Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure:
M. A...D...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 3 mai 2018 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a enjoint de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office.
Par un jugement n° 1804850 du 25 septembre 2018, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 2 octobre 2018, M.D..., représenté par Me C...F..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " sous astreinte de 50 euros par jour de retard.
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Paul-Louis Albertini, président-rapporteur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.D..., ressortissant algérien né le 3 septembre 1972, serait selon ses déclarations entré en France en 2014, muni de son passeport. Il est marié à Mme B...E..., ressortissante espagnole, et a pu bénéficier d'un titre de séjour en tant que conjoint d'une citoyenne européenne du 5 avril 2016 au 4 avril 2017. Le 24 mars 2017, il a sollicité le renouvellement de sa carte de séjour temporaire d'un an " membre de famille d'un citoyen de l'union européenne " en tant que conjoint d'une citoyenne européenne. Par un arrêté du 3 mai 2018, le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a enjoint de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office. M. D...relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le refus de titre de séjour :
2. Aux termes des dispositions de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : / 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; / (...) / 3° S'il est inscrit dans un établissement fonctionnant conformément aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur pour y suivre à titre principal des études ou, dans ce cadre, une formation professionnelle, et garantit disposer d'une assurance maladie ainsi que de ressources suffisantes pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 5° afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale ; / 4° S'il est un descendant direct âgé de moins de vingt et un ans ou à charge, ascendant direct à charge, conjoint, ascendant ou descendant direct à charge du conjoint, accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° ou 2° ; / 5° S'il est le conjoint ou un enfant à charge accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées au 3° ". Aux termes des dispositions de l'article L. 121-3 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le membre de famille visé aux 4° ou 5° de l'article L. 121-1 selon la situation de la personne qu'il accompagne ou rejoint, ressortissant d'un Etat tiers, a le droit de séjourner sur l'ensemble du territoire français pour une durée supérieure à trois mois. ". Aux termes des dispositions de l'article L. 511-3-1 du même code : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ou un membre de sa famille à quitter le territoire français lorsqu'elle constate : / 1° Qu'il ne justifie plus d'aucun droit au séjour tel que prévu par les articles L. 121-1, L. 121-3 ou L. 121-4-1 ; ".
3. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'un citoyen de l'Union européenne ne dispose du droit de se maintenir sur le territoire national pour une durée supérieure à trois mois que s'il remplit l'une des conditions alternatives exigées à cet article, au nombre desquelles figure l'exercice d'une activité professionnelle en France. La jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne énonce que doit être regardé comme travailleur au sens des dispositions du 1° de l'article précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, toute personne qui exerce une activité réelle et effective, à l'exclusion d'activités tellement réduites qu'elles se présentent comme purement marginales et accessoires.
4. Si les pièces que M. D...verse au dossier font apparaître que son épouse exerce une activité professionnelle depuis le 1er juillet 2015, il ressort toutefois du dossier, notamment des avis d'impôt et des attestations de déclarations de chiffre d'affaires, que celui-ci était de 4 500 euros au titre de l'année 2017, de 1 250 euros au titre du premier trimestre de l'année 2018 et de 2 400 euros au titre du deuxième trimestre de l'année 2018. Les activités qu'elle a exercées depuis son arrivée sur le territoire français présentaient ainsi un caractère purement marginal et accessoire ne lui permettant pas, dans ces conditions, de prétendre au bénéfice des dispositions précitées du 1° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni, par suite, de pouvoir se maintenir légalement plus de trois mois sur le territoire français. La circonstance que M. D...dispose d'une promesse d'embauche, au demeurant postérieure à la date de la décision, est en outre sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaquée. Par voie de conséquence, M. D...ne pouvait pas davantage bénéficier des dispositions précitées du 4° du même article pour se maintenir lui-même sur ce territoire au-delà de cette durée. Il suit de là que le moyen tiré par le requérant de ce que, pour refuser de l'admettre au séjour en tant que conjoint d'une ressortissante de l'Union européenne et lui faire obligation de quitter le territoire français, le préfet du Nord aurait méconnu ces dernières dispositions, doit être écarté.
5. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus. (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. Il ressort des pièces du dossier que M. D...déclare être entré en France en 2014, après avoir vécu jusqu'à l'âge de quarante-et-un-ans dans son pays d'origine, où résident sa mère et l'ensemble de ses frères et soeurs, et qu'il n'y est, dès lors, pas dépourvu d'attaches familiales. En outre, il ressort de ce qui a été dit au point 4 du présent arrêt, que son épouse est elle-même en situation irrégulière sur le territoire français. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision attaquée porterait au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par la décision et méconnaîtrait par suite les stipulations précitées de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté.
7. Aux termes des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant: " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Ces stipulations sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.
8. La décision en litige n'a pas pour effet de séparer l'enfant de M. D...de sa mère, ni de son père, dès lors qu'aucun obstacle sérieux ne s'oppose à ce que la cellule familiale se reconstitue en Algérie ou en Espagne, pays dont son épouse et son fils ont la nationalité. M. D... n'apporte en outre aucun élément de nature à établir que son fils, handicapé et accueilli en institut médico-éducatif, ne pourrait faire l'objet d'un traitement approprié à son handicap en Algérie ou en Espagne. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.
9. Le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination porterait atteinte au droit de M. D...de retourner éventuellement vivre en Espagne ne peut être qu'écarté dès lors que la décision fixe le pays de destination comme étant celui dont il a la nationalité ou le pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ou un autre pays, dans lequel il établirait être légalement admissible.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, assorties d'astreinte, ainsi que celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...D...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet du Nord.
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N°18DA01996
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