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29/05/2019 | FRANCE | N°17DA00134

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 29 mai 2019, 17DA00134


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...C...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 26 juillet 2013 par lequel le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche a prononcé, à son encontre, la sanction de révocation.

Par un jugement n° 1305880 du 22 novembre 2016, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 janvier 2017, et des mémoires, enregistrés le

s 3 mars 2017, 11 janvier 2019, 1er mars 2019 et 22 mars 2019, M. E...C..., représenté par Me D....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...C...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 26 juillet 2013 par lequel le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche a prononcé, à son encontre, la sanction de révocation.

Par un jugement n° 1305880 du 22 novembre 2016, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 janvier 2017, et des mémoires, enregistrés les 3 mars 2017, 11 janvier 2019, 1er mars 2019 et 22 mars 2019, M. E...C..., représenté par Me D...F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 26 juillet 2013 par lequel le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche a prononcé, à son encontre, la sanction de révocation ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, de le réintégrer dans ses fonctions de gestionnaire matériel au collège Henri Dunant de Merville dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de l'éducation ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 82-451 du 28 mai 1982 ;

- le décret n°84-961 du 25 octobre 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Hervé Cassara, premier conseiller,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,

- et les observations de Me D...F..., représentant M. E...C....

Considérant ce qui suit :

1. M.C..., attaché d'administration de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur, a été affecté, à compter du 1er septembre 2008, au collège Henri Dunant à Merville dans le département du Nord, afin d'y exercer les fonctions de gestionnaire matériel. Constatant des dysfonctionnements dans la gestion matérielle et financière du collège imputés à M. C..., M. A... B..., principal du collège à compter du 1er septembre 2011, en remplacement de M. G... H..., a saisi le recteur de l'académie de Lille, lequel a, par un arrêté du 6 mars 2013, suspendu M. C...de ses fonctions à titre conservatoire, et l'a, le même jour, averti de l'ouverture d'une procédure disciplinaire à son encontre. A la suite d'une enquête administrative, diligentée à compter du 19 décembre 2012, un rapport a été établi le 10 avril 2013 par le secrétaire général d'académie de Lille par intérim, transmis au recteur de cette académie. La commission administrative paritaire siégeant en formation disciplinaire a émis, le 5 juin 2013, un avis favorable à la sanction de révocation. Par un arrêté du 26 juillet 2013, le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche a prononcé la sanction de révocation à l'encontre de M. C..., qui relève appel du jugement du 22 novembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. Par ailleurs, par un arrêt du 4 septembre 2018, la cour d'appel de Douai a confirmé le jugement du 27 avril 2016 par lequel le tribunal correctionnel de Dunkerque a jugé M. C...coupable d'altération frauduleuse de la vérité dans un écrit, d'usage de faux en écriture et soustraction, détournement ou destruction de biens d'un dépôt public par le dépositaire ou un de ses subordonnés pendant la période courant du 1er octobre 2010 au 23 mai 2013, a revu à la baisse les peines infligées en les fixant à huit mois avec sursis et 3 000 euros d'amende, mais les a encore assorties d'une peine complémentaire d'interdiction d'exercer un emploi public pendant une durée de cinq ans, et, sur le plan civil, a mis à la charge de M. C... la somme de 26 198,69 euros à titre de dommages intérêts à verser au collège Henri Dunant. L'autorité absolue de la chose jugée par les juridictions répressives ne s'attache qu'aux constatations de fait qui sont le soutien nécessaire des jugements définitifs et statuent sur le fond de l'action publique. Une décision rendue en dernier ressort présente à cet égard un caractère définitif, même si elle peut encore faire l'objet d'un pourvoi en cassation ou est effectivement l'objet d'un tel pourvoi et si, par suite, elle n'est pas irrévocable. Si M. C...demande qu'il soit sursis à statuer en attendant l'examen par la Cour de cassation du pourvoi qu'il a formé contre cet arrêt, il n'y a toutefois pas lieu, compte tenu de ce qui vient d'être dit et dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à cette demande.

Sur le moyen tiré du vice de procédure :

3. Aux termes de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction alors applicable : " (...) Aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le premier groupe par les dispositions statutaires relatives aux fonctions publiques de l'Etat, territoriale et hospitalière ne peut être prononcée sans consultation préalable d'un organisme siégeant en conseil de discipline dans lequel le personnel est représenté. (...) ". Aux termes de l'article 28 du décret du 28 mai 1982 relatif aux commissions administratives paritaires : " La présidence de la commission administrative paritaire locale est exercée par l'autorité auprès de laquelle cette commission est placée. / En cas d'empêchement, le président désigne, pour le remplacer, un autre représentant de l'administration, membre de la commission administrative paritaire. Il en est fait mention au procès-verbal de la réunion ". Aux termes de l'article 2 du décret du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat : " L'organisme siégeant en Conseil de discipline lorsque sa consultation est nécessaire, en application du second alinéa de l'article 19 de la loi susvisée du 13 juillet 1983, est saisi par un rapport émanant de l'autorité ayant pouvoir disciplinaire ou d'un chef de service déconcentré ayant reçu délégation de compétence à cet effet. / Ce rapport doit indiquer clairement les faits reprochés au fonctionnaire et préciser les circonstances dans lesquelles ils se sont produits. ", et aux termes du premier alinéa de l'article 3 du même décret : " Le fonctionnaire poursuivi peut présenter devant le Conseil de discipline des observations écrites ou orales, citer des témoins et se faire assister par un ou plusieurs défenseurs de son choix. Le droit de citer des témoins appartient également à l'administration ".

4. D'une part, les dispositions citées au point 3 ne font pas obstacle à ce que le rapporteur, auprès du conseil de discipline, exprime, tant dans son rapport ou dans les observations qu'il formule verbalement en présence de l'intéressé et de son défenseur qu'au cours de la délibération du conseil, une appréciation sur les éléments que l'instruction a permis de dégager. Ainsi, dès lors que le rapporteur n'a pas manifesté envers l'intéressé une animosité particulière révélant un défaut d'impartialité, la circonstance qu'il a fait état de son opinion sur l'opportunité de prononcer une sanction et, le cas échéant, sur la sanction qui lui paraissait adaptée aux faits n'est pas de nature à entacher d'irrégularité l'avis du conseil de discipline. En l'espèce, M. C...se borne à soutenir que le secrétaire général de l'académie de Lille par intérim, auteur du rapport d'enquête établi en vue de la séance de la commission administrative paritaire siégeant en formation disciplinaire, qui a été entendu comme témoin par cette commission, aurait, de ce fait, nécessairement influencé à son détriment le sens de l'avis qu'elle a rendu. Toutefois, M. C... n'apporte aucun élément de nature à étayer ses allégations. En tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier que le secrétaire général de l'académie de Lille par intérim aurait manifesté une animosité personnelle à l'égard du requérant révélant un défaut d'impartialité à son encontre. En outre, M. C...et son conseil étaient présents lors de la séance de la commission administrative paritaire siégeant en formation disciplinaire et ont, ainsi, été en mesure de répondre au contenu de ce rapport d'enquête et aux propos de son auteur, entendu comme témoin. Enfin, il ressort du procès-verbal de la séance de la commission administrative paritaire siégeant en formation disciplinaire que l'auteur du rapport s'est retiré en vue de la délibération de la commission.

5. D'autre part, la circonstance que l'autorité hiérarchique qui a estimé, dans le rapport par lequel il a saisi le conseil de discipline, que les faits reprochés à un fonctionnaire justifient l'engagement d'une procédure disciplinaire, a présidé le conseil de discipline conformément aux dispositions du décret du 28 mai 1982 ne caractérise pas non plus un manquement à l'obligation d'impartialité, faute pour cette autorité d'avoir manifesté une animosité personnelle à l'égard du fonctionnaire ou fait preuve de partialité. M. C... se borne, là aussi, à alléguer que le fait que le président de la commission administrative paritaire siégeant en formation disciplinaire soit le subordonné hiérarchique du secrétaire général de l'académie de Lille par intérim, auteur du rapport d'enquête établi en vue de la séance de cette commission, démontrerait sa partialité. Toutefois, il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que le président du conseil de discipline aurait fait preuve, à son encontre, d'animosité personnelle ou de partialité. En outre, à supposer même que le lien hiérarchique dont M. C...fait état entre le président de la commission administrative paritaire siégeant en formation disciplinaire et l'auteur du rapport d'enquête soit établi, le président de la commission, n'était pas, dans cette fonction, sous l'empire du pouvoir hiérarchique du secrétaire général de l'académie de Lille par intérim, auteur du rapport d'enquête.

6. Il résulte de ce qui a été dit aux points 4 et 5 que le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté.

Sur le moyen tiré de l'erreur de droit :

7. En se bornant à alléguer que " c'est à tort que le tribunal a rejeté le vice de procédure allégué, lequel est d'ailleurs doublé d'une erreur de droit au visa de l'article 3 du décret du 25 octobre 1994 ", l'appelant n'assortit pas ce moyen tiré de l'erreur de droit des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé. Il ne peut, par suite, qu'être écarté. En tout état de cause, à supposer que l'appelant ait entendu faire référence à l'article 3 du décret du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat, cité au point 3, il résulte de ce qui a été dit aux points 4 à 6 que le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit, pour les mêmes motifs, être écarté.

Sur les moyens tirés de l'erreur de fait et de l'erreur d'appréciation :

8. Aux termes de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. Premier groupe : - l'avertissement ; - le blâme. Deuxième groupe : - la radiation du tableau d'avancement ; - l'abaissement d'échelon ; - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de quinze jours ; - le déplacement d'office. Troisième groupe : - la rétrogradation ; - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans. Quatrième groupe : - la mise à la retraite d'office ; - la révocation. / (...) L'exclusion temporaire de fonctions, qui est privative de toute rémunération, peut être assortie d'un sursis total ou partiel. Celui-ci ne peut avoir pour effet, dans le cas de l'exclusion temporaire de fonctions du troisième groupe, de ramener la durée de cette exclusion à moins de un mois. L'intervention d'une sanction disciplinaire du deuxième ou troisième groupe pendant une période de cinq ans après le prononcé de l'exclusion temporaire entraîne la révocation du sursis. En revanche, si aucune sanction disciplinaire, autre que l'avertissement ou le blâme, n'a été prononcée durant cette même période à l'encontre de l'intéressé, ce dernier est dispensé définitivement de l'accomplissement de la partie de la sanction pour laquelle il a bénéficié du sursis ".

9. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

En ce qui concerne la matérialité des faits et leur caractère fautif :

S'agissant des dépenses personnelles de gazole et de téléphone imputées au budget de l'établissement pour un montant de 7 260,43 euros :

10. Il est d'abord reproché à M. C... d'avoir imputé, au budget de l'établissement, des factures de gazole pour un montant de 4 789,57 euros, alors que le véhicule de service auquel il avait accès fonctionne à l'essence. Ces faits ont été constatés par la cour d'appel de Douai dans son arrêt du 4 septembre 2018 mentionné au point 2 ayant autorité absolue de chose jugée sur ce point. Pour démontrer que ces faits ne sont pas fautifs, M. C... soutient que le véhicule du collège n'étant pas fiable, il aurait utilisé son véhicule personnel pour effectuer des déplacements professionnels, qu'il évalue à environ 5 000 kms par an. Toutefois, comme l'ont relevé les premiers juges, cette allégation n'est pas corroborée par les factures d'entretien de ce véhicule, ni par aucune autre pièce du dossier. En appel, M. C...insiste sur les factures d'entretien du véhicule de service, qui montreraient, selon lui, l'absence de fiabilité de ce véhicule mais ces factures montrent au contraire que ce véhicule était régulièrement entretenu. Il s'appuie aussi sur le témoignage de l'ancien principal du collège, en fonctions jusqu'au 31 août 2010, qui a indiqué que le véhicule de service n'était pas fiable et qu'il savait que M. C... utilisait son véhicule personnel. Toutefois, ce seul témoignage ne peut suffire à démontrer que M. C...aurait été autorisé, de manière régulière, à utiliser son véhicule personnel et à se fournir en gazole sur le compte de l'établissement, nonobstant la circonstance qu'un autre agent a reconnu avoir effectué un plein de carburant pour son véhicule personnel à hauteur de cinquante euros. En appel, M. C...fait également valoir qu'il n'aurait pas reçu l'accréditation, nécessaire pour conduire le véhicule de service, prévue par la circulaire du 5 mai 1997 relative aux conditions d'utilisation des véhicules de service et des véhicules personnels des agents, à l'occasion du service. Toutefois, en tout état de cause, M. C...ne justifie toujours pas ni de la nécessité, ni de la réalité de trajets effectués à titre professionnel avec son véhicule personnel par la simple production d'un tableau récapitulatif établi plusieurs années après les déplacements allégués. En outre, s'il s'appuie à nouveau sur trois courriers, des 8 février 2010, 12 décembre 2011 et 21 mai 2012, qui autoriseraient plusieurs agents à se fournir en carburant pour leur véhicule personnel aux stations-services des grandes surfaces Intermarché de Merville et Carrefour d'Estaires, ces pièces, bien qu'en apparence revêtues de la signature du chef d'établissement, sont toutefois dépourvues du tampon de l'établissement, et les agents cités, ainsi que l'agent comptable, ont attesté ne pas avoir eu connaissance de telles autorisations. Plus encore, le principal de l'établissement à compter du 1er septembre 2011, M. B..., conteste avoir établi les autorisations des 12 décembre 2011 et 21 mai 2012 et M. C... a d'ailleurs été condamné, à raison de ces faits, pour faux en écriture par la cour d'appel de Douai, ainsi qu'il a été dit au point 2. Cette dernière a, notamment, relevé qu'aucun membre du personnel n'était au fait de ce courrier ni de la possibilité d'utiliser les stations-service pour alimenter en carburant son propre véhicule et relève non seulement que " pour le cas où un véhicule personnel était utilisé, les salariés faisaient une demande de remboursement, conformément aux règles applicables dans l'administration ", mais aussi qu'" il est peu vraisemblable que M. B...qui, à la différence de son prédécesseur, paraissait particulièrement strict sur le respect des bonnes pratiques, ait pu signer un tel courrier " qualifiant les explications de l'intéressé de " fantaisistes ". Dans ces conditions, M. C... ne peut être regardé comme établissant le caractère professionnel des dépenses de gazole qu'il a imputées au budget de l'établissement.

11. Quant aux dépenses de téléphone dont il est reproché l'imputation au budget de l'établissement, pour un montant de 2 470,86 euros, ces faits ont également été constatés par la cour d'appel de Douai dans son arrêt du 4 septembre 2018 mentionné au point 2 ayant autorité absolue de chose jugée sur ce point. En tout état de cause, M. C... reconnaît avoir téléphoné à titre privé à des membres de sa famille en Algérie, depuis son appartement de fonction. Pour démontrer l'absence de caractère fautif de ces faits, il soutient que sa hiérarchie l'y avait autorisé. Toutefois, à supposer même que le précédent principal du collège ait été informé de cette situation et qu'il la tolérait, ainsi que le soutient M. C..., il n'y avait pas d'accord écrit de sa part, et il est constant que le principal du collège en fonctions à compter du 1er septembre 2010 n'a jamais donné son accord. Si M. C... fait également valoir qu'il a remboursé l'établissement sur ses deniers personnels, ce versement, qui n'est intervenu que le 26 novembre 2012, soit postérieurement au contrôle des factures téléphoniques par le nouveau principal du collège, n'est de nature à remettre en cause ni la matérialité des faits reprochés, ni leur caractère fautif.

12. Il résulte ainsi de ce qui a été dit aux points 11 et 12 que M. C...n'est fondé à contester ni la matérialité, ni le caractère fautif, de la première série des faits qui lui sont reprochés.

S'agissant de la location d'un véhicule utilisé à des fins personnelles et l'achat de biens pour un montant de 2 407,28 euros :

13. Il est d'abord reproché à M. C...d'avoir loué un véhicule utilitaire aux frais du collège qu'il a utilisé à des fins personnelles, ce qui a été constaté par la cour d'appel de Douai dans l'arrêt mentionné au point 2 ayant autorité absolue de chose jugée sur ce point également. S'il ressort des pièces du dossier qu'il était nécessaire de débarrasser les ateliers de la section d'enseignement général et professionnel adapté qui accueillent des élèves présentant des difficultés d'apprentissage graves et durables (SEGPA), et à supposer même que cette tâche incombe au gestionnaire du collège lui-même, en se bornant à nouveau à faire valoir que la déchetterie la plus proche de l'établissement n'est réservée qu'aux particuliers, M. C... n'établit toujours pas, en tout état de cause, la nécessité dans laquelle il se serait trouvé d'effectuer lui-même des allers retours entre le collège et son domicile personnel, sans aucune aide du personnel de l'établissement, pour débarrasser ces ateliers en louant un véhicule utilitaire, ni pourquoi il devait obligatoirement se rendre à une déchetterie proche de son domicile, dans le valenciennois. Dès lors, ces faits présentent aussi un caractère fautif.

14. Il est également reproché à M.C... d'avoir imputé, sur le budget du collège, l'achat de meubles pour son logement de fonction. Aux termes de l'article R. 2124-67 du code général de la propriété des personnes publiques, reprenant ceux de l'article R. 98 du code du domaine de l'Etat à compter du 22 novembre 2011 : " La concession de logement accordée par nécessité absolue de service emporte la gratuité de la prestation du logement nu. L'arrêté précise si cette gratuité s'étend à la fourniture de l'eau, du gaz, de l'électricité et du chauffage ou à certains seulement de ces avantages. ". Il résulte de ces dispositions que la concession de logement accordée par nécessité absolue de service n'emporte la gratuité que du logement nu et non de son ameublement. M. C... soutient, d'abord, que des factures ont été réglées par l'établissement pour les logements d'autres agents, mais ces factures correspondaient à des prestations relatives à l'entretien du logement nu, telles que l'intervention d'un plombier, et non à son ameublement intérieur. L'intéressé a également acheté deux abattants de toilettes, un meuble haut de cuisine, un congélateur et un WC sanibroyeur. S'il soutient que ces achats, aux frais du collège, permettaient de préserver le caractère salubre de son logement, cette circonstance, à la supposer établie, n'est pas de nature à régulariser leur imputation sur le budget de l'établissement scolaire. S'il fait également valoir que le congélateur a été acheté à la suite d'une panne de la chambre froide du restaurant scolaire, et qu'il serait devenu inutile après le remplacement des moteurs réfrigérants des chambres froides, il n'apporte aucun élément au soutien de ses allégations, ni n'explique la circonstance que ledit congélateur a été retrouvé à son domicile personnel, ainsi que l'a relevé la cour d'appel de Douai dans son arrêt cité au point 2. Si M. C... produit, certes, une convention du 7 mars 2011 attestant de la prise en charge de ce congélateur dans laquelle il s'engage à le restituer, sur demande du chef d'établissement, cette convention est dépourvue du tampon de l'établissement, ce qui peut donc faire douter de son authenticité compte tenu de ce qui a été dit au point 10, et n'est, en tout état de cause, pas de nature à établir le besoin qu'aurait eu le restaurant scolaire d'un tel congélateur. Enfin, concernant le WC sanibroyeur, il soutient, sans l'établir, que le modèle présent dans son logement n'était plus réparable et que la collectivité territoriale propriétaire du logement avait refusé de prendre son remplacement en charge. S'il se prévaut, également, de l'accord du chef d'établissement, dont il aurait bénéficié pour le remplacer en juillet 2012 sur le budget de l'établissement, il n'apporte aucun élément au soutien de cette allégation.

15. Il résulte ainsi de ce qui a été dit aux points 14 et 15 que, dans ces conditions, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le deuxième grief retenu par l'arrêté en litige reposerait sur des faits matériellement inexacts, ni à contester leur caractère fautif.

S'agissant des commandes de matériel pour son usage personnel sur le budget du collège pour un montant estimé entre 40 000 et 50 000 euros :

16. Aux termes de l'article R. 421-71 du code de l'éducation qui dispose : " L'ordonnateur de l'établissement et ses délégués ont seuls qualité pour procéder à l'engagement des dépenses de l'établissement ".

17. Il est reproché, en troisième lieu, à M. C... d'avoir, pour un montant compris entre 40 000 et 50 000 euros, commandé des produits dont la destination finale n'est pas établie, témoignant ainsi de graves carences dans la gestion, par l'intéressé, de l'établissement. D'une part, s'il ressort des témoignages des agents potentiellement concernés par les dépenses en cause qu'une partie des achats reprochés à M. C... étaient susceptibles de répondre aux besoins des agents de l'établissement, cette circonstance ne permet pas d'établir que ceux-ci n'ont pas été effectués par lui à des fins personnelles. A cet égard, si, en cause d'appel, M. C...critique la méthode retenue par le secrétaire général de l'académie de Lille par intérim dans son rapport d'enquête administrative par référence aux agents " potentiellement concernés ", consistant à interroger, au vu de la liste des dépenses suspectes, au demeurant fort nombreuses, les agents concernés par ces dépenses en leur demandant : " cette dépense vous paraît-elle correspondre à un besoin de l'établissement ' ", cette méthode, qui n'est en rien critiquable, a au contraire permis de faire le départ entre les dépenses potentiellement utiles et celles qui ne l'étaient certainement pas. En outre, dans l'arrêt du 4 septembre 2018 cité au point 2, la cour d'appel de Douai a cité chacun des agents potentiellement concernés par les achats mais qui ont nié en être à l'origine ou même en avoir l'utilité, la constatation de ces faits étant ainsi revêtue de l'autorité de la chose jugée qui s'attache à cet arrêt. Elle relève ainsi que sur deux cents trente-neuf factures contrôlées, seules cinquante-neuf ont été validées par les utilisateurs, ce qui montre que la plupart des factures ne correspondaient pas à un besoin de l'établissement. De surcroit, comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, une partie des achats reprochés à l'intéressé ne pouvaient manifestement pas correspondre aux besoins d'un établissement scolaire secondaire, tels qu'un " abattant de toilette éléphant " et deux réducteurs de toilette pour enfant, des gommettes animaux, des lingettes pour bébé, des denrées alimentaires non utilisées dans la restauration collective ou dans des quantités trop faibles pour répondre aux besoins d'une collectivité. En appel, M. C... fournit une explication pour chaque objet en cause : les gommettes animaux pour la classe relais ou la classe ULIS sont " tout à fait plausibles ", les lingettes pour bébés, " pourraient être utilisées dans une matière comme les sciences de la vie et de la terre dans laquelle on utilisait également le papier essuie-tout ", enfin, pour l'" abattant de toilette éléphant " et les deux réducteurs de toilette pour enfant, s'il reconnaît, quand même, que cela " peut surprendre dans l'absolu ", il allègue que son " usage n'est pas impossible dans un établissement scolaire notamment pour des activités comme l'art plastique ou le théâtre ". Ces allégations ne sont toutefois étayées par aucun commencement de preuve. D'autre part, comme l'ont aussi relevé à juste titre les premiers juges, la gestion de ces achats n'était pas satisfaisante, puisque des produits étaient achetés par M. C...sans que les agents en expriment le besoin et, au lieu de leur être distribués, étaient stockés à leur insu. Ainsi, un stéthoscope, un otoscope et des spéculums ont été achetés par l'établissement, prétendument en accord avec l'infirmière présente au collège jusqu'au 31 août 2011, mais n'ont pas été fournis à l'infirmière qui a pris le poste à la rentrée scolaire du mois de septembre 2011. Si M. C... soutient en appel que ces équipements sont indispensables au bon fonctionnement d'une infirmerie scolaire et se fonde, à nouveau, sur une circulaire, il ne prouve toujours pas que l'infirmière aurait exprimé le besoin de passer commande de tels instruments, ni que l'ordonnateur aurait donné son accord, et ne peut sérieusement soutenir qu'il faut savoir profiter des promotions et anticiper les besoins. En outre, si M. C... fait valoir qu'il a lui-même validé toutes ces factures, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait disposé d'une délégation de signature de l'ordonnateur, lui permettant d'engager de telles dépenses en application des dispositions de l'article R. 421-71 du code de l'éducation citées au point 17, sans qu'il puisse, là aussi, sérieusement soutenir que l'absence d'une telle délégation de signature révèlerait une faute du principal de l'établissement.

18. Enfin, M. C... conteste l'achat d'une auto laveuse pour un montant de 5 634 euros hors taxes à des fins personnelles. Il est vrai qu'il ressort des pièces du dossier que des témoignages d'agents d'entretien montrent que cette auto laveuse est utilisée et utile et, qu'en outre, son achat avait été validé par le conseil d'administration de l'établissement le 26 novembre 2010. Par suite, M. C... est fondé à contester le caractère fautif de l'imputation de cet achat sur le budget de l'établissement.

19. Néanmoins, sous la réserve mentionnée au point 18, il résulte de ce qui a été dit aux points 16 et 17 que M. C...n'est pas fondé à soutenir que ce troisième grief s'appuierait sur des faits matériellement inexacts, ni que ces faits ne seraient pas fautifs.

S'agissant de l'encaissement de la somme de 3 145,50 euros sans pouvoir préciser l'origine de ces fonds à l'agent comptable :

20. En dernier lieu, il est reproché à M. C... d'avoir encaissé " en sa qualité de régisseur ", la somme de 3 145,50 euros sans pouvoir préciser l'origine de ces fonds à l'agent comptable. M. C...soutient que cette somme est constituée, d'une part, d'une somme de 1 404,50 euros, encaissée le 23 novembre 2012, constituée d'espèces en attente d'encaissement versées par les familles pour combler les voyages déficitaires et, d'autre part, pour un montant de 1 730 euros encaissé le 26 novembre 2012, de ses deniers personnels en remboursement des factures téléphoniques à destination de l'Algérie. Toutefois, il ne produit toujours aucune pièce au soutien de ses allégations. En tout état de cause, ainsi que l'a relevé la cour d'appel de Douai dans son arrêt du 4 septembre 2018, il est constant que M. C...n'a jamais fait encaisser des espèces remises par les parents d'élèves dans le cadre de sorties scolaires et les a conservées par devers lui et que ce n'est que durant l'enquête qu'il a rapporté ces sommes. En outre, comme l'ont relevé les premiers juges, en se bornant à produire une facture téléphonique, il n'établit pas avoir informé l'agent comptable de l'origine de ces fonds dès le 26 novembre 2012 et, à supposer que le principal lui aurait interdit de procéder à l'inscription de ces sommes dans la régie des recettes le 27 novembre 2012, une telle inscription n'était pas de nature à régulariser la provenance des fonds. Enfin, s'il allègue qu'il n'est pas responsable de l'encaissement tardif de ces espèces puisque la secrétaire d'intendance gérait seule leur encaissement, il devait, en sa qualité de gestionnaire de l'établissement, contrôler la régie des recettes de l'établissement et son bon fonctionnement. M. C... n'établit donc pas la provenance des sommes qu'il a encaissées et, par suite, il ne ressort pas des pièces du dossier que ce dernier grief reposerait sur des faits matériellement inexacts ni que c'est à tort que le ministre chargé de l'éducation nationale aurait relevé leur caractère fautif.

21. Il résulte de ce qui a été dit aux points 11 à 20 que la matérialité des faits reprochés à M. C... est établie et que ces faits constituent, malgré la réserve mentionnée au point 18, des fautes de nature à justifier une sanction disciplinaire.

En ce qui concerne la proportionnalité de la sanction :

22. En dépit du fait qu'il s'agissait du premier poste qu'il occupait, et nonobstant les circonstances alléguées tirées des " appréciations élogieuses " et " brillants états de service " qui auraient été portés à son dossier par l'ancien principal du collège qui témoigne en sa faveur, des dysfonctionnements qui auraient préexisté à son affectation et qui perdureraient, de son état de santé, qui se serait dégradé depuis sa révocation, et de sa recherche d'emploi, qui serait compromise, ces dernières circonstances étant au demeurant postérieures à la date de l'arrêté attaqué à laquelle le juge de l'excès de pouvoir doit se placer, compte tenu du nombre, de la répétition et de la gravité des fautes commises par M. C..., mais aussi de la nature de ses fonctions qui requièrent probité et exemplarité, la sanction de révocation n'est pas, dans les circonstances de l'espèce, disproportionnée.

23. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 juillet 2013 par lequel le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche a prononcé, à son encontre, la sanction de révocation. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...C...et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

N°17DA00134 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17DA00134
Date de la décision : 29/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09 Fonctionnaires et agents publics. Discipline.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Hervé Cassara
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : FILLIEUX - FASSEU AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-05-29;17da00134 ?
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