La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/03/2019 | FRANCE | N°18DA01717

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4e chambre - formation à 3, 12 mars 2019, 18DA01717


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...D...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté pris à son égard le 28 mai 2018 par le préfet du Nord, en tant qu'il lui a fait obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour sur ce territoire durant un an.

Par un jugement n° 1804656 du 5 juillet 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée l

e 13 août 2018, M.D..., représenté par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...D...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté pris à son égard le 28 mai 2018 par le préfet du Nord, en tant qu'il lui a fait obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour sur ce territoire durant un an.

Par un jugement n° 1804656 du 5 juillet 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 août 2018, M.D..., représenté par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'obligation de quitter le territoire français prononcée par l'arrêté en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

---------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.D..., ressortissant monténégrin né le 2 février 1967 et qui a indiqué être entré sur le territoire français en septembre 2017, a fait l'objet, le 28 mai 2018, d'un contrôle d'identité, alors qu'il se trouvait à la gare de Lille-Flandres en compagnie de son fils, M. G...D..., né le 9 juillet 1990. Par un arrêté pris le jour même, le préfet du Nord a fait obligation à M. D... de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et a assorti cette mesure d'éloignement d'une interdiction de retour en France avant l'expiration d'un délai d'un an. M. D...relève appel du jugement du 5 juillet 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation, pour excès de pouvoir, de cet arrêté en tant qu'il lui fait obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour sur ce territoire durant un an. Il limite, en cause d'appel, sa contestation à la première de ces mesures.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces du dossier de première instance transmis à la cour que M. D... avait soulevé, devant le tribunal administratif de Lille, un moyen tiré de ce que, pour lui faire obligation de quitter le territoire français, le préfet du Nord n'aurait pas suffisamment pris en compte l'intérêt supérieur de son enfant à naître et que cette autorité aurait, ce faisant, méconnu les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Les visas du jugement attaqué ne font toutefois aucune mention de ce moyen, que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille n'a, en outre, pas expressément écarté dans les motifs de ce jugement. Il suit de là que M. D... est fondé à soutenir que ce jugement est irrégulier et à en demander, pour ce motif, l'annulation.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement, dans les limites des conclusions d'appel, sur la demande présentée par M. D...devant le tribunal administratif de Lille.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

4. L'arrêté du 28 mai 2018 en litige a été pris par M. B...A..., attaché d'administration de l'Etat, chargé de mission auprès du chef de la section de l'éloignement de la préfecture du Nord. M. A...bénéficiait d'une délégation de signature qui lui avait été donnée par un arrêté du préfet du Nord du 16 mai 2018, publié le même jour au recueil spécial n° 109 des actes administratifs de la préfecture, aux fins de signer notamment les décisions faisant obligation à des ressortissants étrangers de quitter le territoire français. Il suit de là que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision en litige manque en fait.

5. Il ressort des motifs de l'arrêté contesté du 28 mai 2018 que ceux-ci comportent l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles se fonde la décision faisant obligation à M. D...de quitter le territoire français. Par suite, alors même que ces motifs ne détaillent pas l'ensemble des éléments caractérisant la situation personnelle et familiale de l'intéressé, ni ne font mention du rendez-vous qu'il avait obtenu auprès de la préfecture du Pas-de-Calais afin de solliciter une régularisation de sa situation administrative, cette décision est suffisamment motivée au regard des exigences posées en la matière par les dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et par celles de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. La circonstance que certaines mentions de fait relatives à la situation familiale du requérant seraient erronées demeure, à la supposer même avérée, sans incidence à cet égard.

6. Il ne ressort pas des pièces du dossier, compte-tenu notamment de ce qui vient d'être dit au point précédent, que le préfet du Nord ne se serait pas livré à un examen suffisamment sérieux et approfondi de la situation personnelle et familiale de M. D...avant de lui faire obligation de quitter le territoire français. L'intéressé fait cependant reproche au préfet du Nord d'avoir mentionné, dans les motifs de l'arrêté en litige, qu'il était célibataire et sans enfant à charge, ce qui lui semble erroné compte tenu de la vie commune qu'il entretient avec une personne qui se serait vue reconnaître le statut d'apatride et de la circonstance que son fils demeure auprès d'eux. Toutefois, il est constant que M. D...n'est pas marié avec sa compagne et qu'il n'apporte aucun élément de nature à établir que son fils, âgé de vingt-sept ans à la date de l'arrêté en litige, serait effectivement à sa charge, quand bien même ce dernier résiderait à leur domicile. Par suite, la seule imprécision entourant la mention selon laquelle M. D...est célibataire et sans enfant à charge, qui n'est pas erronée, ne peut suffire à établir que l'examen auquel s'est livré le préfet du Nord avant de prendre la mesure d'éloignement contestée n'aurait pas été suffisamment attentif.

7. M. D...fait état de la relation qu'il a nouée avec une personne qui se serait vue reconnaître le statut d'apatride, avec laquelle il vit depuis son arrivée en France, en septembre 2017, et qui, à la date de l'arrêté du 28 mai 2018 en litige, était enceinte, depuis environ trois mois, d'un enfant dont il a reconnu la paternité. Il ajoute qu'il s'occupe quotidiennement des cinq enfants, nés d'une précédente union, de sa compagne et que son propre fils, né le 9 juillet 1990, vit également avec eux. Toutefois, M. D... ne conteste pas que la vie commune dont il se prévaut présentait, à la date de l'arrêté en litige, un caractère récent, puisqu'elle ne datait alors que de neuf mois au plus. En outre, si la grossesse de sa compagne était établie à la date de l'arrêté en litige, ainsi qu'en attestent les pièces médicales versées au dossier, il est toutefois constant que M. D... n'a reconnu que le 30 mai 2018, soit deux jours après l'édiction de cet arrêté, la paternité de l'enfant dont sa compagne était alors enceinte. En outre, le fils majeur de M. D... a lui-même fait l'objet, le même jour, d'un arrêté lui faisant obligation de quitter sans délai le territoire français. Enfin, M. D... n'établit ni même n'allègue qu'il serait dépourvu d'attaches familiales proches dans son pays d'origine, où réside sa mère et dans lequel il a habituellement vécu durant quarante années. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et eu égard notamment à la faible ancienneté et aux conditions du séjour de M. D..., la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte excessive. Elle n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. M. D... a déclaré que ses ressources se composaient essentiellement d'aides reçues d'associations, mais n'a fait état d'aucune perspective d'insertion professionnelle, ni d'une intégration notable à la société française. Pour ces motifs, ainsi que pour ceux exposés au point précédent, en lui faisant obligation de quitter le territoire français, le préfet du Nord n'a pas commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé.

9. Aux termes des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Ces stipulations sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

10. Eu égard à ce qui a été dit au point 7 et notamment au fait que M. D...n'a reconnu la paternité de son enfant à naître qu'à une date postérieure à celle à laquelle l'arrêté en litige a été pris, l'intéressé ne peut utilement soutenir que, pour lui faire obligation de quitter le terrtioire français, le préfet du Nord aurait insuffisamment pris en compte l'intérêt supérieur de cet enfant. Par suite, son moyen tiré de l'invocation des stipulations protectrices du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 5 juillet 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Les conclusions qu'il présente au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...D..., à Me E...F...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise au préfet du Nord.

1

4

N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18DA01717
Date de la décision : 12/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Quencez
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : ZAMBO MVENG

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-03-12;18da01717 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award