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04/04/2019 | FRANCE | N°17DA00400

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 04 avril 2019, 17DA00400


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté de communes des Vallées de la Brèche et de la Noye (CCVBN) a demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner solidairement la SAS Vert Marine et la SARL Kalamos à lui verser une somme de 82 073,28 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait des désordres affectant les canalisations du circuit d'eau chaude sanitaire du centre aquatique Philippe Loisel.

Par un jugement n° 1401632 du 27 décembre 2016, le tribunal administratif d'Amiens a condamné la SAS

Vert Marine et la SARL Kalamos solidairement à verser à la communauté de commun...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté de communes des Vallées de la Brèche et de la Noye (CCVBN) a demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner solidairement la SAS Vert Marine et la SARL Kalamos à lui verser une somme de 82 073,28 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait des désordres affectant les canalisations du circuit d'eau chaude sanitaire du centre aquatique Philippe Loisel.

Par un jugement n° 1401632 du 27 décembre 2016, le tribunal administratif d'Amiens a condamné la SAS Vert Marine et la SARL Kalamos solidairement à verser à la communauté de communes des Vallées de la Brèche et de la Noye la somme de 82 073,28 euros toutes taxes comprises, a mis à leur charge solidaire les frais d'expertise, liquidés et taxés aux sommes de 14 921,74 euros et 6 930 euros toutes taxes comprises, ainsi qu'une somme globale de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 février 2017, la SAS Vert Marine et la SARL Kalamos, représentées par Me C...B..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de mettre hors de cause la SAS Vert marine ;

3°) de rejeter les demandes présentées par la communauté de communes des Vallées de la Brèche et de la Noye ou, à titre subsidiaire, de constater que la communauté de communes des Vallées de la Brèche et de la Noye a commis des fautes de nature à les exonérer totalement de leur responsabilité, ou, à titre encore plus subsidiaire, de constater le caractère partiellement injustifié et en tout cas excessif des sommes réclamées ;

4°) de mettre à la charge de la communauté de communes des Vallées de la Brèche et de la Noye la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Hervé Cassara, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La communauté de communes des Vallées de la Brèche et de la Noye a confié à la SAS Vert Marine la gestion en régie intéressée du centre aquatique Philippe Loisel, par un contrat d'une durée de cinq ans, à compter du 17 juillet 2010. Ce contrat a prévu la création d'une société ad hoc, la SARL Kalamos, filiale de la SAS Vert marine, dédiée à l'exploitation du centre aquatique. Rapidement est apparu un phénomène de corrosion par " pitting " sur les canalisations du circuit d'eau chaude sanitaire du centre aquatique. A la demande de la communauté de communes, le président du tribunal administratif d'Amiens a désigné, par une ordonnance du 4 octobre 2012, complétée par des ordonnances des 4 et 10 juillet 2013, un expert, M.A..., lequel a remis son rapport le 28 février 2014. La SAS Vert Marine et la SARL Kalamos relèvent appel du jugement du 27 décembre 2016 par lequel le tribunal administratif d'Amiens les a condamnées solidairement à verser à la communauté de communes des Vallées de la Brèche et de la Noye la somme de 82 073,28 euros toutes taxes comprises.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Les appelantes soutiennent que le jugement attaqué est fondé sur une expertise irrégulière car dépourvue de contradictoire, dès lors que l'expert n'a pas transmis le rapport de son sapiteur, le laboratoire du centre technique des industries mécaniques (CETIM), à l'ensemble des parties. Il résulte toutefois de l'instruction que les opérations de l'expertise, prescrites par l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif d'Amiens du 4 octobre 2012, ont été rendues communes et opposables à la SAS Vert Marine et à la SARL Kalamos par une ordonnance du 10 juillet 2013. S'il résulte par ailleurs du rapport de l'expert qu'elles ne lui ont adressé aucune note et n'ont participé à aucune réunion postérieure à leur mise en cause, alors qu'elles ont été convoquées à ces réunions par lettres recommandées avec accusé réception, l'allégation selon laquelle le rapport du sapiteur n'aurait pas été adressé à l'ensemble des parties, alors que l'expert indique au contraire, dans son rapport, qu'il a transmis le rapport du sapiteur aux parties le 12 décembre 2013, n'est étayée par aucun commencement de preuve. Il suit de là que le moyen manque en fait et doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la demande de mise hors de cause de la SAS Vert marine :

3. Aux termes de l'article 55 du contrat de régie intéressée, intitulé " création d'une société d'exploitation " : " 55.1 Il est demandé au délégataire de procéder à la création d'une société à l'objet exclusif du présent contrat. A ce titre, la SARL Kalamos, enregistrée au RCS de Beauvais sous le numéro 498 712 652 se substituera dans les droits et obligations de la société Vert Marine dès la signature du présent contrat. / 55.2 En cas de défaillance de ladite société, la société mère reste solidaire et responsable de la bonne exécution du contrat jusqu'à son terme ". L'annexe 3 de ce contrat, signée des représentants de la communauté de communes des vallées de la Brèche et de la Noye, de la SAS Vert Marine et de la SARL Kalamos stipule que " Conformément au contrat de régie intéressée, la société Vert Marine et sa filiale à objet exclusif pour la gestion du centre aquatique Philippe Loisel /.../ prennent en charge ledit centre à compter du 17 juillet 2010. / La société Vert Marine et sa filiale à objet exclusif Kalamos s'engagent à utiliser les ouvrages, les équipements, le matériel et le mobilier mis à leur disposition en vertu dudit contrat ". En l'absence de procédure particulière prévue au contrat pour constater la défaillance de la SARL Kalamos, les stipulations précitées de l'article 55.2, qui permettent à la communauté de communes des Vallées de la Brèche et de la Noye de rechercher la responsabilité solidaire des sociétés Vert marine et Kalamos, trouvent à s'appliquer en cas de défaillance de cette dernière dans la mise en oeuvre de ses obligations contractuelles. Par suite, la SAS Vert marine n'est fondée à soutenir ni que c'est à tort que le tribunal administratif d'Amiens l'a condamnée solidairement avec la SARL Kalamos, ni à demander à être mise hors de cause.

En ce qui concerne les fautes de la SAS Vert Marine et de la SARL Kalamos, et le lien de causalité :

4. Aux termes de l'article 1.2 du contrat de régie intéressée : " /.../ le délégataire a pour mission de gérer le fonctionnement du centre aquatique se décomposant comme suit : / a) gestion et exploitation du centre aquatique / La gestion des équipements entraîne notamment les missions suivantes telles qu'elles sont définies dans différents articles du présent contrat : /.../ L'entretien courant, la réparation, et le nettoyage des locaux, matériels, mobiliers et équipements qui lui auront été remis par la CCVBN ou acquis ultérieurement. Il s'agira non limitativement : / Nettoyage et entretien du petit et du gros matériel /.../ Petite maintenance : plomberie, sanitaire et électricité. /.../ ". En outre, en application de l'article 3.12.1 de l'annexe 4 du contrat, le délégataire a la charge de la maintenance courante des systèmes de traitement d'eau, qui comprend notamment le contrôle de la qualité de l'eau s'agissant du titre hydrométrique (TH) et du taux alcalimétrique complet (TAC).

5. Il résulte de l'instruction que l'expert a constaté l'existence de fuites importantes et de dépôts affectant les tuyauteries en cuivre du réseau d'eau chaude sanitaire situées dans la chaufferie du centre aquatique. Les analyses menées au cours de l'expertise ont montré que l'eau avait un équilibre calco-carbonique de type " incrustant " à la sortie de l'adoucisseur, avant d'entrer dans le réseau de canalisations d'eau chaude sanitaire, mais qu'elle était " douce " à la sortie de ce réseau, ce qui signifie que cette eau précipitait du carbonate de calcium dans les canalisations. L'expert a, en outre, constaté que la vitesse de pompage de l'eau était réglée au maximum et que la mise en circulation à grande vitesse des particules des dépôts a ainsi érodé les canalisations, en particulier là où le circuit présente des coudes. Ainsi, l'expert a conclu que les causes du désordre sont la circulation d'une eau " incrustante " à une vitesse trop élevée dans les canalisations, ayant entraîné un phénomène de " corrosion-érosion " dans ces canalisations, ainsi que l'a également relevé le sapiteur. Or, il est constant que la SARL Kalamos, d'une part, n'a pas procédé au contrôle de la qualité de l'eau s'agissant du taux alcalimétrique complet, l'un des facteurs de l'équilibre calco-carbonique, ce qui, selon l'expert, aurait permis de corriger ce dernier, et a, d'autre part, appliqué la vitesse maximale de pompage alors que cette vitesse, bien que techniquement prévue par le fabriquant de la machine, était manifestement inadaptée à l'exploitation de l'installation en l'espèce. Dès lors, la SARL Kalamos a manqué à ses obligations contractuelles à l'égard de la communauté de communes des Vallées de la Brèche et de la Noye. Ces fautes sont de nature à engager solidairement la responsabilité contractuelle de la SAS Vert Marine et de la SARL Kalamos et sont directement à l'origine des préjudices subis par la communauté de communes des Vallées de la Brèche et de la Noye.

En ce qui concerne la faute de la communauté de communes des Vallées de la Brèche et de la Noye :

6. Les appelantes soutiennent que la communauté de communes a commis plusieurs fautes, de nature à les exonérer totalement de leur responsabilité. Tout d'abord, elles font valoir que, pourtant avertie, dès le 20 juillet 2012, par le fournisseur des pompes, la société Monsegu, de la vitesse trop importante de la circulation de l'eau et de la nécessité de diminuer celle-ci, la communauté de communes ne leur a pas transmis ces informations. En outre, elles soutiennent que l'inadaptation de la vitesse la plus élevée révèle un défaut de conception de l'installation rendant l'ouvrage impropre à sa destination. Enfin, elles font valoir que, compte tenu des dépôts d'oxyde de cuivre constatés dans les tuyaux, le choix du matériau du réseau d'eau chaude sanitaire était manifestement inadapté et que, d'ailleurs, les désordres se sont réglés par le changement de la tuyauterie en cuivre par une tuyauterie en PVC. Elles en déduisent que les désordres résultent de choix de conception du système ainsi que d'une vitesse d'écoulement des fluides inadaptée aux caractéristiques du circuit dans le cadre d'un fonctionnement ordinaire, point sur lequel le maître de l'ouvrage n'a jamais attiré leur attention. Toutefois, il résulte de l'instruction, en particulier du rapport de l'expert et de celui de son sapiteur, dont les conclusions sont rapportées au point 5, que les causes du désordre sont la circulation d'une eau " incrustante " à une vitesse trop élevée dans les canalisations, y ayant entraîné un phénomène de " corrosion-érosion ", ces causes résultant exclusivement, d'une part, d'un défaut d'entretien de l'ouvrage, faute pour l'exploitant d'avoir mesuré le TAC, et d'autre part, d'un défaut d'exploitation de cet ouvrage, en raison du choix d'une vitesse excessive de l'eau dans les canalisations. Ainsi, il ne résulte pas de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise, qu'un défaut de conception de l'ouvrage soit à l'origine des désordres. En outre, le courriel du 20 juillet 2012 de la société Monsegu au technicien de la communauté de communes n'est pas de nature, à lui seul, à démontrer que le maître de l'ouvrage connaissait les causes exactes des désordres et n'en aurait pas averti l'exploitant, alors que ces causes n'ont pu être déterminées qu'au vu des conclusions du rapport d'expertise du 28 février 2014. Par suite, il ne résulte pas de l'instruction que la communauté de communes des Vallées de la Brèche et de la Noye ait commis une faute de nature à exonérer la SAS Vert Marine et la SARL Kalamos de leur responsabilité.

En ce qui concerne l'évaluation du préjudice :

7. Il résulte de l'instruction et, en particulier du rapport d'expertise, que la communauté de communes des Vallées de la Brèche et de la Noye a dû procéder à des réfections provisoires des canalisations entre le 28 juin 2013 et le 29 janvier 2014, pour un coût de 4 490,94 euros toutes taxes comprises, et à la réparation des appareils électriques et de la peinture du sol endommagés par les fuites provenant des canalisations, pour un coût estimé à 3 243,36 euros toutes taxes comprises. Par ailleurs, l'expert a estimé que la réparation complète des canalisations du circuit d'eau chaude sanitaire était nécessaire pour remédier aux désordres, qui concernent principalement, mais pas exclusivement, les coudes des canalisations, contrairement à ce qu'allèguent à nouveau en cause d'appel la SAS Vert Marine et la SARL Kalamos sans d'ailleurs établir que la réparation des seuls coudes serait possible et moins coûteuse. Le coût de cette réparation a été évalué, par l'expert, à la somme de 74 338,98 euros toutes taxes comprises, ce montant n'étant pas plus utilement contesté en cause d'appel qu'en première instance par la SAS Vert Marine et la SARL Kalamos.

8. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'ordonner à la communauté de communes de produire le rapport d'une autre expertise et le dossier des ouvrages exécutés " plomberie ", la SAS Vert Marine et la SARL Kalamos ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens les a condamnées solidairement à verser à la communauté de communes des Vallées de la Brèche et de la Noye la somme de 82 073,28 euros toutes taxes comprises et a mis à leur charge solidaire les frais d'expertise.

Sur les conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la communauté de communes de l'Oise Picardes venant aux droits de la communauté de communes des Vallées de la Brèche et de la Noye, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que réclament la SAS Vert Marine et la SARL Kalamos au titre des frais non compris dans les dépens qu'elles ont exposés. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SAS Vert Marine et la SARL Kalamos une somme de 1 500 euros à verser à la communauté de communes de l'Oise Picardes venant aux droits de la communauté de communes des Vallées de la Brèche et de la Noye au titre des mêmes dispositions. Enfin, la présente instance n'ayant entraîné aucuns dépens, les conclusions de la communauté de communes de l'Oise Picardes venant aux droits de la communauté de communes des Vallées de la Brèche et de la Noye à ce titre ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Vert Marine et de la SARL Kalamos est rejetée.

Article 2 : La SAS Vert Marine et la SARL Kalamos verseront à la communauté de communes de l'Oise Picardes venant aux droits de la communauté de communes des Vallées de la Brèche et de la Noye une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la communauté de communes de l'Oise Picardes venant aux droits de la communauté de communes des Vallées de la Brèche et de la Noye est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Vert Marine, à la SARL Kalamos, et à la communauté de communes de l'Oise Picardes venant aux droits de la communauté de communes des Vallées de la Brèche et de la Noye.

Copie en sera transmise pour information au préfet de l'Oise.

N°17DA00400 6


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17DA00400
Date de la décision : 04/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-03-01 Marchés et contrats administratifs. Exécution technique du contrat. Conditions d'exécution des engagements contractuels en l'absence d'aléas.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Hervé Cassara
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SELARL PHELIP et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-04-04;17da00400 ?
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