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25/04/2019 | FRANCE | N°17DA00203

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre - formation à 3, 25 avril 2019, 17DA00203


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Soissons a demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner la société Sage Services Energie à lui verser la somme de 101 679,16 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'annulation du marché d'exploitation des installations thermiques équipant les bâtiments communaux.

Par un jugement n° 1403468 du 29 novembre 2016, le tribunal administratif d'Amiens a condamné la société Sage Services Energie à verser à la commune de Soissons la somme de

61 007,50 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 31...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Soissons a demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner la société Sage Services Energie à lui verser la somme de 101 679,16 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'annulation du marché d'exploitation des installations thermiques équipant les bâtiments communaux.

Par un jugement n° 1403468 du 29 novembre 2016, le tribunal administratif d'Amiens a condamné la société Sage Services Energie à verser à la commune de Soissons la somme de 61 007,50 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 31 janvier 2017, et un mémoire, enregistré le 2 juillet 2018, la société Sage Services Energie, représentée par la SELARL Parme avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de la commune de Soissons ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Soissons la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Michel Richard, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Amélie Fort-Besnard, rapporteur public,

- et les observations de Me C...B..., représentant la société Sage Services Energie, et Me A...D..., représentant la commune de Soissons.

Considérant ce qui suit :

1. Par un acte d'engagement du 4 juin 2009, la commune de Soissons a conclu un marché de prestations intellectuelles avec la société Sage Services Energie pour lui confier une mission d'assistance à maitrise d'ouvrage en matière de " chauffage urbain et d'exploitation des installations de génie climatique dans les bâtiments communaux ". Avec l'aide de cette société, la commune a lancé, par avis d'appel à la concurrence publié le 6 octobre 2010 au Bulletin officiel des annonces des marchés publics (BOAMP), une procédure d'appel d'offres ouvert en vue de la passation d'un marché public de fourniture et de services portant sur l'exploitation des installations thermiques équipant les bâtiments communaux, avant d'attribuer le marché à la société GDF Suez Energies Services - Cofely SA. Le marché de fourniture et de services a été signé le 8 février 2011 pour entrer en vigueur le 1er mars 2011 pour une durée de sept ans et demi. A la demande d'un candidat évincé et par un jugement du 10 décembre 2013, le tribunal administratif d'Amiens a prononcé l'annulation de ce marché à compter du 10 juin 2014 au motif qu'il avait été conclu à la suite d'une procédure de sélection des candidatures affectée de vices d'une particulière gravité. Ayant conclu un protocole transactionnel avec le titulaire de ce marché résilié, la commune de Soissons a demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner la société Sage Services Energie à l'indemniser des préjudices subis du fait des fautes commises par celle-ci dans le cadre de ses missions d'assistance à maitrise d'ouvrage. La société Sage Services Energie relève appel du jugement du 29 novembre 2016 par lequel le tribunal administratif d'Amiens, après avoir estimé qu'une part de responsabilité devait être laissée à la charge de la commune à hauteur de 40 %, l'a condamnée à verser à cette dernière une somme de 61 007,50 euros.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Pour caractériser le montant du préjudice subi par la commune au titre des frais qu'elle a engagés à la suite de la résiliation du précédent marché afin de rechercher un nouvel assistant à maîtrise d'ouvrage et de publier un nouvel avis de marché, les premiers juges ont d'abord rappelé, au point 9 de leur jugement, les montants précis revendiqués par la commune, soit respectivement 17 112 euros et 967,16 euros. Ils ont ensuite mentionné au point 10 les pièces que celle-ci avait produites à l'appui de sa demande de première instance, visant implicitement la pièce n° 5 correspondant à la facture du nouvel assistant à maitrise d'ouvrage pour en conclure que la commune " justifie, par les pièces qu'elle produit, avoir réellement engagé de tels frais (et que), le préjudice subi à ce titre doit être arrêté à la somme de 18 079,16 euros ". Ils ont ainsi suffisamment motivé leur réponse s'agissant du montant retenu au titre du coût du nouvel assistant à maitrise d'ouvrage. La circonstance que les éléments de preuve produits par la commune auraient été insuffisants pour permettre aux premiers juges de fixer ce montant ne relève pas en l'espèce de la motivation mais du bien-fondé du jugement contesté. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de ce jugement sur ce point doit être écarté.

3. Dans son point 11, le tribunal a exposé de façon suffisamment motivée les motifs pour lesquels il a fixé à 83 600 euros le montant du préjudice subi par la commune au titre des sommes que celle-ci a dû verser au titulaire du marché résilié au titre de son manque à gagner et des " frais de personnel affecté au site ". Dans ces conditions et alors même que les premiers juges ne font pas expressément référence au protocole transactionnel et à la délibération du conseil municipal de Soissons relative à l'approbation de ce protocole, produits en pièces jointes nos 11 et 12 par la commune en première instance, la société Sage Services Energie n'est pas fondée à soutenir que sur cet autre point, le jugement est irrégulier, faute d'être suffisamment motivé.

4. Il résulte des points 7 et 8 du jugement attaqué que le tribunal a brièvement mais suffisamment motivé sa réponse relative à la détermination des responsabilités respectives de la société requérante et de la commune vis-à-vis des vices ayant entaché la procédure de passation du marché de chauffage urbain. Il en résulte que le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement sur ce point doit également être écarté.

5. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 4 que la société Sage Services Energie n'est pas fondée à soutenir que le jugement contesté est entaché d'irrégularité.

Sur l'engagement et le partage de responsabilité :

6. Par son jugement du 10 décembre 2013, le tribunal administratif d'Amiens a résilié le marché conclu entre la commune de Soissons et la société GDF Suez Energies Services - Cofely SA à compter du 10 juin 2014 aux motifs, d'une part, que les documents soumis à la consultation étaient trop imprécis s'agissant des variantes autorisées par l'appel d'offres et que, d'autre part, les candidats n'avaient pas disposé d'informations suffisantes sur les critères d'appréciation des offres, entachant ainsi la procédure de sélection des candidats d'un vice d'une particulière gravité.

7. Par le jugement contesté du 29 novembre 2016, le même tribunal a estimé que le préjudice subi par la commune du fait de l'invalidation de ce marché, pour les motifs énoncés aux points précédents, trouvait son origine dans l'exercice insuffisant, par la société Sage Services Energie, de ses missions d'assistance à maitrise d'ouvrage mais que compte tenu de ses responsabilités en qualité de maître d'ouvrage, la commune gardait une part de responsabilité dans la survenance du dommage fixée à 40 %.

8. La société Sage Services Energie fait toutefois valoir, dans le cadre de son appel, que compte tenu de la teneur de ses missions contractuelles, elle ne peut être tenue pour responsable des irrégularités ayant entaché la procédure de passation du marché et qu'en tout état de cause, le marché en litige n'était pas entaché des vices qui en ont justifié la résiliation prononcée le 10 décembre 2013 par le tribunal administratif d'Amiens.

En ce qui concerne les vices ayant entaché la procédure de passation du marché :

9. D'une part, il résulte de l'instruction que la société GDF Suez Energies Services - Cofely SA a été choisie au bénéfice d'une variante dans le cadre de laquelle elle prévoyait le raccordement de l'un des sites du marché à un système de chauffage dont l'attributaire assurait déjà par ailleurs l'exploitation pour la commune de Soissons. Cette variante avait été présentée comme le lui permettait l'article 2.2.2 du règlement de la consultation applicable au marché en litige. Par son jugement du 10 décembre 2013 mentionné au point 6 et devenu définitif, le tribunal administratif d'Amiens a jugé que le règlement de la consultation ne comportait aucune " précision quant à la nature ou à l'étendue des variantes que le pouvoir adjudicataire se proposait d'admettre, ni de précisions permettant de déterminer les caractéristiques minimales de l'offre de base qui ne pourraient être affectées par d'éventuelles variantes ". Il ne résulte pas des termes de l'article 2.2.2 ni d'aucun autre document de la procédure de sélection organisée que les modalités de présentation des variantes aient été énoncées de façon suffisamment précise, la société appelante ne critiquant d'ailleurs pas sérieusement ce motif d'irrégularité de la procédure retenu par le tribunal. La requérante n'est donc pas fondée à soutenir que la procédure de sélection des candidatures n'a pas été méconnue en ce qui concerne les modalités de présentation des variantes.

10. D'autre part, il résulte de l'instruction que pour procéder à la sélection de la société GDF Suez Energies Services - Cofely SA par l'application des critères de sélection annoncés dans le règlement de la consultation, la commune de Soissons a décidé de faire usage de sous-critères dont la pondération ou la hiérarchisation n'a pas été portée à la connaissance des candidats alors qu'il étaient susceptibles d'exercer une influence sur la présentation des offres par les candidats ainsi que sur leur sélection. La société Sage Services Energie, qui a participé à la préparation du règlement de consultation des entreprises et à la rédaction des projets de rapport d'analyse reprenant les critères du règlement de la consultation, indique que ces rapports ont été relus, repris et validés par la commune de Soissons avant passage en commission. Toutefois, en se bornant à solliciter la production du rapport d'analyse des offres qui a été produit dans le litige relatif à la validité du marché de services ayant opposé la commune de Soissons et l'attributaire, d'une part, et le concurrent évincé, d'autre part, la société requérante ne conteste pas sérieusement ce second motif d'irrégularité retenu par le tribunal administratif d'Amiens dans son jugement du 10 décembre 2013.

11. Il résulte de ce qui a été dit aux points 9 et 10 que la société Sage Services Energie n'est pas fondée à soutenir qu'en l'absence de toute irrégularité ayant entaché la procédure de sélection des candidats, sa responsabilité vis-à-vis des conséquences financières de la résiliation du marché prononcée par le tribunal doit être exclue.

En ce qui concerne les responsabilités respectives de l'assistant à maitrise d'ouvrage et du maître d'ouvrage :

12. La société Sage Services Energie fait valoir qu'elle a satisfait à ses obligations au titre de son contrat d'assistant à maitrise d'ouvrage conclu le 4 juin 2009 et que sa responsabilité ne peut donc être engagée vis-à-vis de la commune de Soissons au titre des préjudices subis par cette dernière à la suite de la résiliation du marché de services conclu avec la société GDF Suez Energies Services - Cofely SA.

13. Il résulte toutefois de l'article 12 du cahier des clauses particulières du marché d'assistance à maitrise d'ouvrage que la société Sage Services Energie devait assurer la rédaction de l'ensemble des documents (pièces techniques et administratives) permettant de lancer la procédure de mise en concurrence afin de désigner un nouveau titulaire pour le marché. L'article 2 de l'acte d'engagement prévoit que l'assistant à maitrise d'ouvrage percevra une somme de 11 900 euros HT pour la phase " organisation de la mise en concurrence " de la partie " chauffage urbain " du marché et une somme de 4 550 euros HT pour la phase " DCE " de la partie " exploitation des installations de chauffage des bâtiments communaux ". Enfin et ainsi que l'a relevé le tribunal, il ressort de la note méthodologique présentée par la société Sage Services Energie lors de la conclusion de son propre contrat qu'elle devait travailler en partenariat avec un cabinet juridique, qu'elle s'engageait à veiller, sans faire état de réserves à cet égard en termes de responsabilité, à la constitution d'un dossier de consultation fiable qu'elle se chargerait de rédiger afin d'assurer la régularité de la procédure, en rappelant qu'elle porterait une attention particulière dans le règlement de la consultation à la définition et à la hiérarchisation des critères de sélection des offres. La même note méthodologique rappelle qu'elle devait participer à la remise d'un rapport d'analyse classant celles-ci en fonction des critères prédéfinis.

14. Il résulte des éléments cités au point 13 que l'organisation de la mise en concurrence et de la sélection régulière des offres reçues des candidats relevait de la mission d'assistance pour laquelle la société Sage Services Energie avait été choisie et rémunérée par la commune de Soissons au titre du contrat conclu le 4 juin 2009. Il lui appartenait donc, notamment, de procéder à la rédaction d'un document de consultation des entreprises conforme aux exigences législatives et réglementaires en vigueur. Compte tenu des motifs d'annulation rappelés au point 6 et retenus par le tribunal pour annuler le marché, lesquels révèlent tous deux l'insuffisance des documents soumis à la consultation des entreprises et de la procédure de sélection, la société Sage Services Energie n'est pas fondée à soutenir que ses prestations d'assistant à maitrise d'ouvrage ont été réalisées conformément aux stipulations contractuelles et que sa responsabilité ne peut être engagée sur ce terrain.

15. Dans le cadre de son appel incident, la commune se prévaut du fait que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal en se fondant sur les dispositions de l'article 5 du cahier des clauses particulières du contrat d'assistant à maitrise d'ouvrage, ce sont ses services techniques et non les services juridiques qui étaient rendus destinataires des documents rédigés par l'assistant à maitrise d'ouvrage et transmis au maître d'ouvrage. La commune en déduit que la responsabilité de la société Sage Services Energie ne peut être atténuée au motif que la commune a participé, conformément à cet article 5, à la validation des documents de consultation des entreprises proposés par la société Sage Services Energie, qui se sont avérés viciés, ce qui a conduit à l'irrégularité de la procédure suivie et, en conséquence, à l'annulation du marché.

16. S'il est loisible au maître d'ouvrage de s'attacher les services d'un assistant à maitrise d'ouvrage afin de se faire assister dans le montage des dossiers administratifs et techniques relatifs à la passation et à l'exécution d'un marché public, un tel choix ne saurait le décharger totalement de sa responsabilité vis-à-vis des conditions dans lesquelles le titulaire a été choisi, notamment en cas d'irrégularité de la procédure de sélection des candidatures.

17. Par ailleurs, l'article 5 du cahier des clauses particulières du contrat d'assistant à maitrise d'ouvrage aux termes duquel " (...) La décision par le maitre d'ouvrage d'approuver, avec ou sans réserves, ou de rejeter les documents remis par le titulaire, dans le cadre de ses différentes missions, doit intervenir dans les quatre semaines suivant leur réception à la Direction des Services Techniques (...) " n'a ni pour objet, ni pour effet, de limiter le processus de validation des prestations contractuelles de l'assistant à maitrise d'ouvrage à leur seul aspect technique et de décharger, en conséquence, la commune de toute responsabilité.

18. Il résulte de ce qui a été dit aux points 12 à 17 que tant la responsabilité de la société requérante que celle de la commune est engagée au titre de la mise en oeuvre irrégulière de la procédure de sélection des candidats au marché de services finalement conclu entre la commune de Soissons et la société GDF Suez Energies Services - Cofely SA. La société appelante, à qui il incombait d'accomplir les diligences attendues d'un professionnel spécialisé dans l'assistance à maitrise d'ouvrage, pas plus que la commune, ne contestent de façon précise le partage de responsabilité opéré par le tribunal à hauteur de 60 % pour la première et de 40 % pour la seconde. Il ne résulte pas de l'instruction que les premiers juges auraient fait une inexacte appréciation des faits de l'espèce en retenant une telle part de responsabilité pour les deux parties au litige. Dans ces conditions, les conclusions des parties tendant à la remise en cause de ce partage de responsabilité ne peuvent être accueillies.

Sur l'indemnisation des préjudices subis par la commune :

En ce qui concerne le chef de préjudice relatif au versement d'une indemnité au titulaire du marché annulé :

19. Il résulte de l'instruction qu'à la suite de la résiliation du marché conclu avec la société GDF Suez Energies Services - Cofely SA, la commune de Soissons a accepté de verser à celle-ci la somme globale de 83 600 euros au titre de son manque à gagner et des " frais de personnel affecté au site " afin de l'indemniser de ses préjudices subis du fait de cette résiliation.

20. Le titulaire d'un contrat écarté en raison d'une faute de l'administration peut sous réserve du partage de responsabilité découlant le cas échéant de ses propres fautes, prétendre à la réparation du dommage imputable à la faute de l'administration. A ce titre, il peut demander le paiement des sommes correspondant aux autres dépenses exposées par lui pour l'exécution du contrat et aux gains dont il a été effectivement privé du fait de sa non-application, notamment du bénéfice auquel il pouvait prétendre, si toutefois l'indemnité à laquelle il a droit sur un terrain quasi-contractuel ne lui assure pas déjà une rémunération supérieure à celle que l'exécution du contrat lui aurait procurée. Saisi d'une demande d'indemnité sur ce fondement, il appartient au juge d'apprécier si le préjudice allégué présente un caractère certain et s'il existe un lien de causalité direct entre la faute de l'administration et le préjudice. Si les manquements aux règles de publicité et de mise en concurrence commis par le pouvoir adjudicateur ont eu une incidence déterminante sur l'attribution du marché au titulaire, le lien entre la faute de l'administration et le manque à gagner dont la société entend obtenir la réparation ne peut être regardé comme direct.

21. Il résulte de ce qui a été dit aux points 9 à 11 que la société GDF Suez Energies Services - Cofely SA a été désignée attributaire du marché de services à la suite d'une procédure de passation entachée de graves irrégularités. Ces manquements aux règles de publicité et de mise en concurrence commis par le pouvoir adjudicateur ont eu une incidence déterminante sur l'attribution du marché au titulaire, la société GDF Suez Energies Services - Cofely SA.

22. Il en résulte qu'en application des principes énoncés au point 20 et en l'absence de lien direct entre la faute de la commune et les chefs de préjudice du titulaire du contrat résilié, la commune de Soissons n'était redevable, hormis en ce qui concerne les dépenses utiles à la collectivité, d'aucune indemnisation à l'égard de la société GDF Suez Energies Services - Cofely SA au titre, d'une part, des dépenses exposées par celle-ci pour l'exécution du contrat et, d'autre part, des gains dont cette dernière a été effectivement privée du fait de sa non-application. La société Sage Services Energie est ainsi fondée à soutenir que c'est à tort que la commune de Soissons a versé une indemnité de 83 600 euros à la société GDF Suez Energies Services - Cofely SA et que, par suite, le préjudice subi par la commune du fait du versement de cette somme ne trouve pas son origine directe dans les fautes qu'elle a elle-même commises dans le cadre de ses missions d'assistant à maitrise d'ouvrage.

23. Il résulte de ce qui précède que la société Sage Services Energie est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement contesté, et compte tenu du partage de responsabilité qu'il avait fixé, le tribunal l'a condamnée à verser à la commune de Soissons la somme de 50 160 euros en réparation du préjudice subi du fait du versement de l'indemnité transactionnelle à la société GDF Suez Energies Services - Cofely SA.

En ce qui concerne les frais de publication d'un nouvel appel d'offres :

24. Il résulte de l'instruction qu'à la suite de la résiliation du marché attribué à la société GDF Suez Energies Services - Cofely SA, prononcée par le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 10 décembre 2013, la commune de Soissons a dû lancer un nouvel appel d'offres afin de procéder à la réattribution du nouveau marché à conclure, lequel a été publié au BOAMP après souscription, le 14 janvier 2014, d'un abonnement auprès de la direction de l'information légale et administrative. La société Sage Services Energie, en se bornant à indiquer que la commune n'avait exposé aucune dépense spécifique à la publication du nouvel avis de marché compte tenu de la souscription de l'abonnement en cause, ne conteste pas sérieusement l'évaluation à 967,16 euros TTC du coût de cette publication réalisée par la commune au prorata du coût de son forfait de publication, laquelle n'a été rendue nécessaire qu'en raison de la résiliation du précédent marché et de la nécessité d'en conclure un nouveau après sélection des candidatures. L'évaluation du coût de cette publication a été réalisée, contrairement à ce que soutient la société appelante, après déduction de la réduction tarifaire qui a été accordée à la commune dans un cadre promotionnel. Dans ces conditions, la société Sage Services Energie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal l'a condamnée à indemniser ce chef de préjudice.

En ce qui concerne les frais relatifs au recrutement d'un nouvel assistant à maitrise d'ouvrage :

25. Il résulte de l'instruction qu'à la suite de la résiliation de son précédent marché de services signé avec la société GDF Suez Energies Services - Cofely SA, la commune de Soissons a choisi de s'attacher les services d'un nouvel assistant à maitrise d'ouvrage pour l'assister dans la préparation et l'exécution du nouveau marché à conclure. Les frais engagés dans la conclusion de ce nouveau contrat d'assistant à maitrise d'ouvrage sont en lien direct et certain avec la résiliation du marché conclu à la suite d'une première procédure de sélection entachée d'irrégularité. La commune soutient par ailleurs sans être sérieusement contestée que la mission et le coût de ce nouvel assistant à maitrise d'ouvrage, évalué à 17 112 euros TTC, ont été globalement les mêmes que ceux de l'appelante, dans le cadre de son propre contrat d'assistant à maitrise d'ouvrage, et produit sur ce point la facture du nouvel assistant à maitrise d'ouvrage, comprenant le sous-détail de son prix. Dans ces conditions, la société Sage Services Energie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal l'a condamnée à indemniser ce chef de préjudice.

26. Il résulte de tout ce qui précède que la société Sage Services Energie est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif d'Amiens n'a pas limité, compte tenu du partage de responsabilité précisé au point 18, à la somme de 10 847,50 euros le montant de l'indemnité à verser à la commune en réparation du préjudice subi par cette dernière. Les conclusions d'appel incident de la commune sont rejetées.

Sur les frais liés au litige :

27. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que soit mis à la charge de la société Sage Services Energie, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que réclame la commune de Soissons sur ce fondement.

28. Il y a lieu, sur le même fondement, de mettre à la charge de la commune de Soissons le paiement à la société Sage Services Energie de la somme de 1 500 euros au titre des frais liés au litige.

DÉCIDE :

Article 1er : Le montant que la société Sage Services Energie est condamnée à verser à la commune de Soissons est ramené à la somme de 10 847,50 euros.

Article 2 : Le jugement du 29 novembre 2016 du tribunal administratif d'Amiens est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : La commune de Soissons versera à la société Sage Services Energie une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la société Sage Services Energie et les conclusions de la commune de Soissons sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Sage Services Energie et à la commune de Soissons.

N°17DA00203 9


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17DA00203
Date de la décision : 25/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Exécution technique du contrat - Conditions d'exécution des engagements contractuels en l'absence d'aléas - Marchés - Mauvaise exécution.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation.


Composition du Tribunal
Président : M. Boulanger
Rapporteur ?: M. Michel Richard
Rapporteur public ?: Mme Fort-Besnard
Avocat(s) : ACA SOCIÉTÉ D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/05/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-04-25;17da00203 ?
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