La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/05/2019 | FRANCE | N°17DA01585

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4e chambre - formation à 3, 21 mai 2019, 17DA01585


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B...D...ont demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2006.

Par un jugement n° 1501688 du 29 juin 2017, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 4 août 2017 et le 6 décembre 2018, M. et MmeD..., représentés par MeC...

, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des imposition...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B...D...ont demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2006.

Par un jugement n° 1501688 du 29 juin 2017, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 4 août 2017 et le 6 décembre 2018, M. et MmeD..., représentés par MeC..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées, ainsi que la restitution, assortie des intérêts, des sommes versées à tort ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

----------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre du contrôle sur pièces dont ont fait l'objet M. et MmeD..., domiciliés à Lamorlaye (Oise), l'administration a exercé son droit de communication auprès de l'établissement bancaire détenteur, enA..., d'un compte ouvert au nom des intéressés. Cette démarche a révélé que ceux-ci avaient, au cours de l'année 2006, effectué un transfert d'une somme de 50 000 euros depuis ce compte français sur un compte ouvert à leur nom et détenu au Luxembourg. Il est, en outre, apparu que M. et Mme D...n'avaient pas joint à la déclaration d'impôt sur le revenu qu'ils avaient souscrite au titre de l'année 2006 la déclaration de compte informant l'administration, conformément à l'article 1649 A du code général des impôts, de l'ouverture ou de l'utilisation de ce compte détenu hors de A...au cours de cette année. L'administration ayant estimé que la somme ayant fait l'objet du transfert en cause devait être présumée avoir la nature d'un revenu imposable, elle a envisagé de procéder à sa réintégration dans les revenus déclarés par M. et Mme D...au titre de l'année 2006, ce qu'elle leur a fait connaître par une proposition de rectification datée du 4 décembre 2013. Ces rehaussements ayant été maintenus au vu des observations produites par les contribuables, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ont été mises à leur charge au titre de l'année 2006 et mises en recouvrement le 30 septembre 2014. Après rejet de leur réclamation, M. et Mme D...ont porté le litige devant le tribunal administratif d'Amiens en lui demandant de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2006. M. et Mme D... relèvent appel du jugement du 29 juin 2017 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande.

2. Aux termes de l'article 1649 A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au présent litige : " (...) / Les personnes physiques (...) domiciliées ou établies enA..., sont tenues de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus ou de résultats, les références des comptes ouverts, utilisés ou clos à l'étranger. Les modalités d'application du présent alinéa sont fixées par décret. / Les sommes, titres ou valeurs transférés à l'étranger ou en provenance de l'étranger par l'intermédiaire de comptes non déclarés dans les conditions prévues au deuxième alinéa constituent, sauf preuve contraire, des revenus imposables. ". En outre, aux termes de l'article 344 A de l'annexe III à ce code, dans sa rédaction applicable, qui a été pris pour l'application de ces dispositions : " II. Les personnes physiques joignent la déclaration de compte à la déclaration annuelle de leurs revenus. Chaque compte à usage privé, professionnel ou à usage privé et professionnel doit être mentionné distinctement. / (...) / III. La déclaration de compte mentionnée au II porte sur le ou les comptes ouverts, utilisés ou clos, au cours de l'année ou de l'exercice par le déclarant, l'un des membres de son foyer fiscal ou une personne rattachée à ce foyer. / Un compte est réputé avoir été utilisé par l'une des personnes visées au premier alinéa dès lors que celle-ci a effectué au moins une opération de crédit ou de débit pendant la période visée par la déclaration, qu'elle soit titulaire du compte ou qu'elle ait agi par procuration, soit pour elle-même, soit au profit d'une personne ayant la qualité de résident. ".

Sur la prescription :

3. En vertu de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce, en matière d'impôt sur le revenu, jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. Ce même article dispose cependant que, par exception à ce principe, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due, notamment lorsque les obligations déclaratives prévues par les dispositions précitées de l'article 1649 A du code général des impôts n'ont pas été respectées.

4. Toutefois, la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 a introduit un tempérament à cette exception, selon lequel, en cas de non-respect de l'obligation déclarative prévue à l'article 1649 A, cette extension de délai ne s'applique pas lorsque le contribuable apporte la preuve que le total des soldes créditeurs de ses comptes à l'étranger est inférieur à 50 000 euros au 31 décembre de l'année au titre de laquelle la déclaration devait être faite.

5. Lorsqu'une loi nouvelle, modifiant le délai de prescription d'un droit, abrège ce délai, le délai nouveau est immédiatement applicable, mais ne peut, à peine de rétroactivité, courir qu'à compter de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle. Le délai ancien, s'il a commencé à courir avant l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, ne demeure applicable que dans l'hypothèse où sa date d'expiration surviendrait antérieurement à la date d'expiration du délai nouveau.

6. Il est constant que M. et Mme D...n'ont pas joint à leur déclaration de revenus de l'année 2006 la déclaration prévue par les dispositions, rappelées au point 2, de l'article 1649 A du code général des impôts et destinée à faire connaître à l'administration fiscale les références du compte ouvert au Luxembourg qu'ils avaient utilisé, au sens des dispositions, citées au point 2, du dernier alinéa de l'article 344 A de l'annexe III à ce code, au cours de cette année, en y transférant une somme depuis un compte bancaire détenu enA.... Le droit de reprise ouvert à l'administration en ce qui concerne la somme concernée par cette opération était donc celui prévu, en cas de manquement à cette obligation déclarative, par l'exception prévue par les dispositions, rappelées au point 3, de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, à savoir un délai expirant à la fin de la dixième année suivante. Ce délai a commencé à courir au 31 décembre 2006 et n'était pas expiré à la date à laquelle la loi de finances rectificative pour 2011 est entrée en vigueur et a introduit le tempérament, énoncé au point 4, en prévoyant un délai plus bref lorsque le contribuable apporte la preuve que le total des soldes créditeurs de ses comptes à l'étranger est inférieur à 50 000 euros au 31 décembre de l'année au titre de laquelle la déclaration devait être faite. Or, il n'est pas contesté que M. et Mme D...ne disposent pas d'autre compte à l'étranger que le compte luxembourgeois en cause et les relevés de ce compte, qu'ils ont versés à l'instruction, sont de nature à établir que celui-ci présentait, au 31 décembre 2006, un solde créditeur de 1 685,59 euros, c'est-à-dire inférieur au seuil de 50 000 euros au-delà duquel le délai de reprise plus bref ne trouve pas à s'appliquer. Dans ces conditions, il y a lieu de retenir que le délai de reprise de dix ans a cessé de courir au 28 décembre 2011, date de publication de la loi de finance rectificative pour 2011, et que M. et Mme D...ont, à compter de cette date, bénéficié du délai de trois ans, qui avait vocation à expirer le 31 décembre 2014. En adressant, le 4 décembre 2013, aux intéressés, qui l'ont reçue le 9 décembre 2013, ainsi qu'en atteste l'avis de réception postal produit par le ministre, la proposition de rectification afférente à l'année 2006, ce document ayant ainsi valablement interrompu le délai de prescription, l'administration fiscale a, dès lors, pu légalement faire usage de son droit de reprise. Il suit de là que le moyen tiré de ce que les impositions supplémentaires émises au titre de l'année 2006 à l'égard de M. et Mme D...seraient atteintes par la prescription doit être écarté.

Sur le bien-fondé des rehaussements contestés :

7. Il résulte des dispositions, citées au point 2, de l'article 1649 A du code général des impôts que les sommes, titres ou valeurs transférés à l'étranger ou en provenance de l'étranger par l'intermédiaire de comptes non déclarés sont présumées constituer, sauf preuve contraire, des revenus imposables. Pour faire échec à cette présomption, il appartient au contribuable, qui n'a pas révélé à l'administration fiscale l'existence d'un compte ouvert à son nom dans un établissement bancaire à l'étranger, d'apporter la preuve que les sommes transférées sur ce compte n'entraient pas dans le champ d'application de l'impôt ou en étaient exonérées ou qu'elles constituaient des revenus qui avaient déjà été soumis à l'impôt.

8. M. et Mme D...soutiennent que la somme qui a fait l'objet d'un versement sur leur compte bancaire non déclaré ouvert au Luxembourg provient d'un compte détenu en A...et connu de l'administration fiscale. Ils ajoutent que ce dernier compte a été lui-même alimenté par la vente, en 1992, d'un appartement. Toutefois, dès lors, en particulier, que M. et Mme D... n'établissent pas, par la seule attestation sur l'honneur rédigée le 28 octobre 2014 par M. D...lui-même, que l'appartement ainsi vendu aurait constitué leur résidence principale, ni une résidence secondaire susceptible de bénéficier d'un régime d'exonération, les circonstances invoquées ne permettent pas d'établir que la somme de 50 000 euros qu'ils ont transférée sur leur compte détenu au Luxembourg n'entrait pas dans le champ d'application de l'impôt sur le revenu ou était susceptible d'en être exonérée. Et ils n'allèguent pas que cette somme aurait déjà été soumise à l'impôt. L'administration a, dès lors, pu soumettre à bon droit celle-ci à l'impôt sur le revenu.

Sur la prise de position invoquée :

9. Il est constant que l'administration fiscale n'a procédé à aucun rehaussement à la suite de l'examen contradictoire de situation fiscale personnelle dont M. et Mme D...avaient précédemment fait l'objet en ce qui concerne les années 1997 à 1999, alors même qu'elle avait connaissance de sommes inscrites sur les comptes bancaires ouverts à leur nom enA.... Toutefois, ce seul fait, qui ne s'est aucunement traduit par l'édiction d'une décision motivée, ne saurait constituer une prise de position formelle dont M. et Mme D...pourraient se prévaloir sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 29 juin 2017, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2006. Leurs conclusions à fin de restitution des sommes correspondantes et celles qu'ils présentent au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B...D...et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

1

2

N°17DA01585


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17DA01585
Date de la décision : 21/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-03-04 Contributions et taxes. Généralités. Règles générales d'établissement de l'impôt. Prescription.


Composition du Tribunal
Président : M. Lavail Dellaporta
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : SELARL IXA

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-05-21;17da01585 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award