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31/01/2019 | FRANCE | N°18DA00991

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 31 janvier 2019, 18DA00991


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...B...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 12 mars 2018 par laquelle le préfet du Pas-de-Calais l'a assigné à résidence, d'annuler la décision implicite de refus d'enregistrement de sa demande d'asile en procédure normale et d'enjoindre au préfet du Pas-de-Calais d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale et de la transmettre à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.

Par un jugement n° 1802163 du 2

5 avril 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lil...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...B...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 12 mars 2018 par laquelle le préfet du Pas-de-Calais l'a assigné à résidence, d'annuler la décision implicite de refus d'enregistrement de sa demande d'asile en procédure normale et d'enjoindre au préfet du Pas-de-Calais d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale et de la transmettre à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.

Par un jugement n° 1802163 du 25 avril 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 12 mars 2018 par lequel le préfet du Pas-de-Calais l'a assigné à résidence.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 mai 2018, le préfet du Pas-de-Calais demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. C...A...B...devant le tribunal administratif de Lille.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Hervé Cassara, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte de l'article 29 du règlement du 26 juin 2013 que le transfert peut avoir lieu pendant une période de six mois à compter de l'acceptation de la demande de prise en charge, cette période étant susceptible d'être portée à dix-huit mois si l'intéressé " prend la fuite ". Aux termes de l'article 7 du règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003, qui n'a pas été modifié sur ce point par le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 : " 1. Le transfert vers l'Etat responsable s'effectue de l'une des manières suivantes : a) à l'initiative du demandeur, une date limite étant fixée ; b) sous la forme d'un départ contrôlé, le demandeur étant accompagné jusqu'à l'embarquement par un agent de l'Etat requérant et le lieu, la date et l'heure de son arrivée étant notifiées à l'Etat responsable dans un délai préalable convenu : c) sous escorte, le demandeur étant accompagné par un agent de l'Etat requérant, ou par le représentant d'un organisme mandaté par l'Etat requérant à cette fin, et remis aux autorités de l'Etat responsable (...) ". Il résulte de ces dispositions que le transfert d'un demandeur d'asile vers un Etat membre qui a accepté sa prise ou sa reprise en charge, sur le fondement du règlement du 26 juin 2013, s'effectue selon l'une des trois modalités définies à l'article 7 cité ci-dessus : à l'initiative du demandeur, sous la forme d'un départ contrôlé ou sous escorte.

2. Il résulte en outre des dispositions mentionnées au point précédent que, d'une part, la notion de fuite doit s'entendre comme visant le cas où un ressortissant étranger se serait soustrait de façon intentionnelle et systématique au contrôle de l'autorité administrative en vue de faire obstacle à une mesure d'éloignement le concernant. D'autre part, dans l'hypothèse où le transfert du demandeur d'asile s'effectue sous la forme d'un départ contrôlé, il appartient, dans tous les cas, à l'Etat responsable de ce transfert d'en assurer effectivement l'organisation matérielle et d'accompagner le demandeur d'asile jusqu'à l'embarquement vers son lieu de destination. Une telle obligation recouvre la prise en charge du titre de transport permettant de rejoindre l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile depuis le territoire français ainsi que, le cas échéant et si nécessaire, celle du pré-acheminement du lieu de résidence du demandeur au lieu d'embarquement. Enfin, dans l'hypothèse où le demandeur d'asile se soustrait intentionnellement à l'exécution de son transfert ainsi organisé, il doit être regardé comme en fuite au sens des dispositions de l'article 29 du règlement du 26 juin 2013 rappelées au point 1.

3. Il ressort des pièces du dossier que M. A...B...a été informé, par la remise d'un document récapitulant les modalités de son transfert par le pôle central d'éloignement de la police des frontières, qu'il a signé le 7 décembre 2017, de la réservation d'une place dans un train au départ de la gare de Boulogne-sur-Mer le 11 décembre 2017 à destination de l'aéroport de Roissy Charles-de Gaulle, via la gare de Lille-Europe, dans le but de prendre un vol le lendemain matin à destination de Vienne, en Autriche, et qu'ainsi, ses titres de transport avaient été pris en charge par l'administration. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que les autorités aient prévu d'assurer effectivement l'organisation matérielle et l'accompagnement de M. A...B...depuis l'embarquement jusqu'à son lieu de destination, une telle obligation recouvrant non seulement la prise en charge des titres de transport, mais aussi, le cas échéant et si nécessaire, celle du pré-acheminement du lieu de résidence du demandeur au lieu d'embarquement, ainsi qu'il a été dit au point 2. Dès lors, le départ de M. A...B...doit être regardé, dans les circonstances de l'espèce, comme ayant été laissé à son initiative au sens des dispositions mentionnées ci-dessus, et non comme ayant été organisé sous la forme d'un départ contrôlé ou sous escorte. S'il ressort des pièces du dossier que M. A... B...n'a pas embarqué dans le train précité au départ de la gare de Boulogne-sur-Mer, ce qui constitue un indice d'un comportement tendant à faire obstacle à la mesure d'éloignement le concernant, ce fait ne saurait suffire, à lui seul et alors qu'il soutenait en première instance sans être contredit avoir été dans l'impossibilité matérielle d'embarquer et qu'il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que le préfet du Pas-de-Calais aurait procédé à une quelconque autre démarche tendant à exécuter la mesure d'éloignement, à établir que M. A... B...se soit soustrait de façon intentionnelle et systématique au contrôle de l'autorité administrative en vue de faire obstacle à la mesure d'éloignement le concernant et qu'il puisse, ainsi, être regardé comme ayant pris la fuite au sens des dispositions mentionnées ci-dessus de l'article 29 du règlement (UE) n° 614/2013. Dès lors, le préfet du Pas-de-Calais disposait d'un délai de six mois, et non de dix-huit mois, à compter de l'acceptation implicite, née le 6 septembre 2017, de la reprise en charge de l'intéressé par les autorités autrichiennes, pour procéder à l'éloignement de M. A... B.... Par suite, l'arrêté en litige l'assignant à résidence, pris le 12 mars 2018, soit postérieurement au délai d'exécution du transfert de six mois imparti, est privé de base légale et doit être annulé.

4. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Pas-de-Calais n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 12 mars 2018.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet du Pas-de-Calais est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise pour information au préfet du Pas-de-Calais.

N°18DA00991 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18DA00991
Date de la décision : 31/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-05 Étrangers. Réfugiés (voir : Asile) et apatrides.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Hervé Cassara
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-01-31;18da00991 ?
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