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28/02/2019 | FRANCE | N°18DA02025

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3 (bis), 28 février 2019, 18DA02025


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... F...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir les arrêtés du 21 août 2018 par lesquels la préfète de la Seine-Maritime lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, a prononcé à son encontre une interdiction de revenir sur le territoire français pour une durée d'un an et l'a assigné à résidence.

Par un jugement nos 1803221-1803222 du 24 août 2018, le magistrat désigné par le président du tri

bunal administratif de Rouen a annulé les arrêtés du 21 août 2018.

Procédure devant la c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... F...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir les arrêtés du 21 août 2018 par lesquels la préfète de la Seine-Maritime lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, a prononcé à son encontre une interdiction de revenir sur le territoire français pour une durée d'un an et l'a assigné à résidence.

Par un jugement nos 1803221-1803222 du 24 août 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé les arrêtés du 21 août 2018.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 octobre 2018, la préfète de la Seine-Maritime demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de M. F....

.......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Michel Richard, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif :

1. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union ". Aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ".

2. Le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne.

3. Il ressort des pièces du dossier que M. F... a été entendu par les services de police à deux reprises préalablement à l'édiction de la mesure contestée, comme en témoignent les procès-verbaux d'audition des 20 et 21 août 2018, lesquels ont été signés par l'intéressé. A cette occasion, l'intimé a pu faire valoir ses observations concernant notamment les conditions de son arrivée en France, sa situation administrative, sa relation avec une ressortissante française et l'éventualité d'une mesure d'assignation à résidence en vue de permettre son éloignement vers le Maroc. Dès lors, M. F... a eu la possibilité, au cours de ces entretiens, de faire état des éléments utiles et pertinents de nature à influer sur la décision prise à son encontre. En tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé disposait d'informations tenant à sa situation personnelle qu'il a été empêché de porter à la connaissance de l'administration avant que ne soit prise à son encontre la mesure qu'il conteste et qui, si elles avaient pu être communiquées à temps, auraient été de nature à faire obstacle à l'édiction de cette décision. Par suite, la préfète de la Seine-Maritime est fondée à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a retenu le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu pour annuler ses arrêtés du 21 août 2018.

4. Il appartient toutefois à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. F... devant la juridiction administrative.

Sur le moyen commun aux décisions portant obligation de quitter le territoire français, refusant un délai de départ volontaire et fixant le pays de destination :

5. M. E... B..., chef du bureau de l'éloignement, dispose d'une délégation de signature du 2 mars 2018, par arrêté de la préfète de la Seine-Maritime régulièrement publié au recueil spécial des actes administratifs du même jour, à l'effet de signer les décisions attaquées. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte manque en fait et doit être écarté.

Sur les moyens communs aux décisions portant obligation de quitter le territoire français, refusant un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an :

6. L'arrêté attaqué comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Sa motivation n'est pas stéréotypée. La préfète, qui n'avait pas à viser toutes les circonstances de fait de la situation de M. F..., a cité les éléments pertinents dont elle avait connaissance et qui fondent les décisions en litige. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

Sur les moyens propres à la décision portant obligation de quitter le territoire français :

7. Il ne résulte ni de la motivation de l'arrêté en litige, ni d'aucune autre pièce du dossier, que la préfète de la Seine-Maritime n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. F... avant de prendre la décision contestée. Dès lors, le moyen tiré du défaut d'examen de la situation particulière de l'intéressé doit être écarté.

8. La circonstance que la préfète de la Seine-Maritime ait assigné M. F... au domicile de sa compagne alors même qu'elle considérait que leur concubinage n'était pas établi et que l'intéressé ne justifiait pas d'une résidence certaine ne constitue pas une erreur de fait dès lors que le requérant a indiqué résider à cette adresse lors de son audition, ses allégations relatives à ce concubinage n'étant en revanche assorties d'aucun élément probant.

9. M. F..., ressortissant marocain né le 8 janvier 1992, déclare être entré en France le 21 août 2015. Il n'établit pas résider sur le territoire français de manière stable depuis cette date. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ait cherché à régulariser sa situation administrative. Il ne justifie pas, par des éléments suffisamment probants, de l'ancienneté et de la stabilité de la relation dont il se prévaut avec une ressortissante française. Leur mariage et la grossesse de son épouse sont postérieurs à la date de l'arrêté attaqué et donc sans influence sur sa légalité. Le requérant ne fait, par ailleurs, état d'aucune intégration professionnelle. Il ne serait pas isolé en cas de retour au Maroc où résident ses parents et où il a lui-même vécu jusqu'à l'âge de vingt-trois ans. Dès lors, compte tenu des conditions et de la durée du séjour en France de l'intéressé, la préfète de la Seine-Maritime n'a pas porté à son droit au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes raisons, celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise la préfète quant aux conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé doit également être écarté.

10. Il résulte de ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire est entachée d'illégalité.

Sur les moyens propres à la décision fixant le délai de départ volontaire :

11. Il résulte de ce qui a été dit au point 10 que M. F... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision lui refusant un délai de départ volontaire.

12. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification pour rejoindre le pays dont il possède la nationalité ou tout autre pays non membre de l'Union européenne ou avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen où il est légalement admissible. (...) / (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) / b) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / (...) ".

13. Il ressort des pièces du dossier et notamment des propres déclarations de M. F... qu'il réside de manière irrégulière en France. Il ne justifie ni de ressources, ni d'un lieu de résidence effective. Ces éléments caractérisent un risque de soustraction à l'obligation de quitter le territoire français au sens de l'article L. 511-1 précité, même en l'absence de toute tentative de soustraction à une précédente mesure d'éloignement. En outre, l'intéressé n'a fait état ni devant l'administration, ni devant la juridiction administrative, d'éléments susceptibles de justifier l'octroi d'un délai de départ volontaire. Par suite, en lui refusant l'octroi d'un tel délai, la préfète de la Seine-Maritime n'a pas méconnu les dispositions précitées du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur les moyens propres à la décision fixant le pays de destination :

14. Il résulte de ce qui a été dit au point 10 que M. F... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision fixant le pays de destination.

15. Pour les motifs mentionnés au point 9, M. F... n'est pas fondé à soutenir que la préfète de la Seine-Maritime aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle et familiale de l'intéressé. Ce moyen invoqué à l'encontre de la décision qui se borne à fixer le pays de destination doit ainsi, et en tout état de cause, être écarté.

Sur les moyens propres à la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an :

16. Il résulte de ce qui a été dit au point 10 que M. F... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

17. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français / (...) ".

18. Il ne ressort pas des pièces du dossier que, compte tenu de ce qui a été dit au point 9, la préfète de la Seine-Maritime aurait commis une erreur d'appréciation en prononçant à l'encontre de l'intéressé une interdiction de revenir sur le territoire français pour une durée d'un an.

19. Il résulte de tout ce qui précède que la préfète de la Seine-Maritime est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé les arrêtés du 21 août 2018. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par M. F... aux fins d'injonction et celles tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 24 août 2018 du tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. F... devant le tribunal administratif de Rouen ainsi que ses conclusions présentées en appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. A... F...et à Me C...D....

Copie en sera transmise pour information à la préfète de la Seine-Maritime.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 18DA02025
Date de la décision : 28/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. Boulanger
Rapporteur ?: M. Michel Richard
Rapporteur public ?: Mme Fort-Besnard
Avocat(s) : CAMAIL

Origine de la décision
Date de l'import : 05/03/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-02-28;18da02025 ?
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