l'accord de l'autorité compétente pour l'application de cette législation.

En ce qui concerne la régularité de la procédure suivie devant la Commission nationale d'aménagement commercial :

4. Aux termes de l'article R. 752-35 du code de commerce : " La commission nationale se réunit sur convocation de son président. / Cinq jours au moins avant la réunion, chacun des membres reçoit, par tout moyen, l'ordre du jour ainsi que, pour chaque dossier : / 1° L'avis ou la décision de la commission départementale ; / 2° Le procès-verbal de la réunion de la commission départementale ; / 3° Le rapport des services instructeurs départementaux ; / 4° Le ou les recours à l'encontre de l'avis ou de la décision ; / 5° Le rapport du service instructeur de la commission nationale ".

5. Il ressort des pièces du dossier que les membres de la Commission nationale d'aménagement commercial ont été convoqués le 30 janvier 2018 à la séance du 15 février 2018 au cours de laquelle la Commission a examiné le projet de la société Vinci immobilier. La lettre de convocation informait ses destinataires que les documents utiles seraient mis à leur disposition sur une plateforme de téléchargement. Si les requérantes font valoir que " rien n'indique " qu'un dossier comportant les pièces mentionnées à l'article R. 752-35 du code de commerce, cité au point précédent, a bien été communiqué aux membres de la Commission, elle ne fait état d'aucun élément concret susceptible d'établir que la convocation aurait été irrégulière. Dans ces conditions, ce moyen ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la régularité de l'avis émis par l'architecte des Bâtiments de France :

6. Aux termes de l'article L. 600-1-4 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'il est saisi par une personne mentionnée à l'article L. 752-17 du code de commerce d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis de construire mentionné à l'article L. 425-4 du présent code, le juge administratif ne peut être saisi de conclusions tendant à l'annulation de ce permis qu'en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale. Les moyens relatifs à la régularité de ce permis en tant qu'il vaut autorisation de construire sont irrecevables à l'appui de telles conclusions ".

7. Le moyen tiré de l'irrégularité de l'avis émis par l'architecte des Bâtiments de France sur le projet de la société Vinci immobilier est relatif à la régularité du permis de construire en litige en tant qu'il vaut autorisation de construire. En application des dispositions citées au point précédent, la société Berobe et l'association " Dunkerque Ambition Centre " ne peuvent dès lors utilement s'en prévaloir à l'appui de leurs conclusions dirigées contre ce permis de construire en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale.

En ce qui concerne la composition du dossier de demande d'autorisation d'exploitation :

8. Aux termes du I de l'article L. 752-3 du code de commerce : " Sont regardés comme faisant partie d'un même ensemble commercial, qu'ils soient ou non situés dans des bâtiments distincts et qu'une même personne en soit ou non le propriétaire ou l'exploitant, les magasins qui sont réunis sur un même site et qui : / (...) 2° Soit bénéficient d'aménagements conçus pour permettre à une même clientèle l'accès des divers établissements (...) ". Aux termes du g) du 1° de l'article R. 752-6 du même code, lorsque le projet s'intègre dans un ensemble commercial existant, le pétitionnaire doit produire à l'appui de sa demande une liste des magasins de cet ensemble commercial exploités sur plus de 300 mètres carrés de surface de vente, ainsi qu'à titre facultatif, la mention des enseignes de ces magasins.

9. Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, il ne ressort pas des pièces du dossier que le centre commercial projeté par la société Vinci immobilier bénéficie d'aménagements communs avec le centre commercial voisin dénommé " centre Marine ", visant à permettre à la clientèle d'accéder aux deux établissements. La voie publique qui dessert les deux centres commerciaux ne saurait être regardée comme un aménagement commun au sens des dispositions citées au point précédent. La société Berobe et l'association " Dunkerque Ambition Centre " ne sont dès lors pas fondées à soutenir que les surfaces commerciales prévues par le projet de la société Vinci immobilier auraient dû être présentées comme faisant partie, avec le " centre Marine ", d'un même ensemble commercial.

10. Aux termes de l'article R. 752-6 du code de commerce : " La demande est accompagnée d'un dossier comportant les éléments suivants : / 1° Informations relatives au projet : / a) Pour les projets de création d'un magasin de commerce de détail : la surface de vente et le secteur d'activité ; / b) Pour les projets de création d'un ensemble commercial : / - la surface de vente globale ; / - la surface de vente et le secteur d'activité de chacun des magasins de plus de 300 mètres carrés de surface de vente ; / - l'estimation du nombre de magasins de moins de 300 mètres carrés de surface de vente et de la surface de vente totale de ces magasins ; / (...) g) Autres renseignements : / (...) - si le projet comporte un parc de stationnement : le nombre total de places, le nombre de places réservées aux personnes à mobilité réduite et, le cas échéant, le nombre de places dédiées à l'alimentation des véhicules électriques ou hybrides rechargeables, le nombre de places non imperméabilisées et le nombre de places dédiées à l'autopartage et au covoiturage ; / - les aménagements paysagers en pleine terre ; / - les activités annexes éventuelles n'entrant pas dans le champ d'application de la loi ; / 2° Informations relatives à la zone de chalandise et à l'environnement proche du projet : / (...) b) Une carte ou un plan de l'environnement du projet, dans un périmètre d'un kilomètre autour de son site d'implantation, accompagné d'une description faisant apparaître, le cas échéant : / - la localisation des activités commerciales (pôles commerciaux et rues commerçantes, halles et marchés) ; / - la localisation des autres activités (agricoles, industrielles, tertiaires) ; / - la localisation des équipements publics ; / - la localisation des zones d'habitat (en précisant leur nature : collectif, individuel, social) ; / - la desserte actuelle et future (routière, en transports collectifs, cycliste, piétonne). (...) / 3° Cartes ou plans relatifs au projet : / a) Un plan de masse faisant apparaître la surface de vente des magasins de commerce de détail, ensembles commerciaux ou points permanents de retrait ; / b) Un plan faisant apparaître l'organisation du projet sur la ou les parcelles de terrain concernées : emplacements et superficies des bâtiments, des espaces destinés au stationnement et à la manoeuvre des véhicules de livraison et des véhicules de la clientèle et au stockage des produits, des espaces verts ; / (...) 4° Effets du projet en matière d'aménagement du territoire. / Le dossier comprend une présentation des effets du projet sur l'aménagement du territoire, incluant les éléments suivants : / a) Contribution à l'animation des principaux secteurs existants ; / (...) c) Evaluation des flux journaliers de circulation des véhicules générés par le projet sur les principaux axes de desserte du site, ainsi que des capacités résiduelles d'accueil des infrastructures de transport existantes (...) ".

11. Le dossier de demande d'autorisation d'exploitation présenté par la société Vinci immobilier présente alternativement les commerces de " moyenne surface " envisagés comme étant au nombre de deux ou de trois. Toutefois, il ressort des indications de ce dossier, et en particulier du plan de masse faisant apparaître les surfaces de vente, que seuls deux commerces parmi ceux envisagés présenteront une surface de vente supérieure à 300 m². La société Berobe et l'association " Dunkerque Ambition Centre " ne démontrent pas que l'ambiguïté du dossier sur ce point ait été de nature à fausser l'appréciation de la Commission nationale d'aménagement commercial.

12. Il ressort des pièces du dossier qu'en ce qui concerne les places de stationnement, la demande d'autorisation d'exploitation commerciale présentée par la société Vinci immobilier indiquait, conformément au g) du 1° de l'article R. 752-6 du code de commerce : " le projet comprend au total 149 places dont 53 places affectées aux commerces pour les livraisons et les salariés ". Si cette formule n'est pas dépourvue d'ambigüité, elle doit être comprise, dès lors qu'elle se rapporte à un projet mixte de commerces et de logements, comme signifiant qu'aucune place de stationnement n'est prévue pour la clientèle. Il ne ressort pas des pièces du dossier que cette formule aurait induit en erreur la Commission nationale d'aménagement commercial ou le maire de Dunkerque. Par ailleurs, le dossier de demande d'autorisation d'exploitation commerciale de la pétitionnaire indique qu'aucune place non imperméabilisée n'est prévue, ni aucune place dédiée à l'alimentation des véhicules électriques ou hybrides rechargeables. Le silence du dossier quant au nombre de places dédiées à l'autopartage et au covoiturage doit être compris comme signifiant qu'aucune place de cette nature n'est prévue. Enfin, si le dossier ne précise pas le nombre de places réservées aux personnes à mobilité réduite, cette omission n'a pas, compte tenu de l'obligation pesant en tout état de cause sur la pétitionnaire d'aménager des places de cette nature, privé la Commission nationale d'aménagement commercial de la possibilité de se prononcer en connaissance de cause sur le projet.

13. Le dossier de demande d'autorisation d'exploitation commerciale de la pétitionnaire expose, en ce qui concerne les aménagements paysagers en pleine terre du parc de stationnement, que les stationnements non couverts seront plantés à hauteur d'un arbre pour quatre places, et qu'à l'exception de l'ancien bâtiment des Affaires maritimes, les toitures des bâtiments seront végétalisées. Elle souligne également que le projet s'associe au parc public voisin, dénommé " parc de la Marine ", en prolongeant ses allées et en le plaçant " au coeur de l'intervention ". Un plan figurant dans le dossier fait par ailleurs apparaître la localisation des arbres envisagés, tandis que la notice du projet architectural jointe à la demande de permis de construire, évoquée dans le rapport d'instruction de la commission départementale d'aménagement commercial, précise qu'ils seront au nombre de treize et quelles seront leurs essences. Ainsi, les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que le dossier n'était pas régulier au regard des exigences du g) du 1° de l'article R. 752-6 cité au point 10.

14. Le dossier présenté par la société Vinci immobilier contient également une présentation synthétique de l'environnement proche du projet, conformément au 2° de l'article R. 752-6 du code de commerce. Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, cette description évoque la nature des zones d'habitat et les autres activités qui y sont menées. Les requérantes n'établissent pas que cette description est entachée de lacunes susceptibles d'avoir influé sur l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial.

15. Il ressort des pièces du dossier que la demande d'autorisation d'exploitation commerciale de la pétitionnaire comporte plusieurs cartes et plans faisant apparaître l'organisation générale du projet sur les parcelles concernées, l'emplacement des places de stationnement, les voies de circulation et les manoeuvres effectuées par les véhicules de livraison et ceux de la clientèle, conformément au b) du 3° de l'article R. 752-6 du code de commerce. S'il est vrai que le dossier ne comporte pas de plan faisant apparaître les espaces destinés au stockage des produits, en méconnaissance de ces dispositions, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette omission a pu, dans les circonstances de l'espèce, exercer une influence sur le sens de l'avis émis par la Commission nationale d'aménagement commercial.

16. Les dispositions du 4° de l'article R. 752-6 du code de commerce, citées au point 8, n'imposaient pas à la société Vinci immobilier d'étudier dans son dossier de demande d'autorisation l'impact du projet sur les commerces implantés à proximité et notamment ceux exploités au sein du " centre Marine " appartenant à la société Berobe.

17. Contrairement à ce qui est soutenu par les requérantes, le dossier de demande d'autorisation d'exploitation commerciale de la société Vinci immobilier comporte une étude détaillée de l'impact de son projet sur les flux de circulation, réalisée avec le concours d'un bureau d'études spécialisé, conformément aux dispositions du c) du 4° de l'article R. 752-6 du code de commerce.

18. Il résulte de ce qui a été dit aux points 8 à 17 que la société Berobe et l'association " Dunkerque Ambition Centre " ne sont pas fondées à soutenir que le dossier de demande d'autorisation d'exploitation commerciale présenté par la société Vinci immobilier était entaché d'erreurs ou d'omissions de nature à fausser l'appréciation de la Commission nationale d'aménagement commercial.

En ce qui concerne le respect des objectifs de l'article L. 752-6 du code de commerce :

19. Aux termes du I de l'article L. 752-6 du code de commerce : " (...) La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; / b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; / c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; / d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; / b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; / c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. / Les a et b du présent 2° s'appliquent également aux bâtiments existants s'agissant des projets mentionnés au 2° de l'article L. 752-1 ; / 3° En matière de protection des consommateurs : / a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; / b) La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains ; / c) La variété de l'offre proposée par le projet, notamment par le développement de concepts novateurs et la valorisation de filières de production locales ; / d) Les risques naturels, miniers et autres auxquels peut être exposé le site d'implantation du projet, ainsi que les mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs (...) ".

20. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce. L'autorisation d'exploitation commerciale ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi.

21. Il ressort des pièces du dossier que la Commission nationale d'aménagement commercial s'est fondée, pour émettre un avis favorable au projet de la société Vinci immobilier, sur le fait que le projet s'inscrit dans une opération mixte de commerces et de logements initiée par la communauté urbaine de Dunkerque dans le cadre d'un projet global de revalorisation du centre-ville de Dunkerque, qu'il est compatible avec le schéma de cohérence territoriale qui préconise de " maintenir un bon niveau de présence du commerce de proximité ", que la ville de Dunkerque a connu une forte croissance démographique depuis quinze ans, que le projet ne nécessite pas d'aménagement routier, est facilement accessible par les transports en commun et les " modes doux ", que les bâtiments d'architecture notable seront conservés et réhabilités et que le projet s'implante sur un terrain " actuellement peu végétalisé " et limite ainsi la consommation d'espace, tandis qu'il prévoit des toitures végétalisées et la récupération des eaux pluviales. La société Berobe et l'association " Dunkerque Ambition Centre " prétendent, quant à elles, que ce projet n'est pas conforme aux objectifs énoncés à l'article L. 752-6 du code de commerce, au vu de certains des critères d'évaluation mentionnés par cet article.

S'agissant de l'objectif d'aménagement du territoire :

22. Il ressort des pièces du dossier que la localisation du projet de la société Vinci immobilier, qui prévoit d'aménager des commerces de petite et moyenne surface en plein centre-ville de Dunkerque, sur des parcelles réhabilitées pour l'occasion et très bien desservies, est satisfaisante au regard du critère prévu par le a) du 1° du I de l'article L. 752-6 du code de commerce, cité au point 19, nonobstant la présence à proximité du centre commercial exploité par la société Berobe.

23. Le projet de la société Vinci immobilier porte sur des parcelles situées en coeur d'îlot, déjà artificialisées et occupées par des bâtiments qui doivent être en partie détruits. Il comporte un nombre relativement modeste de places de stationnement dont la plus grande partie doit être réalisée en sous-sol. Ce projet emporte donc une faible consommation d'espace au sens du b) du 1° du I de l'article L. 752-6 du code de commerce, alors même que son emprise recouvre une grande partie des parcelles d'assiette du projet. La circonstance que les commerces doivent être aménagés exclusivement au rez-de-chaussée des bâtiments projetés n'est pas de nature à faire regarder le projet comme excessivement consommateur d'espace.

24. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet en cause soit de nature à entraîner un effet défavorable sur l'animation de la vie urbaine. D'une part, si les requérantes font valoir que la zone de chalandise du projet aurait été surévaluée, elles ne critiquent pas les motifs, exposés par la pétitionnaire dans son dossier de demande d'autorisation, justifiant les caractéristiques de cette zone au regard des critères définis à l'article R. 752-3 du code de commerce. D'autre part, il ressort des pièces du dossier, contrairement à ce qui est soutenu, que le centre-ville de Dunkerque connaît un taux de vacance des cellules commerciales inférieur à la moyenne nationale pour des villes comparables. En tout état de cause, les requérantes ne démontrent pas que le projet de la société Vinci immobilier serait de nature à entraîner une augmentation de ce taux de vacance, ni plus généralement d'entraîner la disparition des autres commerces existants dans le centre-ville, alors qu'il ressort des pièces du dossier que ce projet s'inscrit dans une opération plus vaste de redynamisation du centre-ville de Dunkerque et qu'il n'est pas contesté que la population de la ville est en augmentation. Elles ne sont donc pas fondées à soutenir que le projet serait insatisfaisant au regard du critère énoncé au c) du 1° du I de l'article L. 752-6 du code de commerce cité au point 19.

25. Ainsi qu'il a été dit au point 17, la pétitionnaire a joint à sa demande une étude de l'impact de son projet sur les flux de circulation et les infrastructures routières existantes, réalisé avec un bureau d'études spécialisé. Il n'est pas démontré que les estimations sur lesquelles repose cette étude seraient excessivement optimistes, compte tenu des caractéristiques du projet, de sa situation en plein centre-ville et de sa bonne desserte par les transports en commun et par les modes " doux ". Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier, en tout état de cause, qu'il existerait un risque pour la sécurité publique résultant de la configuration des voies internes du projet et du circuit qu'emprunteront les véhicules de livraison. Dès lors, le projet n'apparaît pas, à ce titre, contraire au critère énoncé au d) du 1° du I de l'article L. 752-6 du code de commerce, cité au point 19.

S'agissant de l'objectif de développement durable :

26. La seule circonstance que le dossier de demande d'autorisation d'exploitation commerciale de la pétitionnaire ne mentionne pas l'emploi de matériaux de constructions " éco-responsables " n'est pas de nature à rendre son projet illégal au regard du critère énoncé au a) du 2° du I de l'article L. 752-6 du code de commerce, cité au point 19.

27. Il ressort des pièces du dossier que les parcelles d'assiette du projet de la société Vinci immobilier se situent en coeur d'îlot, à l'arrière d'un front bâti existant au sud et à l'est, et s'ouvrent au nord sur le parc de la Marine. Le projet comporte la construction de plusieurs bâtiments de hauteurs variables, présentant une architecture contemporaine soignée et dont le gabarit n'est pas, pour les plus hauts d'entre eux, hors de proportion avec celui des bâtiments voisins. Le projet prévoit par ailleurs de conserver et de réhabiliter une ancienne rotonde qui faisait partie des locaux scolaires qui se trouvaient sur ces parcelles ainsi que le bâtiment des Affaires maritimes. Ce projet a d'ailleurs recueilli l'avis favorable de l'architecte des Bâtiments de France. Dès lors, et malgré l'avis défavorable émis par le ministre chargé de l'urbanisme dans le cadre de l'instruction du projet devant la Commission nationale d'aménagement commercial, son insertion architecturale apparaît satisfaisante. Par ailleurs, s'il est vrai que le projet de la pétitionnaire, qui occupe une grande partie de l'emprise des parcelles qui constituent son assiette, ne comporte que peu d'espaces verts, il prévoit en revanche la végétalisation des toitures des différents bâtiments, à l'exception de celui des Affaires maritimes. En outre, il bénéficie de la présence, à proximité immédiate, du parc de la Marine. Dès lors, les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que le projet serait illégal au regard du critère de l'insertion paysagère et architecturale énoncé au b) du 2° du I de l'article L. 752-6 du code de commerce.

28. Il ne ressort pas des pièces du dossier et n'est pas démontré par les requérantes que la circulation des camions de livraison représenterait un risque réel de nuisances sonores pour les occupants des logements prévus par le projet au-dessus des surfaces commerciales du rez-de-chaussée. Le projet n'apparaît dès lors pas contraire au critère énoncé au c) du 2° du I de l'article L. 752-6 du code de commerce.

S'agissant de l'objectif de protection du consommateur :

29. Ainsi qu'il a été dit au point 21, il n'est pas établi que le projet de la société Vinci immobilier serait de nature à menacer de disparition les autres commerces du centre-ville de Dunkerque, et notamment ceux exploités par la société Berobe dans le centre commercial voisin. Dès lors, les requérantes ne sauraient sérieusement soutenir que le projet en litige ne serait pas conforme au critère, énoncé au b) du 3° du I de l'article L. 752-6 du code de commerce, de revitalisation du tissu commercial.

30. Contrairement à ce qui est soutenu par les requérantes, le dossier de demande d'autorisation d'exploitation commerciale présenté par la pétitionnaire évoque, pour le choix des enseignes, une volonté de complémentarité par rapport aux enseignes déjà présentes dans le centre-ville, qui se traduit par la mise en place d'un organe de concertation auquel participent la commune de Dunkerque et la communauté urbaine de Dunkerque, initiatrices de l'opération d'aménagement réalisée par la société Vinci immobilier. Ainsi, le projet en litige contribue à la variété de l'offre, conformément au critère énoncé au c) du 3° du I de l'article L. 752-6 du code de commerce. La seule circonstance que le dossier ne comporte pas de précision relative à la valorisation de filières de production locale ne suffit pas à faire regarder le projet comme insatisfaisant au regard de ce critère.

31. Ainsi qu'il a été dit au point 22, il ne ressort pas des pièces du dossier que la circulation des véhicules de livraison et de la clientèle des magasins représente un risque pour la sécurité publique. Ainsi, et en tout état de cause, le critère énoncé au d) du 3° du I de l'article L. 752-6 du code de commerce n'est pas méconnu.

32. Il résulte de ce qui a été dit aux points 19 à 31 qu'en émettant un avis favorable au projet de la société Vinci immobilier, la Commission nationale d'aménagement commercial n'a pas commis d'erreur d'appréciation au regard des objectifs de l'article L. 752-6 du code de commerce cité au point 19.

33. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par la société Vinci immobilier, que la société Berobe et l'association " Dunkerque Ambition Centre " ne sont pas fondées à demander l'annulation de l'arrêté du maire de Dunkerque du 22 mars 2018.

Sur les frais liés au litige :

34. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Dunkerque et de la société Vinci immobilier, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, le versement à la société Berobe et à l'association " Dunkerque Ambition Centre " des sommes qu'elles demandent sur ce fondement.

35. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des requérantes le versement de la somme de 1 500 euros à la société Vinci immobilier et de la somme de 1 500 euros à la commune de Dunkerque sur le même fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Berobe et de l'association " Dunkerque Ambition Centre " est rejetée.

Article 2 : La société Berobe et l'association " Dunkerque Ambition Centre " verseront une somme totale de 1 500 euros à la société Vinci immobilier et une somme totale de 1 500 euros à la commune de Dunkerque au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Berobe, à l'association " Dunkerque Ambition Centre ", à la commune de Dunkerque et à la société Vinci Immobilier.

Copie en sera transmise pour information à la communauté urbaine de Dunkerque et à la Commission nationale d'aménagement commercial.

N°18DA01036 10


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18DA01036
Date de la décision : 06/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Commerce - industrie - intervention économique de la puissance publique - Réglementation des activités économiques - Activités soumises à réglementation - Aménagement commercial.

Urbanisme et aménagement du territoire - Autorisations d`utilisation des sols diverses - Autorisation d`exploitation commerciale (voir : Commerce - industrie - intervention économique de la puissance publique).


Composition du Tribunal
Président : M. Richard
Rapporteur ?: M. Charles-Edouard Minet
Rapporteur public ?: Mme Fort-Besnard
Avocat(s) : SIMON ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 30/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-06-06;18da01036 ?
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