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12/02/2019 | FRANCE | N°17DA00378

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre - formation à 3, 12 février 2019, 17DA00378


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 28 août 2014 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires du Nord-Pas-de-Calais, Haute-Normandie et Picardie a rejeté son recours hiérarchique tendant à l'annulation de la sanction disciplinaire prononcée à son encontre par la commission de discipline du centre pénitentiaire de Bapaume le 18 juillet 2014.

Par un jugement n° 1407240 du 29 décembre 2016, le tribunal administratif de Lille a r

ejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 28 août 2014 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires du Nord-Pas-de-Calais, Haute-Normandie et Picardie a rejeté son recours hiérarchique tendant à l'annulation de la sanction disciplinaire prononcée à son encontre par la commission de discipline du centre pénitentiaire de Bapaume le 18 juillet 2014.

Par un jugement n° 1407240 du 29 décembre 2016, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 février 2017, M. A... D..., représenté par Me C...B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du 29 décembre 2016 ;

2°) d'annuler la décision du 28 août 2014 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires du Nord-Pas-de-Calais, Haute-Normandie et Picardie a rejeté son recours hiérarchique tendant à l'annulation de la sanction disciplinaire prononcée à son encontre par la commission de discipline du centre pénitentiaire de Bapaume le 18 juillet 2014 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ;

- le code de procédure pénale ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Julien Sorin, président-assesseur,

- et les conclusions de M. Charles-Edouard Minet, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 18 juillet 2014, la commission de discipline du centre de détention de Bapaume a sanctionné M. D...d'un avertissement. Il interjette appel du jugement du 29 décembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 28 août 2014 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires du Nord-Pas-de-Calais, Haute-Normandie et Picardie a rejeté son recours administratif contre cette sanction disciplinaire.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces du dossier de première instance que M. D...soutenait, à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 28 août 2014 en litige, que celle-ci avait été prise en méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines et de l'article 7 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen susvisée. En rejetant la demande de M. D...sans répondre à ce moyen, qui n'était pas inopérant, le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité. Par suite, le jugement doit être annulé.

3. Il y a lieu, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens tirés de l'irrégularité du jugement, d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes présentées par M. D... devant le tribunal administratif de Lille et devant la cour.

Sur la légalité de la décision du 28 août 2014 :

4. Aux termes de l'article R. 57-7-14 du code de procédure pénale : " A la suite de ce compte rendu d'incident, un rapport est établi par un membre du personnel de commandement du personnel de surveillance, un major pénitentiaire ou un premier surveillant et adressé au chef d'établissement. Ce rapport comporte tout élément d'information utile sur les circonstances des faits reprochés à la personne détenue et sur la personnalité de celle-ci. L'auteur de ce rapport ne peut siéger en commission de discipline. / Lorsque la personne détenue est mineure, le service du secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse, saisi par le chef d'établissement, établit un rapport sur la situation personnelle, sociale et familiale de l'intéressée ".

5. Aucune disposition législative ou réglementaire n'oblige l'agent du service pénitentiaire chargé de l'enquête de recueillir des éléments, notamment de personnalité auprès du service d'insertion et de probation. En outre, il ressort des pièces du dossier que des éléments de personnalité ont été recueillis lors de l'enquête, concernant notamment les précédentes convocations de M. D...devant la commission de discipline. En l'absence de toute précision sur les éléments complémentaires qui, selon l'intéressé, auraient dû être utilement mentionnés dans le rapport, le moyen tiré de la nullité du rapport d'enquête doit être écarté.

6. Aux termes de l'article R. 57-7-6 du code de procédure pénale : " La commission de discipline comprend, outre le chef d'établissement ou son délégataire, président, deux membres assesseurs ". Aux termes de l'article R. 57-7-8 du même code : " Le président de la commission de discipline désigne les membres assesseurs (...) ". Aux termes de l'article R. 57-7-13 du même code : " Le chef d'établissement ou son délégataire apprécie, au vu des rapports et après s'être fait communiquer, le cas échéant, tout élément d'information complémentaire, l'opportunité de poursuivre la procédure. Les poursuites disciplinaires ne peuvent être exercées plus de six mois après la découverte des faits reprochés à la personne détenue ".

7. Il est constant que les auteurs du rapport d'incident et du rapport d'enquête n'ont pas siégé à la commission de discipline du 18 juillet 2014. Cette commission était régulièrement composée d'un délégataire du chef d'établissement, président, et de deux membres assesseurs. Le directeur de détention, qui présidait cette commission bénéficiait à cet effet d'une délégation de compétence régulièrement publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture du Nord. Contrairement à ce que soutient M.D..., il ressort des pièces du dossier que l'assesseur extérieur était présent lors de cette commission, et qu'il était habilité pour ce faire par le président du tribunal de grande instance. Aucune disposition législative ou réglementaire n'impose que cette habilitation bénéficie d'une publicité particulière au sein de l'établissement, ni que la désignation par le président de la commission de discipline des assesseurs revête une forme particulière. Dans ces conditions, le moyen tiré de la composition irrégulière de la commission de discipline ne peut qu'être écarté.

8. Aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial établi par la loi, qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...) ".

9. Eu égard, d'une part, à la nature et au degré de gravité des sanctions disciplinaires encourues par les personnes détenues, qui n'ont, par elles-mêmes, pas d'incidence sur la durée des peines initialement prononcées, les dispositions relatives à la procédure disciplinaire applicable aux détenus ne sauraient être regardées comme portant sur des accusations en matière pénale au sens de ces stipulations. D'autre part, si les sanctions disciplinaires encourues par les personnes détenues peuvent entraîner des limitations de leurs droits et doivent être regardées de ce fait comme portant sur des contestations sur des droits à caractère civil, la nature administrative de l'autorité prononçant les sanctions disciplinaires fait obstacle à ce que les stipulations précitées soient applicables à la procédure disciplinaire dans les établissements pénitentiaires. Par suite, le requérant ne saurait utilement invoquer, à l'encontre de la décision en litige, la méconnaissance des stipulations de l'article 6 précité, dont les exigences sont, en tout état de cause et pour les motifs énoncés ci-dessus, respectées. Dès lors, les moyens tirés de l'atteinte au droit d'accès à un tribunal impartial et indépendant et à un procès équitable, de la confusion des fonctions d'instruction, de poursuite et de jugement, et de l'absence de publicité des débats ne peuvent qu'être écartés.

10. Aux termes de l'article R. 57-7-32 du code de procédure pénale : " La personne détenue qui entend contester la sanction prononcée à son encontre par la commission de discipline doit, dans le délai de quinze jours à compter du jour de la notification de la décision, la déférer au directeur interrégional des services pénitentiaires préalablement à tout recours contentieux. Le directeur interrégional dispose d'un délai d'un mois à compter de la réception du recours pour répondre par décision motivée. L'absence de réponse dans ce délai vaut décision de rejet ".

11. La personne détenue qui entend contester la sanction prononcée à son encontre par la commission de discipline, et a l'obligation de former un recours administratif préalable auprès du directeur interrégional des services pénitentiaires en application des dispositions précitées de l'article 57-7-32 du code de procédure pénale, peut, sans attendre l'issue de ce recours administratif préalable, exercer un recours juridictionnel, notamment dans le cadre des procédures de référé prévues par le livre V du code de justice administrative qui permettent notamment d'obtenir la suspension de la mesure. Dès lors, M. D...n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait été privé du droit à un recours effectif en violation des stipulations de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

12. Aux termes de l'article R. 57-7-16 du code de procédure pénale : " En cas d'engagement des poursuites disciplinaires, les faits reprochés ainsi que leur qualification juridique sont portés à la connaissance de la personne détenue (...) ". M. D...soutient qu'il n'a pas été en mesure de faire valoir sa défense en raison d'un changement dans la qualification des faits qui lui étaient reprochés. Il ressort en effet des pièces du dossier que, alors que dans le rapport d'enquête et dans la convocation de M. D...devant la commission de discipline, il était indiqué que les faits reprochés à l'intéressé relevaient du 1° de l'article R. 57-7-2 du code de procédure pénale et du 3° de l'article R. 57-7-3 du même code, la commission de discipline et le directeur interrégional des services pénitentiaires du Nord-Pas-de-Calais, Haute-Normandie et Picardie ont qualifié ces faits de tapage de nature à troubler l'ordre de l'établissement, faute disciplinaire du deuxième degré figurant au 17° de l'article R. 57-7-2 du code de procédure pénale. Il ressort toutefois des pièces du dossier qu'aucun changement n'a été apporté dans la relation des faits reprochés à M.D..., qui ont été rapportés de manière identique tant dans le rapport d'enquête et dans la convocation que dans la décision de la commission de discipline et la décision en litige. M.D..., dont le conseil était, en outre, présent durant la commission de discipline, a ainsi pu utilement préparer sa défense par rapports aux faits qui lui ont été reprochés, et qui sont à l'origine de la sanction disciplinaire. Il n'est en outre, ni établi, ni même soutenu, que M. D...n'aurait pas été mis à même de faire valoir ses observations quant à la nouvelle qualification donnée aux faits durant son audition, qualification qu'il n'a au demeurant pas contestée dans le cadre de son recours administratif préalable. La modification de la qualification des faits entre la décision de poursuite de la procédure et la décision de sanction n'a ainsi pas préjudicié aux droits de l'intéressé. Par suite, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'écarter le moyen tiré de l'atteinte aux droits de la défense de M.D....

13. Aux termes de l'article 7 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : " Nul homme ne peut être accusé, arrêté ni détenu que dans les cas déterminés par la Loi, et selon les formes qu'elle a prescrites (...) ". L'article 726 du code de procédure pénale prévoit que : " Le régime disciplinaire des personnes détenues placées en détention provisoire ou exécutant une peine privative de liberté est déterminé par un décret en Conseil d'Etat. / Ce décret précise notamment : 1° Le contenu des fautes disciplinaires, qui sont classées selon leur nature et leur gravité ; 2° Les différentes sanctions disciplinaires encourues selon le degré de gravité des fautes commises (...) ". Aux termes de l'article R. 57-7-2 du code de procédure pénale : " Constitue une faute disciplinaire du deuxième degré le fait, pour une personne détenue : (...) 17° De provoquer un tapage de nature à troubler l'ordre de l'établissement (...) ". Ces dispositions, qui définissent de manière suffisamment précise les faits incriminés et les sanctions encourues, ne portent pas atteinte au principe de légalité des délits et des peines garanti par l'article 7 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

14. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un détenu ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire sont établis, s'ils constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

15. Il ressort des pièces du dossier qu'il était reproché à M. D...d'avoir, le 13 juin 2014, refusé d'obéir à un surveillant qui lui demandait de circuler, et d'avoir hurlé " volontairement à très haute voix de manière à être entendu par les personnes détenues qui circulaient dans les couloirs à ce moment-là " des insanités. Ces faits, intentionnels et dont la matérialité n'est pas contestée par M.D..., ont pu, sans erreur de droit, être qualifiés tant par la commission de discipline que par le directeur interrégional des services pénitentiaires du Nord-Pas-de-Calais, Haute-Normandie et Picardie, de tapage de nature à troubler l'ordre de l'établissement, faute disciplinaire de deuxième degré. En outre, la sanction d'avertissement qui a été infligée à M. D...est proportionnée à la gravité des faits qui lui sont reprochés. Par suite, les moyens tirés de l'erreur de droit dans la qualification juridique des faits et de la disproportion de la sanction ne peuvent qu'être écartés.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que la décision du 28 août 2014 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires du Nord-Pas-de-Calais, Haute-Normandie et Picardie a rejeté son recours administratif contre la sanction infligée par la commission disciplinaire du centre pénitentiaire de Bapaume du 18 juillet 2014 serait entachée d'illégalité. Les conclusions de M. D...dirigées contre cette décision doivent, par suite, être rejetées.

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement des sommes que demande M. D... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1407240 du 29 décembre 2016 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. D...devant le tribunal administratif de Lille et devant la cour sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., à la garde des sceaux, ministre de la justice et à Me C...B....

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N°17DA00378


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17DA00378
Date de la décision : 12/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

37-05-02-01 Juridictions administratives et judiciaires. Exécution des jugements. Exécution des peines. Service public pénitentiaire.


Composition du Tribunal
Président : M. Sorin
Rapporteur ?: M. Julien Sorin
Rapporteur public ?: M. Minet
Avocat(s) : DAVID

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-02-12;17da00378 ?
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