Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL G-O Normandie a demandé au tribunal administratif de Rouen de la décharger des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période courant de septembre 2009 à avril 2011 ainsi que les intérêts de retard et amendes afférentes.
Par un jugement n° 1302780 du 7 juillet 2016 le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 6 septembre 2016, la SARL G-O Normandie, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de la décharger des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période courant de septembre 2009 à avril 2011 ainsi que des intérêts de retard et amendes afférentes.
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Xavier Fabre, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL G-O Normandie, qui exerce une activité de maçonnerie générale et de gros oeuvre, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 7 septembre 2009 au 31 mars 2010, étendue au 30 avril 2011 en matière de taxe sur la valeur ajoutée. A l'issue de cette vérification, l'administration fiscale a remis en cause le droit à déduction, par la société, de la taxe sur la valeur ajoutée facturée par la SARL Prestations Services et par la SARL Ceda Bat, au motif que les factures émises par ces deux sociétés constituaient des factures de complaisance. Ces factures ont également donné lieu à l'application de l'amende de 50 % prévue par les dispositions du 1 du I de l'article 1737 du code général des impôts. Le service a, enfin, également remis en cause la déduction de la taxe facturée par la SARL Etan au titre de dépenses de restaurant. La société G-O Normandie relève appel du jugement du 7 juillet 2016 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses conclusions tendant à la décharge de ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée et de l'amende prévue par l'article 1737 du code général des impôts.
Sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :
En ce qui concerne les factures de complaisance :
2. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " (...) / II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : / a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures ; / (...) ". Aux termes de l'article 272 du code général des impôts : " (...) 2. La taxe sur la valeur ajoutée facturée dans les conditions définies au 4 de l'article 283 ne peut faire l'objet d'aucune déduction par celui qui a reçu la facture. (...) ". Enfin, aux termes de l'article 283 du code général des impôts : " (...) 4. Lorsque la facture ne correspond pas à la livraison d'une marchandise ou à l'exécution d'une prestation de services, ou fait état d'un prix qui ne doit pas être acquitté effectivement par l'acheteur, la taxe est due par la personne qui l'a facturée. (...) ".
3. En vertu des dispositions combinées des articles 271, 272 et 283 du code général des impôts (CGI) précitées, un contribuable n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) dont il est redevable à raison de ses propres opérations, la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui n'est pas le fournisseur réel de la marchandise ou de la prestation effectivement livrée ou exécutée. Dans le cas où l'auteur de la facture est régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés, assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée et se présente comme tel à ses clients, il appartient à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y est mentionnée, d'établir qu'il s'agit d'une facture de complaisance et que le contribuable le savait ou ne pouvait l'ignorer. Si l'administration apporte des éléments suffisants en ce sens, il appartient alors au contribuable d'apporter toutes justifications utiles sur cette opération, sans qu'il ne puisse être exigé de lui des vérifications qui ne lui incombent pas.
4. Sur la période vérifiée, la société G-O Normandie est intervenue essentiellement sur des chantiers situés à Viroflay, dans le département des Yvelines, à Vitry-sur-Seine, dans le département du Val-de-Marne et à Paris. Pour réaliser ces chantiers, la SARL G-O Normandie a eu recours, selon ses dires, d'une part, à des personnels intérimaires mis à disposition par la SARL Prestations Service et, d'autre part, à la SARL Ceda Bat, entreprise sous-traitante.
5. Il résulte de l'instruction que les sociétés Prestations Services et Ceda Bat étaient régulièrement inscrites au registre du commerce et des sociétés, qu'elles étaient assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée et se présentaient comme telles à leurs clients. Il incombe donc à l'administration fiscale, pour refuser, comme elle l'a fait, le droit de déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, d'établir que les factures émises par les sociétés Prestation Services et Ceda Bat sont constitutives de factures de complaisance et que la société G-O Normandie le savait ou, à tout le moins, ne pouvait l'ignorer.
S'agissant de la SARL Prestation Services :
6. Il résulte de l'instruction, et n'est d'ailleurs pas contesté, qu'au cours des opérations de contrôle, la société appelante a indiqué à l'administration fiscale, qu'elle a eu recours à la SARL Prestations Services pour les chantiers de Vitry, Viroflay et de Paris.
7. En premier lieu, il résulte du droit de communication exercé auprès de l'URSSAF Paris-Région Parisienne par l'administration fiscale, que la SARL Prestation Services n'a déclaré qu'un seul salarié sur sa déclaration annuelle de données sociales déposée au titre de l'année 2009. Par ailleurs, pour 2010, cette déclaration n'a été déposée qu'au titre du premier semestre et n'a fait état que d'un seul salarié. Cette société n'a par ailleurs déposé, depuis sa création, qu'une seule déclaration d'impôt sur les sociétés, au titre de l'année 2007 et l'examen du bilan clos au titre de ce seul exercice fait apparaître l'absence totale de moyens tant matériels qu'humains. Ainsi cette société, dont il n'est par ailleurs pas établi qu'elle disposait de la garantie financière exigée par les dispositions des articles L. 1251-49 et suivants du code du travail, ne disposait pas des moyens humains pour réaliser les missions qui lui avaient été confiées par la société G-O Normandie. Il suit de là que, par les éléments qu'elle apporte, lesquels, contrairement à ce que soutient la requérante ne sont pas de nature purement formelle, l'administration apporte la preuve que les factures émises par la SARL Prestation Services et payées par la société G-O Normandie constituent des factures de complaisance.
8. En second lieu, d'une part, les factures émises par cette entreprise de travail intérimaire ne mentionnent pas le nom, la période précise de recours au salarié intérimaire ainsi que sa qualification. Elles ne font par ailleurs référence qu'à un seul et même numéro de chantier, dont le lieu n'est pas précisé, alors qu'ainsi qu'il a été dit au point 6, les personnels censément mis à la disposition de la société appelante intervenaient sur trois chantiers. Ces factures ne permettent donc de justifier ni que des personnels auraient été effectivement mis à disposition par la SARL Prestation Services, ni de la durée de cette mise à disposition, ni du chantier objet de cette mise à disposition. Au demeurant, par les autres documents produits, la société appelante ne justifie pas plus de ces informations. D'autre part, il ne résulte pas de l'instruction que la société appelante aurait, comme elle est tenue de le faire, soumis à l'agrément de son client donneur d'ordre, le recours à la SARL Prestation Services comme sous-traitant. Par ces éléments, le service apporte la preuve qui lui incombe de ce que la société G-O Normandie ne pouvait ignorer que les factures en cause étaient des factures de complaisance, les quelques documents produits à l'instance par cette société n'étant pas de nature à remettre en cause les éléments de preuve apportés par l'administration fiscale.
S'agissant de la SARL Ceda Bat :
9. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la société Ceda Bat n'a déposé aucune déclaration sociale et fiscale et il n'est donc pas établi qu'elle ait eu des salariés. Pour justifier de la réalité des relations commerciales avec cette société, la société appelante a produit un contrat de sous-traitance du 16 juillet 2010 avec cette société pour la réalisation du chantier dans le 19ème arrondissement de Paris pour un montant global hors taxe de 137 210 euros. Cependant le montant des prestations facturées par l'entreprise Ceda Bat s'élève au total à la somme de 211 928, 91 euros hors taxe pour la période du 1er avril 2010 au 30 avril 2011 sans que la société n'apporte aucun commencement d'explication sur cette différence par rapport au montant figurant au contrat de sous-traitance. L'administration fiscale, par les éléments dont elle fait ainsi état, doit être regardée comme établissant que les factures émises par la SARL Ceda Bat et payées par la société G-O Normandie constituent des factures de complaisance.
10. En second lieu, les factures de la société Ceda Bat, portant sur des montants pourtant importants, sont particulièrement peu précises, n'indiquant même pas le chantier dont il s'agit et ne permettent donc pas de déterminer le nombre de personnes qui seraient intervenues sur le ou les chantiers. De surcroît, alors que le service avait demandé au responsable des chantiers de la société G-O Normandie, par ailleurs époux de la gérante, d'indiquer le détail des chantiers sur lesquels la société Ceda Bat était intervenue ainsi que les moyens en personnel et les dates d'intervention, aucune indication précise n'a été fournie sur ce point et, de la même manière, en dépit de la demande du service, la société G-O Normandie n'a produit aucun compte-rendu de chantier. Enfin, le recours à la société Ceda Bat comme sous-traitant n'a pas été soumis à l'agrément du client de la société G-O Normandie, l'entreprise Sicra. Par de tels éléments, le service apporte la preuve qui lui incombe de ce que la société G-O Normandie ne pouvait ignorer que les factures avaient le caractère de factures de complaisance, les quelques documents produits à l'instance par cette société n'étant pas de nature à remettre en cause les éléments de preuve apportés par l'administration fiscale.
11. Il résulte de ce qui a été dit aux points 6 à 10 que c'est à juste titre que le service a remis en cause le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée des factures des SARL Prestation Services et Ceda Bat.
En ce qui concerne les factures fictives :
12. Un assujetti n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations la taxe portée sur des factures correspondant à des biens ou à des prestations de services qui ne lui ont pas été effectivement fournis, dès lors qu'il ne pouvait en ignorer l'existence.
13. La société G-O Normandie a déduit la taxe sur la valeur ajoutée afférente à des dépenses de repas de chantiers facturées par la société Etan, " restaurant le Beyti " à Cachan (94230), ces factures faisant état, selon les cas, de 25 à 75 repas facturés à des prix unitaires variant de 34, 25 euros à 75, 80 euros hors taxes. Le service doit être regardé comme ayant remis en cause le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée de ces factures au motif que les factures en cause présentaient un caractère fictif.
14. Il n'est pas contesté par la société appelante que ces factures, qu'elle n'a pas produites en dépit de la demande qui lui en a été faite tant en première instance qu'en appel, ne sont pas numérotées et ne détaillent ni le jour, ni la période de facturation, ni le lieu de la prestation. Si la société soutient, devant la cour, que ces repas étaient des repas de chantier, il n'est pas contesté que les explications apportées par la société sur ce point ont varié en cours de contrôle, le responsable des chantiers ayant affirmé un temps, que ces repas avaient été pris dans le restaurant de Cachan, ce qui apparaît peu vraisemblable compte tenu de la distance entre le restaurant et les chantiers, situés pour l'un à Viroflay et pour l'autre à Paris 19ème. Il n'est pas non plus contesté que les ouvriers bénéficient d'une prime de panier et qu'en principe l'employeur ne prend pas en charge les dépenses de nourriture. Enfin, si la société soutient que ces repas de chantier seraient une coutume et que " chaque corps de métier convie ainsi l'ensemble des autres intervenants à tour de rôle ", elle n'apporte la preuve ni de l'existence de cet usage ni de la réalité de ces grands repas qui seraient organisés à tour de rôle, alors que le prix unitaire payé apparaît par ailleurs élevé voire extrêmement élevé pour des repas de chantier, sans qu'aucun élément explicatif ne soit apporté à cet égard par la société appelante, la facture du 18 mars 2011 faisant même état d'un prix unitaire moyen de 70 euros. Ainsi, au regard de ce qui vient d'être dit, l'administration fiscale doit être regardée comme apportant suffisamment d'éléments de nature à établir que les factures en cause étaient fictives.
15. Il résulte de ce qui a été dit aux points 12 à 14 que c'est à juste titre que le service a remis en cause le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée des factures de la SARL Etan.
Sur les pénalités :
16. Aux termes de l'article 1737 du code général des impôts : " I. - Entraîne l'application d'une amende égale à 50 % du montant : / 1. Des sommes versées ou reçues, le fait de travestir ou dissimuler l'identité ou l'adresse de ses fournisseurs ou de ses clients, les éléments d'identification mentionnés aux articles 289 et 289 B et aux textes pris pour l'application de ces articles ou de sciemment accepter l'utilisation d'une identité fictive ou d'un prête-nom ; / (...) ".
17. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'administration, lorsqu'elle envisage de mettre en recouvrement l'amende fiscale qu'elle prévoit, d'apporter la preuve que les faits retenus à l'encontre du redevable entrent dans les prévisions de cet article sans qu'il soit requis qu'elle établisse la preuve d'un montage frauduleux, la preuve de la mauvaise foi du redevable ou la preuve de l'absence de collecte par le Trésor de la taxe déduite.
18. Il résulte de ce qui a été dit aux points 6 à 11 que l'administration fiscale établit suffisamment que la société G-O Normandie ne pouvait ignorer que les factures litigieuses émises par la SARL Prestation Services et par la société Ceda Bat étaient des factures de complaisance. Il suit de là qu'elle était fondée à infliger à cette société l'amende prévue par les dispositions précitées du code général des impôts, peu important que l'identité du véritable prestataire ne soit pas indiquée par l'administration.
19. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la SARL G-O Normandie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses conclusions à fin de décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période courant de septembre 2009 à avril 2011 ainsi que les intérêts de retard et amendes afférentes. Par voie de conséquence, les conclusions qu'elle présente à l'encontre de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SARL G-O Normandie est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL G-O Normandie, à Me C...B..., liquidateur judiciaire de la SARL G-O Normandie et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
N°16DA01580
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