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14/05/2019 | FRANCE | N°16DA01550

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre - formation à 3 (bis), 14 mai 2019, 16DA01550


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner le groupe hospitalier du Havre (GHH) à lui verser une somme de 26 167,55 euros en indemnisation des préjudices subis à l'occasion de la prise en charge de la fracture de sa jambe gauche les 7 décembre 2008 et 6 avril 2009.

Par un jugement n° 1402702 du 9 juin 2016, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 août 2016 par télécopie, confir

mée le 29 août 2016 par la voie de l'application Télérecours, M. B...demande à la cour :

1°)...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner le groupe hospitalier du Havre (GHH) à lui verser une somme de 26 167,55 euros en indemnisation des préjudices subis à l'occasion de la prise en charge de la fracture de sa jambe gauche les 7 décembre 2008 et 6 avril 2009.

Par un jugement n° 1402702 du 9 juin 2016, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 août 2016 par télécopie, confirmée le 29 août 2016 par la voie de l'application Télérecours, M. B...demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner le GHH à lui verser une somme de 26 167,95 euros en indemnisation des préjudices subis assortie des intérêts au taux légal à compter du 25 juillet 2014 ;

3°) de mettre à la charge du GHH une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Julien Sorin, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Anne-Marie Leguin, rapporteur public,

- et les observations de Me C...D..., représentant le groupe hospitalier du Havre.

Considérant ce qui suit :

1. Admis le 7 décembre 2008 au groupe hospitalier du Havre (GHH) à la suite d'une chute, M. B...a été opéré le jour-même par ostéosynthèse d'une fracture spiroïde de la jambe gauche. En raison de l'apparition d'un cal fracturaire entraînant une rotation du pied gauche, des douleurs et des difficultés à la marche, une nouvelle intervention chirurgicale est réalisée le 6 avril 2009. Cette intervention n'ayant pas permis une amélioration de l'état de M. B..., celui-ci a saisi le tribunal administratif de Rouen qui a diligenté une expertise dont le rapport a été remis le 5 mai 2014. M. B...interjette régulièrement appel du jugement du 9 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté, pour une irrecevabilité tenant à sa tardiveté, son recours tendant à l'engagement de la responsabilité du GHH à son égard.

2. En premier lieu, en vertu de l'article R. 421-1 du code de justice administrative et du 1° de l'article R. 421-3 de ce code, la personne qui a saisi une collectivité publique d'une demande d'indemnité et qui s'est vu notifier une décision expresse de rejet dispose d'un délai de deux mois à compter de cette notification pour rechercher la responsabilité de la collectivité devant le tribunal administratif. Conformément aux dispositions de l'article R. 421-5 dudit code, ce délai n'est toutefois opposable qu'à la condition d'avoir été mentionné, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision.

3. Par ailleurs, la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé a créé une procédure de règlement amiable des litiges relatifs aux accidents médicaux, aux affections iatrogènes et aux infections nosocomiales graves, confiée aux commissions régionales de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CRCI) et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), selon des modalités fixées aux articles L. 1142-5 et suivants du code de la santé publique. La CRCI peut être saisie par toute personne s'estimant victime d'un dommage imputable à une activité de prévention, de diagnostic ou de soins, ou par les ayants droit d'une personne décédée à la suite d'un acte de prévention, de diagnostic ou de soins, et cette saisine " suspend les délais de prescription et de recours contentieux jusqu'au terme de la procédure " en vertu du dernier alinéa de l'article L. 1142-7 du même code. Eu égard à l'objectif poursuivi par le législateur en instituant une procédure de règlement amiable des litiges, la notification de la décision rejetant la demande d'indemnité doit indiquer non seulement que le tribunal administratif peut être saisi dans le délai de deux mois mais aussi que ce délai est suspendu en cas de saisine de la CRCI. La notification ne fait pas courir le délai si elle ne comporte pas cette double indication.

4. Par un courrier manuscrit du 1er juin 2009, M. B...a saisi le GHH d'une " réclamation " tendant à ce qu'il lui accorde des " compensations " en raison des fautes commises dans le cadre de la prise en charge de sa fracture de la jambe. Contrairement à ce qu'il soutient, ce courrier doit ainsi être regardé comme une demande indemnitaire préalable de nature à lier le contentieux. Les circonstances selon lesquelles ce courrier n'est pas signé, orthographie incorrectement son patronyme, est rédigé sur un papier à l'en-tête de son assureur et ne chiffre pas ses prétentions indemnitaires sont sans incidence sur cette qualification. Cette demande indemnitaire préalable a fait l'objet d'une décision de rejet en date du 2 septembre 2010 dont M. B... a accusé réception le 10 septembre suivant. Cette décision, qui fait état des résultats de l'enquête interne diligentée à la suite de la réception de la demande préalable, n'avait pas à préciser la position de l'ensemble des personnes y ayant pris part. Ayant pour seul objet de lier le contentieux, le moyen tiré de son insuffisante motivation est en tout état de cause inopérant. Toutefois, si cette décision comportait la mention des voies et délais de recours contentieux permettant à M. B...d'introduire une action juridictionnelle aux fins de faire valoir ses droits, elle ne précisait pas la faculté de saisir la commission régionale de conciliation et d'indemnisation, en méconnaissance du principe exposé au point 2. Il en résulte que sa notification, le 10 septembre 2010, n'a pu faire courir le délai de recours de deux mois à l'égard de M.B....

5. Cependant le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance. Cette règle, qui a pour seul objet de borner dans le temps les conséquences de la sanction attachée au défaut de mention des voies et délais de recours, ne porte pas atteinte à la substance du droit au recours, mais tend seulement à éviter que son exercice, au-delà d'un délai raisonnable, ne mette en péril la stabilité des situations juridiques et la bonne administration de la justice, en exposant les défendeurs potentiels à des recours excessivement tardifs. Il appartient dès lors au juge administratif d'en faire application au litige dont il est saisi, quelle que soit la date des faits qui lui ont donné naissance. Par ailleurs, un débiteur qui saisit la juridiction judiciaire, alors que la juridiction administrative était compétente, conserve le bénéfice de ce délai raisonnable dès lors qu'il a introduit cette instance avant son expiration.

6. En l'espèce, si M. B...a saisi le 30 avril 2010 le bureau d'aide juridictionnelle auprès du tribunal de grande instance du Havre d'une demande d'aide juridictionnelle qui lui a été accordée par une décision du 16 septembre 2010 notifiée le 1er octobre 2010, il ne résulte pas de l'instruction qu'une procédure en référé ou au fond ait été introduite devant le tribunal de grande instance du Havre à la suite de cette décision. Le requérant n'est dès lors pas fondé à soutenir que le délai de recours aurait été suspendu par l'introduction d'une procédure judiciaire le 30 avril 2010, au demeurant antérieure à la notification le 10 septembre 2010 de la décision de rejet de sa demande indemnitaire préalable. Par ailleurs, si M. B...établit avoir saisi le 15 novembre 2011 le juge des référés du tribunal de grande instance du Havre d'une demande d'expertise à la suite de l'édiction le 6 octobre 2011 d'une nouvelle décision d'aide juridictionnelle, notifiée le 21 octobre 2011, le délai écoulé entre la notification du rejet de sa demande préalable le 10 septembre 2010 et l'introduction, le 27 septembre 2011, de cette seconde demande d'aide juridictionnelle, est supérieur au délai d'un an mentionné au point précédent. M. B...n'apportant aucun élément de nature à expliquer un tel délai, l'introduction de cette instance n'a pu par suite interrompre à son profit le délai de recours ouvert à compter du 10 septembre 2010 à l'encontre de la décision du 2 septembre 2010 rejetant sa demande indemnitaire préalable.

7. En deuxième lieu, la requête en référé dont M. B...a saisi, le 23 septembre 2013, le tribunal administratif de Rouen, tendant à la désignation d'un expert, n'a pu avoir pour effet de suspendre ni de rouvrir le délai de recours contentieux contre la décision du 2 septembre 2010 qui était alors expiré. Sa demande au fond tendant à la condamnation du GHH n'a été enregistrée au greffe du tribunal administratif de Rouen que le 6 août 2014 soit après l'expiration du délai d'un an ci-dessus rappelé ayant couru, en l'absence de mention complète des voies et délais de recours, à compter de la notification de cette décision. Le dépôt du rapport d'expertise n'a pas, à cet égard, constitué une circonstance nouvelle de nature à rouvrir un nouveau droit à réclamation. Dès lors que la seconde demande indemnitaire préalable, formulée le 25 juillet 2014, présentait le même objet et était fondée sur la même cause juridique que celle sur laquelle reposait sa première demande du 1er juillet 2009, le rejet implicite opposé par le GHH à cette seconde demande ne pouvait qu'être regardé comme une décision confirmative de la décision de rejet du 2 septembre 2010 et n'était par suite pas susceptible de rouvrir à son profit les délais de recours expirés contre la décision initiale.

8. En troisième lieu, la circonstance que les dispositions de l'article L. 1142-28 du code de la santé publique prévoient qu'en matière médicale, l'action en responsabilité se prescrit par dix ans à compter de la consolidation du dommage ne fait pas obstacle à l'application du mécanisme de forclusion résultant de l'écoulement du délai de recours contentieux tel que prévu par les dispositions du code de justice administrative rappelées ci-dessus.

9. Il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter les conclusions présentées en appel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B..., au groupe hospitalier du Havre et à la caisse primaire d'assurance maladie du Havre.

2

N°16DA01550


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 16DA01550
Date de la décision : 14/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Validité des actes administratifs - violation directe de la règle de droit - Principes généraux du droit - Principes intéressant l'action administrative.

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Service public de santé.


Composition du Tribunal
Président : Mme Courault
Rapporteur ?: M. Julien Sorin
Rapporteur public ?: Mme Leguin
Avocat(s) : CABINET D'AVOCAT BIVILLE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-05-14;16da01550 ?
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