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28/03/2019 | FRANCE | N°17DA00601

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre - formation à 3 (bis), 28 mars 2019, 17DA00601


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société MET Les Grands Bois a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 13 mars 2014 uniquement en tant que, par l'alinéa 1er de son article 2, le préfet de la région Picardie a refusé de lui délivrer un permis de construire les aérogénérateurs E1 et E4 sur le territoire de la commune de Saint-Pierremont (Aisne).

Par un jugement n° 1403072 du 24 janvier 2017, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la c

our :

Par une requête, enregistrée le 31 mars 2017, et un mémoire, enregistré le 13 févri...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société MET Les Grands Bois a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 13 mars 2014 uniquement en tant que, par l'alinéa 1er de son article 2, le préfet de la région Picardie a refusé de lui délivrer un permis de construire les aérogénérateurs E1 et E4 sur le territoire de la commune de Saint-Pierremont (Aisne).

Par un jugement n° 1403072 du 24 janvier 2017, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 31 mars 2017, et un mémoire, enregistré le 13 février 2019, la société MET Les Grands Bois, représentée par la SELARL Enckell avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir et dans la même mesure, cet arrêté ainsi que la décision du 16 juin 2014 rejetant le recours gracieux formé à son encontre ;

3°) d'enjoindre au préfet de procéder à une nouvelle instruction de la demande en ce qui concerne ces aérogénérateurs E1 et E4, dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jimmy Robbe, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Amélie Fort-Besnard, rapporteur public,

- et les observations de Me A...B..., représentant la société MET Les Grands Bois.

Considérant ce qui suit :

1. La société MET Les Grands Bois a sollicité un permis de construire six éoliennes et un poste de livraison, sur le territoire de la commune de Saint-Pierremont (Aisne). Du silence gardé par le préfet de la région Picardie sur cette demande est née, le 31 mai 2013, une décision implicite de refus. Par un arrêté du 16 janvier 2014, cette même autorité a maintenu le rejet de la demande de la société pour les aérogénérateurs E1 et E4 et accordé le permis de construire le poste de livraison et les aérogénérateurs E2, E3, E5 et E6. Par un arrêté du 13 mars 2014, le préfet a, d'une part, retiré cet arrêté du 16 janvier 2014, affecté d'une erreur matérielle (article 1er), d'autre part, maintenu le rejet de la demande en ce qui concerne les aérogénérateurs E1 et E4 (alinéa 1er de l'article 2) et, enfin, accordé le permis de construire le poste de livraison et les aérogénérateurs E2, E3, E5, et E6 (alinéa 2 de l'article 2). La société MET Les Grands Bois relève appel du jugement du 24 janvier 2017 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'alinéa 1er de l'article 2 de cet arrêté.

Sur la légalité du refus de permis de construire :

2. Aux termes de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté en litige : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ".

3. Il résulte de ces dispositions que, si les constructions projetées portent atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales. Pour rechercher l'existence d'une atteinte de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site. Les dispositions de cet article excluent qu'il soit procédé dans le second temps du raisonnement, pour apprécier la légalité des permis de construire délivrés, à une balance d'intérêts divers en présence, autres que ceux visés à l'article R. 111-21 cité ci-dessus.

4. D'une part, il ressort des pièces du dossier que la vallée de la Serre fait partie des paysages emblématiques de la Picardie, mais ne fait l'objet d'aucune protection particulière en raison de son aspect pittoresque. L'église Notre-Dame de Tavaux-et-Pontséricourt, située à 3,1 km du site d'implantation du projet, est inscrite au titre des monuments historiques. Quant au site offert par le village de La Neuville-Bosmont, sans être dépourvu de qualité, il ne présente pas un intérêt particulier.

5. D'autre part, l'impact des aérogénérateurs E1 et E4 sur la vallée de la Serre serait limité. En effet, la synthèse de l'avis émis par l'autorité environnementale le 23 mai 2013, dans le cadre de l'instruction de la demande d'autorisation au titre de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement, indique que " le projet offre un recul suffisant par rapport à la vallée de la Serre (l'éolienne la plus proche est à 1,6 km), même si son impact visuel vient s'ajouter à celui du parc d'Autremencourt (onze éoliennes) ". Si cet avis précise que " l'impact sur la vallée de la Serre sera notable ", il ajoute immédiatement que " Toutefois, l'étude précise qu'il n'y aura aucune saturation du champ visuel alors que le parc présente une covisibilité importante avec le parc construit d'Autremencourt ". Dans son rapport, le commissaire enquêteur indique que " l'impact du projet éolien sur la vallée de la Serre est faible et ponctuel, car il se limite principalement au secteur de la vallée situé au niveau du projet éolien. Il est également partiel, en termes de nombre d'éoliennes visibles, mais aussi du fait que seules les pales des éoliennes projetées sont le plus souvent perceptibles ". Ce rapport relève également que l'impact sur la vallée de la Serre résultant du projet de la société MET Les Grands bois est faible au regard de l'ensemble des éoliennes déjà édifiées. Il ressort des pièces du dossier que le projet de parc éolien est situé sur le territoire d'une commune faisant partie de la liste des communes annexées au schéma régional éolien et s'inscrit, ainsi que le relève le commissaire enquêteur dans son rapport, " sur des parcelles d'agriculture intensive ". En outre, dans son avis émis le 6 juin 2013, la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement de Picardie a estimé que " les effets prévisibles seront peu importants et les éventuels effets de surplomb seront limités ". Si, à la suite d'une visite sur place organisée dans le cadre de l'instruction de la demande d'autorisation au titre de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement, deux inspecteurs de l'environnement, accompagnés de deux paysagistes, ont indiqué avoir constaté un effet de " surplomb important sur la vallée ", celui-ci ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment pas des photomontages annexés à l'étude d'impact, dont il n'est pas allégué qu'elle serait entachée d'inexactitudes, d'omissions ou d'insuffisances. Quant à la covisibilité des éoliennes E1 et E4 avec l'église Notre-Dame de Tavaux-et-Pontséricourt, elle est, ainsi que le relève dans son rapport le commissaire enquêteur, " limitée dans l'espace, du fait de l'implantation de l'église au sein du village ainsi que l'encaissement de celui-ci au fond de la vallée très végétalisée de la Serre ". Il résulte de ce même rapport, ainsi que des photomontages annexés à l'étude d'impact, que seuls les pales et une petite section du mât seraient en covisibilité avec cette église. Au demeurant, dans son avis émis le 6 juin 2013, la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement de Picardie a estimé que " la covisibilité avec l'église de Tavaux-et-Pontséricourt n'est pas établie (coupure végétale entre l'église et le parc) ". Par ailleurs, dans ce même avis, la même direction régionale estime que " l'effet d'encerclement des communes de La Neuville-Bosmont et Saint-Pierremont n'est pas établi (les éoliennes ne sont pas présentes tout autour des villages) ". Enfin, dans son rapport, le commissaire enquêteur indique que " cet effet d'encerclement est induit par le parc construit du moulin d'Autremencourt, ainsi que les parcs en instruction (...). Le parc de Saint-Pierremont participe à cet effet d'encerclement en élargissant l'angle d'occupation du champ de vision par les éoliennes, mais ne l'engendre pas. (...) son impact supplémentaire reste faible ".

6. Dès lors, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, en se fondant sur l'impact de cette partie du projet sur la vallée de la Serre, sur la covisibilité avec l'église Notre-Dame de Tavaux-et-Pontséricourt et sur l'effet d'encerclement du village de La Neuville-Bosmont pour rejeter la demande d'autorisation d'exploitation en tant qu'elle portait sur les aérogénérateurs E1 et E4, le préfet de la région Picardie a commis un erreur d'appréciation au regard des dispositions citées au point 2.

7. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun des autres moyens invoqués par la requérante n'est, en l'état du dossier soumis à la cour, susceptible d'entraîner l'annulation de l'arrêté attaqué.

8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens d'irrégularité du jugement soulevés par la société MET Les Grands Bois, que cette dernière société est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

9. Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé ".

10. Le présent arrêt implique nécessairement que le préfet de la région Hauts-de-France réexamine la demande de permis de construire déposée par la société MET Les Grands Bois en ce qui concerne les éoliennes E1 et E4. Il y a lieu, par suite, de lui enjoindre d'y procéder, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais du procès :

11. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y pas lieu à cette condamnation ".

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société MET Les Grands Bois de la somme de 1 500 euros au titre des frais du procès.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 24 janvier 2017 est annulé.

Article 2 : L'alinéa 1er de l'article 2 de l'arrêté du 13 mars 2014 est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la région Hauts-de-France de réexaminer la demande de permis de construire les éoliennes E1 et E4 dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à la société MET Les Grands Bois une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société MET Les Grands Bois, à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et au préfet de la région Hauts-de-France.

N°17DA00601 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 17DA00601
Date de la décision : 28/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Energie.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Légalité interne du permis de construire - Légalité au regard de la réglementation nationale - Diverses dispositions législatives ou réglementaires.


Composition du Tribunal
Président : M. Boulanger
Rapporteur ?: M. Jimmy Robbe
Rapporteur public ?: Mme Fort-Besnard
Avocat(s) : SELARL ENCKELL AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-03-28;17da00601 ?
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