Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D...A...C...a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 28 mars 2018 par lequel le préfet de l'Eure a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office, ainsi que la décision de retenir son passeport, d'autre part, de faire injonction au préfet de l'Eure de lui délivrer une carte de séjour temporaire, à défaut, une autorisation provisoire de séjour valable le temps nécessaire au réexamen de sa situation.
Par un jugement n° 1801929 du 9 octobre 2018, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 6 novembre 2018, M. A...C..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement, en tant qu'il rejette ses conclusions dirigées contre cet arrêté ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Eure de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour valable le temps nécessaire à un nouvel examen de sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A...C..., ressortissant brésilien né le 18 août 1977, indique être entré sur le territoire français le 22 novembre 2003. Il a sollicité du préfet de l'Eure, en 2015, la régularisation de sa situation administrative par la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié ", mais n'a pas donné suite à la demande de complément de pièces adressée par le service. Il a de nouveau demandé la délivrance d'un titre de séjour en décembre 2017, en faisant état d'un souhait de création d'entreprise, mais, par un arrêté du 28 mars 2018, le préfet de l'Eure a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office. M. A...C...relève appel du jugement du 9 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation, pour excès de pouvoir, de cet arrêté.
Sur la légalité du refus de séjour :
2. Il ressort des motifs de l'arrêté contesté du 28 mars 2018 en litige que ceux-ci, qui ne se limitent pas à la citation tronquée qu'en fait le requérant, comportent l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles se fonde la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour, en précisant notamment les raisons pour lesquelles le préfet de l'Eure a estimé que M. A... C...n'était en situation d'obtenir la régularisation de sa situation administrative ni sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni sur celui de l'article L. 313-14 de ce code. Par suite, cette décision de refus de séjour est suffisamment motivée au regard de l'exigence posée par les dispositions de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.
3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. (...) ".
4. M. A... C..., qui, ainsi qu'il a été dit au point 1, serait entré sur le territoire français le 22 novembre 2003, soutient qu'il pouvait se prévaloir d'un séjour habituel de près de quinze années en France à la date à laquelle l'arrêté contesté du 28 mars 2018 a été pris. Il fait, en outre, état de la relation qu'il a nouée avec une ressortissante française, avec laquelle il soutient s'être installé dès le début de son séjour, et des liens privilégiés qu'il entretiendrait avec le fils majeur né d'une précédente union de celle-ci.
5. Toutefois, M. A... C...n'a versé au dossier, pour justifier de l'ancienneté alléguée de son séjour, qu'une seule pièce afférente à l'année 2003, à savoir une facture manuscrite établie par un antiquaire de Villers-en-Vexin et qui est au demeurant datée du 10 février 2003, alors même que M. A... C...soutient n'être arrivé en France qu'en novembre de la même année. Il n'a fourni également qu'une seule pièce pour justifier de sa présence durant toute l'année 2004, à savoir une facture établie de façon manuscrite par le même antiquaire. Si, s'agissant de l'année 2005, l'intéressé produit non seulement une autre facture manuscrite de cet antiquaire, mais aussi une attestation établie le 1er juin 2018 par un médecin généraliste qui indique être le médecin traitant de M. A... C...depuis l'année 2005, ces deux documents ne peuvent suffire à permettre à l'intéressé de justifier d'un séjour habituel sur le territoire français durant l'intégralité de cette année. De même, l'intéressé n'a produit, pour justifier de sa présence en France en 2006, que trois factures établies dans les mêmes formes par l'antiquaire de Villers-en-Vexin qui lui avait fourni les factures précédemment mentionnées, tandis que, s'agissant de l'année suivante, l'intéressé n'a fourni qu'une unique pièce, à savoir une feuille de soin émise le 6 mars 2007 par un chirurgien dentiste. La présence de l'intéressé au titre des trois années suivantes n'est, quant à elle, justifiée respectivement que par deux, quatre et cinq pièces, tandis qu'aucun justificatif n'est produit concernant l'année 2011. En outre, un cachet apposé sur son passeport mentionne une entrée sur le territoire français le 25 août 2008, ce qui, rapporté à la faiblesse des justifications fournies, permet d'émettre des doutes sur l'ancienneté de la fixation du centre de ses intérêts en France. En réalité, M. A... C...n'est en mesure de justifier d'un séjour habituel sur le territoire français qu'à compter de l'année 2012, à partir de laquelle les documents produits sont plus nombreux et couvrent la totalité des années considérées.
6. Par ailleurs, la réalité de la vie commune alléguée avec une ressortissante française ne peut être regardée comme établie par les seules attestations versées au dossier, qui sont, pour la plupart, peu circonstanciées et précises sur ce point. En outre, aucune des quelques pièces du dossier qui comportent la mention du nom de l'intéressé et celui de sa compagne n'est antérieure à l'année 2012. Ainsi, à en supposer même sa réalité établie à la date de l'arrêté en litige, la vie commune alléguée ne pouvait, à cette date, être regardée comme présentant un caractère particulièrement ancien et stable. Dans le même temps, M. A... C...n'établit ni même n'allègue qu'il serait dépourvu d'attaches familiales proches dans son pays d'origine. Enfin, l'intéressé, dont le séjour en France a été constamment effectué dans des conditions irrégulières et qui n'a sollicité que tardivement la régularisation de sa situation administrative, n'a fait état d'aucune perspective précise d'insertion professionnelle. Dans ces circonstances, eu égard aux conditions constamment irrégulières du séjour de M. A... C...en France, dont l'ancienneté n'est pas démontrée, il n'est pas établi que la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte excessive, malgré les efforts d'intégration dont témoignerait son investissement dans les activités de sa paroisse. Par suite, cette décision n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni des dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, il n'est pas davantage établi que, pour refuser de lui délivrer un titre de séjour, le préfet de l'Eure aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
7. En vertu du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, si la décision obligeant un ressortissant étranger à quitter le territoire français doit être motivée, elle n'a pas à faire l'objet, lorsqu'elle est adossée à une décision de refus de séjour, d'une motivation distincte de celle de ce refus. Ainsi qu'il a été dit au point 2, la décision de refus de séjour prononcée par l'arrêté contesté du 28 mars 2018 est suffisamment motivée. Par suite, la décision, contenue dans le même arrêté, faisant obligation à M. A... C...de quitter le territoire français est, elle-même, suffisamment motivée au regard de l'exigence posée tant par les dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que cet arrêté vise au demeurant, que par celles de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.
8. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 6 que la décision refusant de délivrer un titre de séjour à M. A... C...n'est entachée d'aucune des illégalités invoquées. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision faisant obligation à l'intéressé de quitter le territoire français devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour ne peut qu'être écarté.
9. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 4 à 6, les moyens tirés de ce que la décision faisant obligation à M. A... C...de quitter le territoire français aurait été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de ce que, pour faire obligation à l'intéressé de quitter le territoire français, le préfet de l'Eure aurait commis une erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
Sur la décision refusant d'accorder au requérant un délai de départ volontaire supérieur à trente jours :
10. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification pour rejoindre le pays dont il possède la nationalité ou tout autre pays (...) où il est légalement admissible. (...) L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. / (...) " ;
11. Il ne ressort d'aucune des pièces du dossier ni n'est même allégué que M. A... C... aurait sollicité du préfet de l'Eure, en faisant état de circonstances particulières tirées de sa situation, l'octroi d'un délai supérieur au délai de droit commun de trente jours fixé par ces dispositions. Par suite, le préfet de l'Eure n'avait pas à faire apparaître, dans les motifs de son arrêté du 28 mars 2018, les raisons pour lesquelles il a estimé devoir accorder ce délai de droit commun à M. A... C.... Au surplus, il ressort des motifs de cet arrêté qu'avant d'impartir ce délai à M. A... C..., le préfet de l'Eure a estimé d'office, sous le visa des dispositions précitées du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la situation personnelle de l'intéressé ne justifiait pas qu'un délai supérieur lui soit accordé. Ainsi et en tout état de cause, cette motivation énonce les considérations de droit et de fait justifiant le choix de ce délai et le moyen tiré de son insuffisance manque en fait.
12. Il résulte de ce qui a été dit aux points 7 à 9 que la décision faisant obligation à M. A... C...de quitter le territoire français n'est entachée d'aucune des illégalités invoquées. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision refusant d'accorder à l'intéressé un délai de départ volontaire supérieur à trente jours devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de cette mesure d'éloignement ne peut qu'être écarté.
13. Les dispositions précitées du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont pour objet d'assurer la transposition en droit interne de la directive du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, dite directive " retour ". En prévoyant que le délai normalement imparti pour se conformer à une obligation de quitter le territoire français est le délai de droit commun que les Etats peuvent prévoir selon l'article 7 de cette directive et que la situation particulière de l'intéressé peut être prise en compte pour accorder un délai plus long, ces dispositions ne sont pas en contradiction avec les objectifs de la directive.
14. M. A... C...soutient que ce délai serait inadapté à son cas, eu égard à l'ancienneté de son séjour, à la circonstance qu'il respecte la loi et n'a jamais troublé l'ordre public et compte tenu de la vie commune qu'il entretient avec sa compagne française, ainsi que des liens qui l'unissent au fils de celle-ci. Toutefois, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit au point 11, que l'intéressé aurait sollicité de l'autorité préfectorale l'octroi d'un délai plus long. En tout état de cause, les seules circonstances ainsi invoquées ne suffisent pas à établir, compte tenu de ce qui a été dit aux points 4 à 6 en ce qui concerne la situation personnelle et familiale de M. A... C..., que, pour estimer qu'il n'y avait pas lieu de le faire bénéficier d'un délai plus long, le préfet de l'Eure aurait commis une erreur d'appréciation.
15. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 4 à 6, le moyen tiré de ce que la décision refusant d'accorder à M. A... C...un délai de départ volontaire supérieur à trente jours aurait été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
16. L'arrêté du 28 mars 2018 précise dans ses motifs, sous le visa des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la nationalité de M. A... C...et énonce que celui-ci n'établit pas être exposé à des peines ou à des traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Ainsi et alors même que ces motifs ne font pas une référence expresse à l'article L. 513-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ils constituent une motivation suffisante pour la décision fixant le pays de destination.
17. Il résulte de ce qui a été dit aux points 7 à 9 que la décision faisant obligation à M. A... C...de quitter le territoire français n'est entachée d'aucune des illégalités invoquées. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination de cette mesure devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de celle-ci ne peut qu'être écarté.
18. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et celles qu'il présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A...C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...A...C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise au préfet de l'Eure.
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N°18DA02205