La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/02/2017 | FRANCE | N°15DA00594

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre - formation à 3, 28 février 2017, 15DA00594


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Nord Provence Finances a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des cotisations à la taxe sur les salaires auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008 à 2010.

Par un jugement n°1203582 du 5 février 2015, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 avril 2015, la société Nord Provence Finances, représentée par Me B...C..., demande à la cour :
>1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du 5 février 2015 ;

2°) de prononcer la dé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Nord Provence Finances a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des cotisations à la taxe sur les salaires auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008 à 2010.

Par un jugement n°1203582 du 5 février 2015, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 avril 2015, la société Nord Provence Finances, représentée par Me B...C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du 5 février 2015 ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations à la taxe sur les salaires auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008 à 2010, assortie du versement d'intérêts moratoires ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le président associé unique d'une SAS ne peut être assimilé à un salarié lié par un contrat de travail et, par suite, sa rémunération ne doit pas entrer dans l'assiette de la taxe sur les salaires ;

- elle n'a pas de secteur financier dès lors qu'elle se borne à percevoir des dividendes de la part de sa filiale ;

- par suite, en l'absence de secteur financier, la responsable juridique et financière de la société ne peut voir sa rémunération comprise dans l'assiette de la taxe sur les salaires ;

- dès lors qu'elle déduit l'intégralité de la taxe sur la valeur ajoutée sur ses dépenses, le coefficient d'assujettissement à la taxe sur les salaires est nul.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 septembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- l'affiliation des mandataires sociaux, assimilés à des salariés, au régime général de la sécurité sociale confère aux rétributions qu'ils perçoivent la nature de rémunérations incluses dans l'assiette de la taxe sur les salaires ;

- la société a un secteur financier et la responsable juridique et financière intervenant dans ce secteur, sa rémunération entre dans l'assiette de la taxe sur les salaires ;

- le coefficient de déduction de la taxe sur la valeur ajoutée et le coefficient d'assujettissement à la taxe sur les salaires sont indépendants ;

- il ressort de l'article 231-1 du code général des impôts que les dividendes perçus par la société de sa filiale doivent figurer au numérateur et au dénominateur du coefficient d'assujettissement à la taxe sur les salaires qui n'est pas nul.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rodolphe Féral, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Marc Guyau, rapporteur public.

1. Considérant que la SAS Nord Provence Finances (NPF) est une société holding qui exerce une activité de prestations de services à son unique filiale Euro Techni Contrôle et qu'elle perçoit par ailleurs des dividendes de cette dernière ; qu'à la suite d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010, l'administration fiscale a estimé que la société devait être soumise à la taxe sur les salaires au titre des années 2008 à 2010 dès lors qu'elle n'avait pas été assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée sur au moins 90 % de son chiffre d'affaires pour les années précédant les années d'impositions ; que la SAS Nord Provence Finances relève appel du jugement du tribunal administratif de Lille du 5 février 2015 qui a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations à la taxe sur les salaires auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008 à 2010 ;

Sur le bien fondé des cotisations à la taxe sur les salaires :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 231 du code général des impôts : " 1. Les sommes payées à titre de rémunérations sont soumises à une taxe sur les salaires égale à 4,25 % de leur montant, évalué selon les règles prévues aux chapitres Ier et II du titre IV du livre II du code de la sécurité sociale (...), qui paient ces rémunérations lorsqu'ils ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ou ne l'ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d'affaires au titre de l'année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations. L'assiette de la taxe due par ces personnes ou organismes est constituée par une partie des rémunérations versées, déterminée en appliquant à l'ensemble de ces rémunérations le rapport existant, au titre de cette même année, entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total. Le chiffre d'affaires qui n'a pas été assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée en totalité ou sur 90 % au moins de son montant, ainsi que le chiffre d'affaires total mentionné au dénominateur du rapport s'entendent du total des recettes et autres produits, y compris ceux correspondant à des opérations qui n'entrent pas dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée. Le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée mentionné au numérateur du rapport s'entend du total des recettes et autres produits qui n'ont pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée " ;

3. Considérant qu'il résulte de l'article 17 de la sixième directive du Conseil du 17 mai 1977 que si la simple acquisition et la simple détention de parts sociales ne doivent pas être regardées comme des activités économiques au sens de la directive, conférant à leur auteur la qualité d'assujetti, il en va différemment lorsque la participation est accompagnée d'une immixtion directe ou indirecte dans la gestion des sociétés dans lesquelles des participations sont détenues ; que, dans ce cas, la taxe sur la valeur ajoutée est déductible, d'une part, lorsque les opérations effectuées en amont présentent un lien direct et immédiat avec des opérations en aval ouvrant droit à déduction, d'autre part, même en l'absence de lien direct et immédiat entre une opération particulière en amont et une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction, lorsque les coûts en cause font partie des frais généraux de l'assujetti et sont, en tant que tels, des éléments constitutifs du prix des biens ou des services qu'il fournit ; que, par un arrêt Beteiligungsgesellschaft Larentia + Minerva mbH et Co. KG du 16 juillet 2015, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que, dans ces conditions, les frais liés à la détention de participations dans ses filiales supportés par une société holding qui participe à leur gestion et qui, à ce titre, exerce une activité économique, doivent être regardés comme affectés à l'activité économique de cette société et que la taxe sur la valeur ajoutée acquittée sur ces frais ouvre droit à déduction intégrale ; qu'elle a précisé que ce n'est que dans l'hypothèse où ces frais ont été affectés pour partie à d'autres filiales à la gestion desquelles cette société holding ne participait pas, que la taxe sur la valeur ajoutée acquittée sur ceux-ci ne pourrait être déduite que partiellement, selon une clef de répartition reflétant objectivement la part d'affectation réelle des dépenses en amont à chacune des deux activités, économique et non économique, de la société holding ; qu'il s'en déduit que la taxe grevant les frais généraux des holdings qui s'immiscent dans la gestion de leurs filiales est entièrement déductible ;

4. Considérant qu'il est constant que la société NPF est une holding mixte animatrice qui perçoit des dividendes de sa filiale et facture à cette dernière des prestations d'assistance et s'immisce dans la gestion de cette dernière ; que l'administration fiscale, dans la réponse aux observations du contribuable, indique d'ailleurs que la société NPF s'ingère dans la gestion de sa filiale et participe " réellement à sa direction " ; que, par suite, la société NPF s'immisçant dans la gestion de sa filiale, la taxe sur la valeur ajoutée grevant ses frais généraux est entièrement déductible et les dividendes servis par sa filiale doivent donc être regardés comme la contrepartie d'une activité économique, entrant dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'en conséquence, de tels dividendes ne doivent pas figurer au numérateur du rapport servant à déterminer la base d'assujettissement à la taxe sur les salaires qui s'entend des seuls produits et recettes qui n'ont pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'il résulte de l'instruction que la société a été assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée sur plus de 90 % de son chiffre d'affaires et n'est, par suite, pas redevable de la taxe sur les salaires ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que la société Nord Provence Finances est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ; qu'en l'absence de litige né et actuel, ses conclusions tendant au versement d'intérêts moratoires sont prématurées et ne peuvent en conséquence qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Nord Provence Finances et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 5 février 2015 est annulé.

Article 2 : La société Nord Provence Finances est déchargée des cotisations à la taxe sur les salaires auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008 à 2010.

Article 3 : L'Etat versera à la société Nord Provence Finances une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Nord Provence Finances et au ministre de l'économie et des finances.

Copie sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 7 février 2017 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme D...A..., première conseillère,

- M. Rodolphe Féral, premier conseiller.

Lu en audience publique le 28 février 2017.

Le rapporteur,

Signé : R. FERALLe président-assesseur,

Signé : M. E...

Le greffier,

Signé : M.T. LEVEQUE

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier

Marie-Thérèse Lévèque

5

N°15DA00594


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15DA00594
Date de la décision : 28/02/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-05-01 Contributions et taxes. Impôts assis sur les salaires ou les honoraires versés. Versement forfaitaire de 5 p. 100 sur les salaires et taxe sur les salaires.


Composition du Tribunal
Président : M. Lavail Dellaporta
Rapporteur ?: M. Rodolphe Féral
Rapporteur public ?: M. Guyau
Avocat(s) : BAUCHET

Origine de la décision
Date de l'import : 14/03/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2017-02-28;15da00594 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award