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25/03/2019 | FRANCE | N°18DA00475

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4e chambre - formation à 3, 25 mars 2019, 18DA00475


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Nord Provence Finances a demandé au tribunal administratif de Lille la décharge des cotisations de taxe sur les salaires auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008 à 2010 ainsi que les pénalités afférentes.

Par un jugement n° 1203582 du 5 février 2015, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 15DA00594 du 28 février 2017, la cour administrative d'appel de Douai a, par un article 1er, annulé ce jug

ement, par un article 2, déchargé la société des cotisations à la taxe sur les salaires auxqu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Nord Provence Finances a demandé au tribunal administratif de Lille la décharge des cotisations de taxe sur les salaires auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008 à 2010 ainsi que les pénalités afférentes.

Par un jugement n° 1203582 du 5 février 2015, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 15DA00594 du 28 février 2017, la cour administrative d'appel de Douai a, par un article 1er, annulé ce jugement, par un article 2, déchargé la société des cotisations à la taxe sur les salaires auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008 à 2010, par un article 3, mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, par un article 4, rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Par une décision n° 410302 du 14 février 2018, le Conseil d'Etat, saisi par le ministre de l'économie et des finances, a annulé les articles 1er et 2 de cet arrêt et renvoyé l'affaire à la cour dans la mesure de la cassation prononcée.

Procédure devant la cour :

Par une requête, initialement enregistrée le 13 avril 2015 et un mémoire, enregistré après renvoi, le 15 mai 2018, la société par actions simplifiée Nord Provence Finances (NPF), représentée par la société d'avocats De Gaulle, Fleurance et associés, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille n° 1203582 en date du 5 février 2015 ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations de taxe sur les salaires auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008 à 2010 ainsi que les pénalités afférentes ;

3°) de prononcer la restitution des sommes indûment perçues par le trésor public, assorties des intérêts moratoires ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Xavier Fabre, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

Sur la recevabilité de la requête d'appel :

1. Aux termes de l'article R. 190-1 du livre des procédures fiscales : " Le contribuable qui désire contester tout ou partie d'un impôt qui le concerne doit d'abord adresser une réclamation au service territorial (...) de l'administration des impôts (...) dont dépend le lieu de l'imposition ". Par ailleurs, aux termes de l'article R. 200-2 du même livre : " (...) / Le demandeur ne peut contester devant le tribunal administratif des impositions différentes de celles qu'il a visées dans sa réclamation à l'administration. / (...) ".

2. Il résulte de ces dispositions que le demandeur, qui ne peut contester devant le tribunal administratif des impôts autres que ceux qu'il a contestés dans sa réclamation préalable, ne peut solliciter une décharge ou une réduction d'impôt d'un montant supérieur à celui qui a été sollicité par cette réclamation.

3. Il résulte de l'instruction que les cotisations de taxe sur les salaires auxquelles la société appelante a été assujettie résultent de la prise en compte des rémunérations, d'une part, de M. Lempereur, président de la société et, d'autre part, de Mme B...Lempereur, responsable commerciale et financière de la société. Cependant, d'une part, la demande de la société figurant dans sa réclamation contentieuse du 23 février 2012 n'a pas porté sur la taxe sur les salaires afférente à la rémunération de M. Lempereur. Par ailleurs, par cette même réclamation contentieuse, la société s'est bornée à demander à l'administration fiscale que la rémunération de Mme Lempereur ne soit retenue dans la base de taxe sur les salaires à compter de 2008 qu'à concurrence d'un maximum de 15 %. Les conclusions de la requête ne sont, par suite, recevables que dans cette seule mesure. Il y a donc lieu d'accueillir la fin de non-recevoir partielle opposée à cet égard par le ministre de l'action et des comptes publics.

Sur le surplus des conclusions de la requête :

4. Aux termes de l'article 231 du code général des impôts : " 1. Les sommes payées à titre de rémunérations sont soumises à une taxe sur les salaires égale à 4,25 % de leur montant, évalué selon les règles prévues aux chapitres Ier et II du titre IV du livre II du code de la sécurité sociale ou pour les employeurs de salariés visés aux articles L. 722-20 et L. 751-1 du code rural, au titre IV du livre VII dudit code, et à la charge des personnes ou organismes, (...) qui paient ces rémunérations lorsqu'ils ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ou ne l'ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d'affaires au titre de l'année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations. L'assiette de la taxe due par ces personnes ou organismes est constituée par une partie des rémunérations versées, déterminée en appliquant à l'ensemble de ces rémunérations le rapport existant, au titre de cette même année, entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total. Le chiffre d'affaires qui n'a pas été assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée en totalité ou sur 90 p. 100 au moins de son montant, ainsi que le chiffre d'affaires total mentionné au dénominateur du rapport s'entendent du total des recettes et autres produits, y compris ceux correspondant à des opérations qui n'entrent pas dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée. Le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée mentionné au numérateur du rapport s'entend du total des recettes et autres produits qui n'ont pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée. / (...) ".

5. Dès lors que les conclusions de la société Nord Provence Finances ne sont pas recevables en tant qu'elles concernent l'assujettissement de la rémunération de M. Lempereur, président de la société appelante, le moyen tiré de ce que sa rémunération ne pourrait pas, par application des dispositions de l'article 231 du code général des impôts, être assujettie à la taxe sur les salaires quand bien même il relèverait du régime général de la sécurité sociale en application du 23° de l'article L. 311-3 du code de la sécurité sociale ne peut qu'être écarté comme inopérant.

6. Aux termes du 1 de l'article 231 du code général des impôts, les employeurs doivent payer une taxe sur les salaires lorsqu'ils ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ou ne l'ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d'affaires au titre de l'année civile précédant celle du paiement de ces rémunérations. L'assiette de la taxe due par ces personnes ou organismes est constituée par une partie des rémunérations versées, déterminée en appliquant à l'ensemble de ces rémunérations le rapport existant, au titre de cette même année, entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total.

7. Lorsque les activités d'une entreprise sont, pour l'exercice de ses droits à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, réparties en plusieurs secteurs distincts au sens de l'article 213 de l'annexe II au code général des impôts alors en vigueur, la taxe sur les salaires doit être déterminée par secteur, en appliquant aux rémunérations des salariés affectés spécifiquement à chaque secteur le rapport d'assujettissement propre à ce secteur. Toutefois, la taxe sur les salaires des personnels concurremment affectés à plusieurs secteurs doit être établie en appliquant à leurs rémunérations le rapport existant pour l'entreprise dans son ensemble entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total.

8. La société Nord Provence Finances est une société holding, qui détient 100 % des parts de sa filiale ETC et a détenu le capital d'ETC Provence jusqu'en mai 2010, à concurrence de 6, 23 % de manière directe et à concurrence du solde de manière indirecte, par l'intermédiaire d'ETC. La société appelante est composée de trois personnes, à savoir M. Lempereur, dirigeant, Mme B...Lempereur, responsable commerciale et financière et Mme A...Lempereur, responsable des ressources humaines. Il résulte de l'instruction que, d'une part, la société NPF réalise des prestations, soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, pour sa filiale ETC tant pour la gestion des contrats commerciaux contractés par cette filiale que pour la gestion de ses ressources humaines et, d'autre part, elle gère les titres de cette filiale dont elle perçoit des dividendes.

9. Il ressort du contrat de travail qu'elle a conclu avec la société Nord Provence Finances que Mme Lempereur exerce les fonctions de responsable financière et juridique de la société, ces fonctions figurant en outre, tant sur sa carte de visite que sur la note datée du 18 juillet 2011 présentée par la société au vérificateur. Même si l'essentiel de son activité a trait aux prestations de services réalisées par la société Holding en direction de sa filiale ETC, Mme B...Lempereur, en sa qualité de responsable financière, a également en charge la partie strictement financière de la société holding, quand bien même cette partie serait réduite à la perception des dividendes et à la gestion des titres détenus dans les filiales. La société n'apporte pour sa part aucun élément de nature à établir que, malgré les fonctions dont elle a contractuellement la charge, Mme Lempereur n'aurait exercé aucune activité dans les opérations propres au secteur financier ou dans la gestion des prises de participations et que ces activités auraient uniquement relevé du dirigeant de la société, M. Lempereur. C'est dès lors à bon droit que l'administration fiscale a pris en compte, dans l'assiette de la taxe sur les salaires, les rémunérations versées à Mme B...Lempereur en sa qualité de responsable financière et juridique de la holding, au titre de la période litigieuse.

10. Il résulte des dispositions de l'article 231 du code général des impôts citées au point 4, dont la rédaction est issue du I de l'article 18 de la loi du 30 décembre 1993 de finances rectificative pour 1993, lesquelles ont eu pour objet de dissocier le rapport d'assujettissement à la taxe sur les salaires du rapport, dit " prorata " de taxe sur la valeur ajoutée, alors prévu à l'article 212 de l'annexe II au code général des impôts, que l'assiette de la taxe sur les salaires due par les assujettis partiels à la taxe sur la valeur ajoutée s'obtient en appliquant au montant total des rémunérations, le rapport existant entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total. Ce rapport est déterminé en faisant figurer, au numérateur, le chiffre d'affaires qui n'a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, constitué des recettes correspondant à des opérations exonérées ou situées hors du champ d'application de cette taxe, et, au dénominateur, la totalité des recettes, c'est-à-dire celles correspondant à des opérations imposables ou exonérées ou situées hors du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée.

11. Si la Cour de justice de l'Union européenne a jugé, dans son arrêt du 16 juillet 2015 Larentia + Minerva (C-108/14), que la taxe sur la valeur ajoutée grevant des biens et services dont les coûts font partie des frais généraux d'une société holding qui, s'immisçant dans la gestion de ses filiales, exerce, à ce titre, une activité économique doit, en principe, être déduite intégralement, il ressort d'une jurisprudence constante de cette même Cour que n'étant pas la contrepartie d'une activité économique, la perception de dividendes n'entre pas, elle-même, dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée, même dans l'hypothèse où la société holding qui perçoit les dividendes s'immisce dans la gestion de ses filiales en leur fournissant des prestations de services soumises à cette taxe. Il suit de là que les dividendes doivent, pour l'application des dispositions de l'article 231 précité du code général des impôts, être compris au numérateur du rapport prévu à cet article.

12. En l'espèce, et peu important, d'une part, que la société requérante n'ait pas constitué des secteurs d'activité distincts pour la taxe sur la valeur ajoutée et, d'autre part, que le temps d'activité de Mme B...Lempereur dévolu à la gestion des titres soit minime, il résulte du seul fait que, ainsi qu'il a été dit au point 9 ci-dessus, cette dernière est effectivement affectée à plusieurs secteurs d'activité, dont celui lié à la gestion des titres de participation, que sa rémunération doit être assujettie à la taxe sur les salaires à concurrence du rapport existant pour l'entreprise dans son ensemble, entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe et le chiffre d'affaires total. Si, par ailleurs, la société appelante soutient que le numérateur du ratio d'assujettissement à la taxe sur les salaires doit comprendre également, parmi les recettes ouvrant droit à déduction, des " produits financiers très accessoires ", cette allégation n'est, en tout état de cause, pas assortie des précisions nécessaires à l'examen de son bien-fondé.

13. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la société Nord Provence Finances n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, en tout état de cause, les conclusions présentées par la société tendant à ce que le trésor public lui restitue les sommes indûment perçues, assorties des intérêts moratoires, doivent être écartées. Enfin, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante à l'instance.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Nord Provence Finances est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Nord Provence Finances et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera transmise pour information à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction de contrôle fiscal Nord.

N° 18DA00475 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18DA00475
Date de la décision : 25/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-05-01 Contributions et taxes. Impôts assis sur les salaires ou les honoraires versés. Versement forfaitaire de 5 p. 100 sur les salaires et taxe sur les salaires.


Composition du Tribunal
Président : Mme Grand d'Esnon
Rapporteur ?: M. Xavier Fabre
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : BAUCHET

Origine de la décision
Date de l'import : 14/05/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-03-25;18da00475 ?
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