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21/02/2019 | FRANCE | N°16DA01420

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 21 février 2019, 16DA01420


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL NORMAFI et Me A...C..., agissant en qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la SARL NORMAFI, ont demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner l'office public de l'habitat du département de la Seine-Maritime (Habitat 76), à verser à la société NORMAFI la somme de 62 823,96 euros toutes taxes comprises au titre du solde du marché, assortie des intérêts moratoires à compter du 15 août 2014 et de leur capitalisation ainsi qu'une somme de 20 000 euros en répara

tion du préjudice résultant de l'absence de fonds de roulement à laquelle la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL NORMAFI et Me A...C..., agissant en qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la SARL NORMAFI, ont demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner l'office public de l'habitat du département de la Seine-Maritime (Habitat 76), à verser à la société NORMAFI la somme de 62 823,96 euros toutes taxes comprises au titre du solde du marché, assortie des intérêts moratoires à compter du 15 août 2014 et de leur capitalisation ainsi qu'une somme de 20 000 euros en réparation du préjudice résultant de l'absence de fonds de roulement à laquelle la société NORMAFI a dû faire face.

Par un jugement n° 1403070 du 7 juin 2016, rectifié par une ordonnance du 24 juin 2016, le tribunal administratif de Rouen a condamné Habitat 76, à verser à la SARL NORMAFI une somme de 4 668,49 euros, assortie des intérêts moratoires tels que définis aux points n° 7 et n° 9 du jugement, les intérêts échus à la date du 2 novembre 2015, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, étant capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes des intérêts, et a rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er août 2016, et des mémoires, enregistrés les 20 décembre 2016, 12 octobre 2018 et 30 octobre 2018, la SARL NORMAFI et Me A...C..., agissant en qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la SARL NORMAFI, représentés par Me E...D..., demandent à la cour :

1°) de réformer ce jugement ;

2°) à titre principal, de condamner Habitat 76 à verser à la société NORMAFI le solde du marché soit la somme de 58 432,25 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts moratoires à compter du 22 septembre 2014, avec capitalisation annuelle de ces intérêts à compter du 22 septembre 2015 ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner Habitat 76 à lui verser la somme de 32 158,80 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts moratoires à compter de janvier 2012, avec capitalisation annuelle de ces intérêts à compter du 5 septembre 2014 ;

4°) à titre infiniment subsidiaire, ajouter à la somme retenue par le tribunal administratif une indemnisation sur la révision des prix, soit la somme de 220,35 euros hors taxe, assortie des intérêts moratoires à compter de janvier 2012, avec capitalisation annuelle de ces intérêts à compter du 5 septembre 2014 ;

5°) de condamner Habitat 76 à lui verser une somme de 20 000 euros pour absence de fonds de roulement ;

6°) d'enjoindre à Habitat 76 d'exécuter le jugement du 7 juin 2016, tel que rectifié par l'ordonnance du 24 juin 2016 ;

7°) de mettre à la charge de Habitat 76 la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code général des impôts ;

- le code des marchés publics ;

- le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 approuvant le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

- le décret n° 2002-232 du 21 février 2002 relatif à la mise en oeuvre du délai maximum de paiement dans les marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Hervé Cassara, premier conseiller,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,

- et les observations de M. F...B..., gérant de la SARL NORMAFI.

Une note en délibéré, présentée pour la SARL NORMAFI, a été enregistrée le 8 février 2019.

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte de l'instruction que le mémoire et les productions présentés pour la SARL NORMAFI et MeC..., enregistrés le 12 octobre 2018, sont relatifs à la procédure enregistrée sous le numéro 16DA01653. Par suite, ces documents doivent être rayés du registre du greffe de la cour dans le cadre de la présente procédure et joints à la requête enregistrée sous le numéro 16DA01653.

2. L'office public de l'habitat du département de la Seine-Maritime (Habitat 76) a, par un acte d'engagement du 22 septembre 2009, confié à la société NORMAFI l'exécution du lot n° 5 " revêtement de sol-faïence-peinture " dans le cadre de la construction de onze logements sur le site de Manopa à Saint-Aubin-les-Elbeuf. Après avoir exécuté une partie des travaux, la société NORMAFI a cédé son fonds de commerce à la société SIPDEG Peinture Ravalement (SIPDEG), par acte du 20 décembre 2011. La société SIPDEG a exécuté le reste des travaux à compter du 1er janvier 2012 et a conclu le 1er mars 2012 avec Habitat 76 un avenant portant transfert du marché en cause à son profit. La SARL NORMAFI et Me C..., mandataire judiciaire et commissaire à l'exécution du plan de redressement de la société NORMAFI, relèvent appel du jugement du 7 juin 2016, tel que rectifié par une ordonnance du 24 juin 2016, en tant que le tribunal administratif de Rouen a seulement partiellement fait droit à leur demande tendant à la condamnation du maître de l'ouvrage à verser à la société NORMAFI le solde du marché ainsi que la somme de 20 000 euros en réparation de l'absence de fonds de roulement à laquelle elle a dû faire face, et demandent qu'il soit enjoint à Habitat 76 d'exécuter ce jugement.

Sur les conclusions aux fins d'indemnisation :

En ce qui concerne les conclusions tendant au paiement du solde du marché :

S'agissant de la faute et du lien de causalité :

3. Il résulte de l'instruction que, par un arrêt du 19 juin 2014, la cour d'appel de Rouen a jugé que la cession du fonds de commerce de la société NORMAFI à la société SIPDEG par l'acte de cession du 20 décembre 2011 n'emporte pas, de plein droit, la transmission de l'ensemble des contrats conclus, que seuls les contrats énumérés dans la liste constituant l'annexe n°1 à cet acte de cession doivent être regardés comme lui ayant été cédés et que les contrats et marchés en cours non mentionnés dans cette liste ne lui ont pas été cédés. Il est, en outre, constant que le contrat en litige, en cours d'exécution à la date de la cession, n'était pas mentionné dans cette liste. Dès lors, ce contrat ne peut être regardé comme ayant été cédé à la société SIPDEG et, par suite, la SARL NORMAFI en est demeurée le titulaire, contractuellement liée à Habitat 76, malgré son exécution partielle par la société SIPDEG à compter du 1er janvier 2012, ce qui n'est au demeurant pas contesté par Habitat 76 dans le cadre de la présente procédure d'appel.

4. Dans ces conditions, en concluant un avenant au contrat passé avec la SARL NORMAFI en vue de transférer le bénéfice de ce contrat à la société SIPDEG, et en ne s'opposant pas à l'intervention de cette société alors qu'il n'avait pas l'assurance de la cession du marché et sans avoir mis en demeure la SARL NORMAFI, titulaire du contrat, d'exécuter les prestations qui lui incombaient, Habitat 76 a commis une faute de nature à engager sa responsabilité contractuelle. Cette faute présente un lien direct et certain avec les préjudices subis par la SARL NORMAFI.

S'agissant du préjudice au principal :

5. Il résulte de l'instruction que la SARL NORMAFI n'a plus réalisé aucune prestation en exécution du contrat en cause à compter du 1er janvier 2012, les travaux restants ayant été exécutés par la société SIPDEG. Par suite, elle ne peut obtenir le paiement de l'intégralité du solde du marché en application de l'article 13 du cahier des clauses administratives générales comme elle le réclame, mais a seulement droit à l'indemnisation de l'un de ses éléments constitutifs, à savoir le manque à gagner qui doit être calculé sur la base de la marge nette qu'elle escomptait de la réalisation des travaux restants.

6. Il résulte de l'instruction que le montant total du marché en litige s'élève à la somme de 102 192,18 euros hors taxes, et que, après retranchement de ce montant des acomptes d'un montant de 55 507,27 euros hors taxes versés pour les travaux exécutés par la SARL NORMAFI avant le 1er janvier 2012, le solde du marché s'établit à la somme de 46 684,91 euros hors taxes. Pour contester la fixation, par le jugement attaqué, de la valeur de la marge bénéficiaire nette à 10 % de ce montant, les appelants se bornent à soutenir qu'il faudrait retrancher uniquement les frais de main d'oeuvre non engagés qu'ils évaluent à 45 % du montant du solde du marché sans toutefois l'établir, à faire à nouveau valoir que la société SIPDEG aurait profité de son stock de carrelage qu'ils évaluent à 30 % du même montant, sans toutefois non plus l'établir, et enfin à soutenir que la marge bénéficiaire doit en tout état de cause être fixée à 25 %, sans apporter aucune justification utile à l'appui de cette allégation. Dès lors, il ne résulte pas de l'instruction qu'en fixant la valeur de la marge bénéficiaire nette attendue à 10 % du montant hors taxes du solde du marché, le tribunal administratif de Rouen ait fait une inexacte appréciation de cette marge et il y a lieu, par suite, de retenir le même calcul. Il suit de là que la SARL NORMAFI et Me C...sont seulement fondés à demander la condamnation de Habitat 76 à verser à la SARL NORMAFI la somme de 4 668,49 euros au titre de la marge bénéficiaire nette qu'elle escomptait de l'exécution du solde du marché en litige.

S'agissant de la révision des prix :

7. La clause de révision des prix a pour objet de prendre en compte les modifications des conditions économiques entre le prix du marché à la date de remise de l'offre de l'entreprise et le prix du marché à la date d'exécution effective des prestations. L'indemnité allouée par le présent arrêt étant évaluée, non à la date de remise de l'offre, mais à la date à laquelle la SARL NORMAFI aurait effectivement dû exécuter les travaux restants, elle n'est pas susceptible de se voir appliquer une formule de révision du prix. Par suite, il n'y a pas lieu d'appliquer la révision des prix à la marge bénéficiaire comprise dans le solde de son marché dont la SARL NORMAFI est seulement fondée à demander réparation ainsi qu'il a été dit aux points 5 et 6.

S'agissant des intérêts moratoires et de leur capitalisation :

8. En vertu des dispositions de l'article 98 du code des marchés publics dans sa rédaction applicable au présent marché, le dépassement du délai de paiement ouvre de plein droit et sans autre formalité, pour le titulaire du marché ou le sous-traitant, le bénéfice d'intérêts moratoires, à compter du jour suivant l'expiration du délai. En vertu des dispositions de l'article 5 du décret du 21 février 2002 relatif à la mise en oeuvre du délai maximum de paiement dans les marchés publics dans sa rédaction alors applicable, le défaut de paiement dans les délais prévus par l'article 98 du code des marchés publics fait courir de plein droit, et sans autre formalité, des intérêts moratoires au bénéfice du titulaire ou du sous-traitant payé directement.

9. Aux termes de l'article 13.42 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicable aux marchés de travaux : " Le décompte général, signé par la personne responsable du marché, doit être notifié à l'entrepreneur par ordre de service avant la plus tardive des deux dates ci après : / quarante-cinq jours après la date de remise du projet de décompte final / - trente jours après la publication de l'index de référence permettant la révision du solde ". Aux termes de l'article 11.7 du CCAG, l'entrepreneur a droit à des intérêts moratoires, dans les conditions réglementaires, en cas de retard dans les mandatements dans le solde du marché qui intervient, selon l'article 13.431 du CCAG, dans le délai courant à compter de la notification du décompte général, ce délai ne pouvant être supérieur à soixante jours si la durée contractuelle d'exécution du marché est, comme en l'espèce, supérieure à six mois. Aux termes de l'article 178 du code des marchés publics dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : " I. L'administration contractante est tenue de procéder au mandatement des acomptes et du solde dans un délai qui ne peut dépasser quarante-cinq jours (...) ; / II. Le défaut de mandatement dans le délai prévu au I. ci-dessus fait courir de plein droit et sans autre formalité, au bénéfice du titulaire et du sous-traitant, des intérêts moratoires, à partir du jour suivant l'expiration dudit délai jusqu'au 15ème jour inclus suivant la date de mandatement du principal ". Ainsi, le défaut de mandatement du solde d'un marché dans les délais prévus par ces dispositions fait courir de plein droit et sans autre formalité, au bénéfice du titulaire ou du sous-traitant, des intérêts moratoires. La circonstance que le solde du marché ne puisse être établi par les parties elles-mêmes est sans incidence sur le point de départ de ces intérêts qui doit être fixé à la date à laquelle ce solde aurait dû être établi. Il n'en va autrement, sans préjudice des stipulations du marché, que lorsque le retard dans l'établissement du solde est imputable au titulaire du marché, le point de départ de ces intérêts étant alors fixé à la date à laquelle le juge est saisi en vue du règlement du litige.

10. Aux termes des stipulations de l'article 3.7 du cahier des clauses administratives particulières : " Une fois le décompte général établi par le maître d'oeuvre et transmis à l'office, le pouvoir adjudicateur le signe et le notifie à l'entreprise dans un délai de 40 jours. Si l'entreprise accepte le décompte général, elle le renvoie au maitre d'oeuvre dans un délai de 40 jours. Le décompte général devient définitif. / L'Office dispose alors d'un délai global de paiement de 40 jours à compter de la date d'acceptation du décompte général par l'entreprise. La preuve de la date d'acceptation appartient à l'entreprise. / A partir de la date d'acceptation du décompte général définitif, le maitre d'oeuvre a quinze jours maximum pour le transmettre à l'office. ". Aux termes des stipulations de l'article 3.7.1 du même cahier : " en cas de retard de paiement, le taux des intérêts moratoires est celui de l'intérêt légal en vigueur à la date à laquelle les intérêts moratoires ont commencé à courir, augmentés de deux points ". Les stipulations précédentes doivent être regardées comme prévoyant que, d'une part, le décompte général doit être notifié dans le délai de quarante jours à compter de la réception par le maitre d'oeuvre du projet de décompte final et que, d'autre part, l'entrepreneur dispose d'un délai de quarante jours pour contester le décompte général, l'expiration de ce délai faisant courir un nouveau délai de paiement de quarante jours.

11. La réception par le maître d'oeuvre, le 2 juillet 2014, du projet de décompte final soumis par la société NORMAFI a fait courir un délai de quarante jours pour l'établissement du décompte général expirant le 12 août 2014. Habitat 76 était ainsi tenu de notifier à l'entreprise le décompte général au plus tard à cette dernière date. La SARL NORMAFI disposait alors d'un délai de quarante jours pour accepter ou contester le décompte général, soit jusqu'au 22 septembre 2014. A compter de cette dernière date, Habitat 76 disposait d'un délai de quarante jours pour procéder au mandatement de toute somme relevant du solde du marché, soit au plus tard le 2 novembre 2014. Il ne résulte pas de l'instruction que le retard dans l'établissement du solde du marché soit imputable à la SARL NORMAFI. Il résulte de ce qui précède que les intérêts moratoires au taux fixé au point 10 sont dus à compter du 2 novembre 2014 sur la somme de 4 668,49 euros mentionnée au point 6.

12. Aux termes de l'article 1343-2 du code civil, les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise. Pour l'application de ces dispositions, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année. En ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière. La capitalisation des intérêts a été demandée par la société NORMAFI dans sa requête enregistrée devant le tribunal administratif de Rouen le 16 septembre 2014. Il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 2 novembre 2015, date à laquelle était due pour la première fois une année d'intérêts sur la somme de 4 668,49 euros mentionnée au point 6, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

S'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée :

13. Le versement qu'une partie à un contrat opère au profit de son cocontractant, qui ne résulte pas des modalités dont les parties étaient convenues pour assurer l'équilibre économique du contrat, ne constitue pas la contrepartie directe et la rémunération d'une prestation de services individualisable mais a pour objet de réparer le préjudice subi par le bénéficiaire du versement du fait de la faute de l'autre cocontractant. Il n'est dès lors pas au nombre des opérations que le I de l'article 256 du code général des impôts soumet à la taxe sur la valeur ajoutée. De même, l'indemnité versée par le débiteur à son créancier du fait du retard apporté au paiement de la somme due au titre de l'exécution d'un marché n'est pas la contrepartie d'une prestation de service entrant dans le champ de la taxe sur la valeur ajoutée mais constitue la réparation d'un préjudice qui est dissociable de la prestation fournie par l'entreprise bénéficiaire du versement. Par suite, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif de Rouen, il n'y a lieu ni de retenir le montant toutes taxes comprises du solde du marché pour l'assiette du calcul de la marge nette, ni d'ajouter la taxe sur la valeur ajoutée à la marge bénéficiaire dont la SARL NORMAFI est seulement fondée à demander réparation ainsi qu'il a été dit aux points 5 et 6, ni d'ajouter cette même taxe aux intérêts moratoires et à leur capitalisation calculés comme indiqués aux points 11 et 12.

En ce qui concerne les conclusions tendant à la réparation du préjudice financier résultant de l'absence de fonds de roulement :

14. La société NORMAFI soutient à nouveau en cause d'appel que l'absence de paiement, par Habitat 76, du solde du marché pendant plusieurs années, a eu pour effet de la priver de fonds de roulement, et d'entraîner, par voie de conséquence, sa mise en redressement judiciaire, prononcée par jugement du tribunal de commerce de Rouen du 18 décembre 2012. Toutefois, le maître de l'ouvrage n'avait pas à payer le solde du marché en cause avant la date de cessation des paiements fixée au 31 juillet 2012 par le jugement du 18 décembre 2012 mentionné ci-dessus. Il résulte en effet de l'instruction que la réception des travaux n'a été prononcée que le 10 mai 2012, de sorte que ce n'est qu'à partir de cette date que la société NORMAFI aurait pu adresser son décompte final au maître d'oeuvre, à la suite de quoi le maître d'ouvrage disposait d'un délai de quarante jours pour notifier son décompte général, , l'entrepreneur disposant alors d'un délai de quarante jours pour contester le décompte général, puis Habitat 76 disposant encore, ensuite, d'un délai de quarante jours, pour procéder au règlement du solde. Ainsi, la date limite de mandatement du solde du marché étant nécessairement postérieure à celle de la cessation des paiements, le lien de causalité entre la cessation des paiements de la société NORMAFI et le paiement avec retard du solde du marché passé avec Habitat 76 n'est pas établi. Dès lors, les conclusions des appelants tendant à la condamnation de Habitat 76 à leur verser une somme de 20 000 euros en réparation du préjudice financier résultant de l'absence de fonds de roulement, doivent être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions tendant à ce que cette somme soit assortie d'intérêts moratoires capitalisés.

15. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL NORMAFI et Me C...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, tel que rectifié par une ordonnance du 24 juin 2016, le tribunal administratif de Rouen a condamné Habitat 76 à verser à la SARL NORMAFI une somme de 4 668,49 euros, assortie des intérêts moratoires tels que définis aux points n° 7 et n° 9 dudit jugement, les intérêts échus à la date du 2 novembre 2015, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, étant capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes des intérêts, et a rejeté le surplus de leur demande.

Sur les conclusions aux fins d'exécution du jugement attaqué :

16. Il résulte de l'instruction que Habitat 76, par l'intermédiaire de son conseil, a adressé à MeC..., pris en sa qualité de mandataire judiciaire, de commissaire à l'exécution du plan de redressement judiciaire de la SARL NORMAFI et de séquestre répartiteur des sommes à recevoir ainsi qu'il résulte des jugements du tribunal de commerce de Rouen des 18 décembre 2012 et 23 septembre 2014, un chèque d'un montant de 5 828,16 euros, à l'appui d'une lettre recommandée avec accusé de réception du 31 août 2016, en exécution du jugement du tribunal administratif de Rouen du 7 juin 2016, tel que rectifié par une ordonnance du 24 juin 2016, et qu'il a tenu informé la SARL NORMAFI de ce règlement. Ainsi, Habitat 76 doit être regardé, dans les circonstances de l'espèce, comme ayant procédé à l'exécution du jugement précité nonobstant la double circonstance que le jugement mentionne la société NORMAFI comme bénéficiaire de la condamnation prononcée à l'encontre de Habitat 76 et qu'aucun administrateur judiciaire n'aurait été désigné, et alors, au surplus, qu'il n'appartient pas à la juridiction administrative de connaître d'un éventuel litige qui serait né entre Me C...et la société NORMAFI, au demeurant tous deux appelants dans le cadre de la présente instance. En outre, si la société NORMAFI soutient qu'elle n'est plus sous l'empire d'une procédure collective, elle ne produit aucune pièce de nature à l'établir alors qu'il résulte du jugement précité du 23 septembre 2014 que le tribunal de commerce de Rouen a fixé la durée du plan de redressement à sept ans. Dès lors, les conclusions de la SARL NORMAFI et de Me C...tendant à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Rouen du 7 juin 2016, tel que rectifié par une ordonnance du 24 juin 2016, présentées pour la première fois à l'appui d'un mémoire enregistré le 20 décembre 2016 et réitérées dans un mémoire enregistré le 30 octobre 2018, sont dépourvues d'objet dès l'origine et, par suite, irrecevables. Il suit de là que ces conclusions doivent être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Habitat 76, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la SARL NORMAFI et MeC..., au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SARL NORMAFI et Me C...la somme demandée par Habitat 76 au titre des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Le mémoire et les productions présentés pour la SARL NORMAFI et MeC..., enregistrés le 12 octobre 2018, sont rayés du registre du greffe de la cour dans le cadre de la présente procédure pour être joints à la requête n° 16DA01653.

Article 2 : La requête de la SARL NORMAFI et de Me C...est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de l'office public de l'habitat du département de la Seine-Maritime (Habitat 76) présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL NORMAFI, à Me A...C..., agissant en qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la SARL NORMAFI, et à l'office public de l'habitat du département de la Seine-Maritime (Habitat 76).

N°16DA01420 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16DA01420
Date de la décision : 21/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05-01 Marchés et contrats administratifs. Exécution financière du contrat. Rémunération du co-contractant.


Composition du Tribunal
Président : Mme Petit
Rapporteur ?: M. Hervé Cassara
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : BARRABE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/03/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-02-21;16da01420 ?
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