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12/03/2019 | FRANCE | N°18DA02192

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4e chambre - formation à 3, 12 mars 2019, 18DA02192


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 7 mai 2018 par lequel le préfet du Nord lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a abrogé son récépissé de demande de titre de séjour et a fixé le pays à destination duquel elle sera éloignée en cas d'exécution d'office de l'obligation de quitter le territoire français.

Par un jugement n° 1805118 du 17

octobre 2018 le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 7 mai 2018 par lequel le préfet du Nord lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a abrogé son récépissé de demande de titre de séjour et a fixé le pays à destination duquel elle sera éloignée en cas d'exécution d'office de l'obligation de quitter le territoire français.

Par un jugement n° 1805118 du 17 octobre 2018 le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 1er novembre 2018, Mme B...A..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 7 mai 2018 du préfet du Nord en tant qu'il refuse le titre de séjour sollicité, fait obligation de quitter le territoire français à la requérante et abroge son récépissé de demande de titre de séjour ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié temporaire " sur le fondement de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et de l'article 3 de l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006 dans un délai de sept jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et, dans l'attente, de la munir d'une autorisation de séjour dans un délai de 48 heures à compter de la notification de ce jugement ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord relatif à la gestion concertée des flux migratoires entre la France et le Sénégal signé le 23 septembre 2006 et son avenant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Xavier Fabre, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. MmeB... A..., ressortissante sénégalaise née le 12 juin 1982, est entrée régulièrement en France le 30 août 2011 sous couvert d'un visa étudiant valable jusqu'au 28 août 2012. Le 1er octobre 2012, elle a obtenu un titre de séjour portant la mention " étudiant " régulièrement renouvelé jusqu'au 30 septembre 2017. Le 13 septembre 2017, elle a sollicité un changement de statut en tant que salarié. Par arrêté du 7 mai 2018, le préfet du Nord a refusé de lui délivrer le titre demandé, l'a obligée à quitter le territoire français et a abrogé son récépissé de demande de titre de séjour. MmeB... relève appel du jugement du 17 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande en annulation de ces décisions.

Sur la légalité de la décision de refus de titre de séjour :

2. Aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : (...) 2° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée déterminée ou dans les cas prévus aux articles L. 1262-1 et L. 1262-2 du même code, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 dudit code. Cette carte est délivrée pour une durée identique à celle du contrat de travail ou du détachement, dans la limite d'un an. Elle est renouvelée pour une durée identique à celle du contrat de travail ou du détachement. Elle porte la mention " travailleur temporaire ";/ La carte de séjour prévue aux 1° ou 2° du présent article est délivrée, sans que lui soit opposable la situation de l'emploi, à l'étudiant étranger qui, ayant obtenu un diplôme au moins équivalent au grade de master ou figurant sur une liste fixée par décret dans un établissement d'enseignement supérieur habilité au plan national, souhaite exercer un emploi salarié et présente un contrat de travail, à durée indéterminée ou à durée déterminée, en relation avec sa formation et assorti d'une rémunération supérieure à un seuil déterminé par décret en Conseil d'Etat. "

3. L'arrêté du 7 mai 2018 du préfet du Nord vise le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et en cite l'article L. 313-10 qui constitue le fondement de la demande de titre de séjour. Il expose que l'intéressée se prévaut d'une demande d'autorisation de travail déposée par la société Norsafe mais rappelle que la DIRECCTE a émis un avis défavorable sur cette demande en raison du non-respect des dispositions de l'article R. 5221-20 du code du travail. La décision ajoute qu'en effet, la direction de Norsafe a reconnu ne pas avoir accompli des recherches auprès des organismes de placement concourant au service public de l'emploi pour recruter un candidat déjà présent sur le marché de l'emploi. Ainsi, la décision de refus de titre, qui n'est pas stéréotypée mais circonstanciée en droit comme en fait, est suffisamment motivée.

4. Ainsi qu'il vient d'être dit, après avoir rappelé le sens de l'avis de la DIRECCTE et son motif, la décision précise en outre, par une autre phrase, la raison de fait ayant justifié que soit retenu un tel motif. Dans ces conditions, il ne résulte nullement des termes dans lesquels la décision a été rédigée, ni d'ailleurs d'un quelconque autre élément du dossier, que le préfet du Nord aurait méconnu l'étendue de sa compétence, et se serait à tort estimé lié par l'avis émis par la DIRECCTE sur l'autorisation de travail présentée par la société Norsafe en vue de l'embauche de MmeA....

5. En vertu des dispositions de l'article R. 5221-20 du code du travail, pour accorder ou refuser l'une des autorisations de travail mentionnées à l'article R. 5221-11, le préfet prend en compte divers éléments d'appréciation dont la situation de l'emploi dans la profession et dans la zone géographique pour lesquelles la demande est formulée, compte tenu des spécificités requises pour le poste de travail considéré, et les recherches déjà accomplies par l'employeur auprès des organismes concourant au service public de l'emploi pour recruter un candidat déjà présent sur le marché du travail. Toutefois, en vertu de l'article 2 de l'avenant à l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006, avenant signé le 25 février 2008, une carte de séjour temporaire mention " salarié " est délivrée sans que soit prise en compte la situation de l'emploi, au ressortissant titulaire d'un contrat de travail visé par l'autorité française compétente, pour exercer une activité salariée dans l'un des métiers énumérés à l'annexe IV de cet accord.

6. Pour justifier de sa demande de titre de séjour, Madame A... a produit une promesse d'embauche en contrat à durée déterminée de la société Norsafe en tant qu'employée au siège de la société. Il ressort de la demande d'autorisation de travail que l'emploi proposé est celui de " coordinatrice administrative et commerciale ", cette demande n'en précisant pas le code Rome. Toutefois un courrier du 8 janvier 2018 du chef de la société Norsafe précise que Mme A...sera amenée à réaliser les missions de gestion administrative et commerciale au quotidien, de facturation, devis réception des demandes, d'émission des offres, certificats d'impression, bons de livraison, de gestion de stock et de relations clients. Or, il ressort de cette même lettre que cette société n'a pas contacté Pole emploi avant de recruter l'intéressée, en raison de la disponibilité et des compétences de celle-ci qui y avait déjà effectué un stage.

7. Pour exciper de l'illégalité de la décision de refus d'autorisation de travail, la requérante fait valoir que les fonctions qui lui étaient proposées relèvent de la liste des métiers énumérés à l'annexe IV de l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006 modifié et plus précisément sont assimilables à des fonctions d'attaché commerciale en biens intermédiaires et matières premières. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que la société Norsafe serait active dans ces secteurs. Il n'en ressort pas davantage, compte tenu de son niveau de rémunération, que Mme A...pourrait bénéficier de la dérogation prévue par le dernier alinéa de l'article L. 313-10 en faveur des personnes titulaires d'un master, ce dont elle ne se prévaut d'ailleurs pas. Dans ces conditions, c'est sans erreur de droit que la DIRECCTE a retenu que cette société n'était pas dispensée de procéder en priorité à la recherche d'un candidat déjà présent sur le marché du travail. Pour le même motif, le moyen tiré de l'erreur manifeste qu'aurait commise l'administration dans son appréciation de la nationalité de la requérante et de la nature de l'emploi proposé ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté, étant précisé que pour l'application des dispositions du code du travail précitées impliquant de prendre en compte les spécificités de l'emploi envisagé, la requérante ne saurait utilement se prévaloir des énonciations d'une circulaire N° NOR : IMI/N/07/00011/C du 20 décembre 2007 relative aux autorisations de travail des étrangers, qui ne comporte que des orientations générales que le ministre de l'intérieur a adressées aux préfets pour les éclairer dans la mise en oeuvre de leur pouvoir d'instruction.

8. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 5 à 7 ci-dessus, la décision ne saurait être regardée comme privée de base légale ou entachée d'erreur de fait au seul motif qu'elle n'est pas fondée sur l'accord franco-sénégalais et qu'elle ne le vise pas, cet accord ne régissant pas la situation de l'intéressée.

9. Il est constant que Mme A...disposait d'un titre de séjour en qualité d'étudiante valable jusqu'au 30 septembre 2017, et par suite, encore valide le 13 septembre 2017, date à laquelle elle a sollicité un changement de statut et qu'un récépissé de demande de titre lui a été délivré. Ainsi, à la date de la décision, elle n'était pas en situation irrégulière. Par suite, les stipulations de l'article 42 de l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006 modifié qui concernent la délivrance des titres de séjour aux ressortissant sénégalais en situation irrégulière en France par voie d'admission exceptionnelle au séjour, notamment en tant que salarié, ne sauraient utilement être invoquées par la requérante à l'encontre de la décision lui ayant refusé un titre de séjour.

10. Aucune demande d'admission exceptionnelle au séjour n'ayant été présentée sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'était pas tenu d'examiner la situation de la requérante à l'égard de celles-ci. Par suite, doit être écarté comme inopérant le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée la décision au regard de ces dispositions.

11. Si Madame A... fait valoir plusieurs expériences professionnelles depuis son entrée en France, il ressort des pièces du dossier d'une part qu'il s'agit d'emplois saisonniers effectués pendant ses études ou de stages en rapport avec ces dernières. Si elle expose avoir fait une fausse couche il ne ressort pas davantage des pièces du dossier qu'elle entretiendrait une relation amoureuse pérenne et stable avec une personne en situation régulière ou un ressortissant de nationalité française. En outre, Mme A... ne soutient ni n'allègue être isolée en cas de retour au Sénégal où elle a vécu jusqu'à l'âge de 29 ans et où elle n'établit pas qu'elle ne pourrait se réinsérer socialement et professionnellement, alors que, selon les renseignements qu'elle a portés sur sa demande de titre de séjour, y résident encore ses parents, deux de ses frères, les autres étant au Mali et en Mauritanie. Dès lors, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision de refus de titre n'a pas porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie familiale et privée au regard des objectifs en vue desquels cette décision a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, doit également être écarté, le moyen, tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision sur la situation personnelle de l'intéressée.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

12. Pour les motifs énoncés précédemment, les moyens soulevés à l'encontre de la décision de refus de titre de séjour étant écartés, la requérante n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de cette décision au soutien de ses conclusions en annulation de la décision d'obligation de quitter le territoire français.

13. Enfin, si la requérante soutient que le préfet ne pouvant se fonder sur le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour rejeter sa demande de titre de séjour mais seulement sur l'accord franco sénégalais, l'obligation de quitter le territoire français méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, un tel moyen ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté, la décision de refus de titre ayant été à bon droit fondée sur le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi qu'il a été dit au point 8 ci-dessus.

14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté les conclusions de sa requête tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour, de la décision abrogeant son récépissé et de l'obligation de quitter le territoire français. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction assortie d'astreinte, ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise pour information au préfet du Nord.

6

N°18DA02192


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18DA02192
Date de la décision : 12/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme Grand d'Esnon
Rapporteur ?: M. Marc Lavail Dellaporta
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : THIAM

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-03-12;18da02192 ?
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