La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/01/2019 | FRANCE | N°16DA01537

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4e chambre - formation à 3, 22 janvier 2019, 16DA01537


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...E...a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaire d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2007 à 2009 et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2007.

M. C...E...a également demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires de contributions sociales auxquelles il

a été assujetti au titre des années 2008 et 2009.

Par un jugement n° 1503850, 1508519...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...E...a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaire d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2007 à 2009 et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2007.

M. C...E...a également demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2008 et 2009.

Par un jugement n° 1503850, 1508519 du 9 juin 2016, le tribunal administratif de Lille a joint les deux requêtes, a fait partiellement droit aux demandes de M. E...et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 26 août 2016, 30 avril 2017, 6 avril et 13 avril 2018, M. C...E...puis, après son décès, le 13 février 2017, M. A...D..., ayant repris l'instance en tant que légataire universel, représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 9 juin 2016 en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales restant à sa charge au titre des années 2007, 2008 et 2009 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

---------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958 modifiée ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rodolphe Féral, premier conseiller,

- les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., représentant M. D...légataire universel de M.E....

Considérant ce qui suit :

1. M. C...E...était gérant salarié de la société Sodarex dont le siège social se situe au Luxembourg. Cette société de droit luxembourgeois est associée dans la société immobilière Bellevue établie en France. A l'issue des opérations de vérification de comptabilité de ces deux sociétés, M. E...s'est vu notifier des rehaussements en matière d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux au titre des années 2007 à 2009. M. E...a ainsi demandé au tribunal administratif de Lille, par deux requêtes, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2007 à 2009. Par un jugement unique du 9 juin 2016, le tribunal administratif de Lille a partiellement fait droit à la demande de l'intéressé en réduisant ses bases d'impositions à l'impôt sur le revenu au titre des années 2007 à 2009 et en prononçant la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales correspondantes. M. A...D..., légataire universel de M. C...E...a déclaré reprendre l'instance introduite par ce dernier, qui avait relevé appel de ce jugement du 9 juin 2016 en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions.

Sur l'étendue du litige :

2. Par une décision du 14 mai 2018, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur général des finances publiques a prononcé un dégrèvement d'un montant de 4 066 euros en droits et 2 115 euros de pénalités au titre de la cotisation supplémentaire de contributions sociales à laquelle M. E...a été assujetti au titre de l'année 2008 et un dégrèvement de 9 068 euros en droits et 4 280 euros de pénalités au titre de la cotisation supplémentaire de contributions sociales à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2009. Ces dégrèvements correspondent à la non-application de la majoration d'assiette de 25% pour l'établissement des contributions sociales assises sur les bénéfices et revenus mentionnés à l'article 158, 7-2° du code général des impôts. Les conclusions de la requête de M. D...légataire universel de M. E...sont, dans cette mesure, devenues sans objet.

Sur la régularité du jugement :

3. M. D...soutient que le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de ce que la mise à disposition d'un logement à Halluin a été imposée deux fois, à savoir, d'une part, dans la catégorie des traitements et salaires, en tant qu'avantage en nature versé par la SA Sodarex International et, d'autre part, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers en tant que revenu distribué par la SCI Bellevue. Toutefois, le tribunal dans le considérant 18 du jugement a considéré " que, toutefois, il résulte de l'instruction que l'administration a imposé les sommes correspondantes à l'avantage que lui a procuré la mise à disposition gratuite de cette maison en tant que revenus distribués imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ". Ainsi, en indiquant que les sommes en cause ont été imposées dans la seule catégorie des revenus de capitaux mobiliers, les premiers juges ont implicitement mais nécessairement écarté le moyen invoqué devant eux par le requérant tiré de la double imposition des sommes en cause. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient le requérant, le tribunal, dans le considérant 22 du jugement, a expressément écarté la prise en compte, dans le cadre de l'établissement de la balance de trésorerie, des sommes encaissées à la suite de la vente de véhicules, dès lors que le requérant n'établissait pas qu'il les aurait encaissées en 2008. Par suite, les moyens relatifs à des omissions à statuer qu'auraient commises les premiers juges doivent être écartés.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

4. Les irrégularités qui entachent les avis relatifs aux impositions recouvrées par voie de rôle sont sans influence sur la régularité ou le bien-fondé de ces impositions. Par suite, le requérant ne peut utilement se prévaloir, au soutien de ses conclusions aux fins de décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales qui ont été assignés à M. E..., des éventuelles erreurs et omissions que comporteraient les avis d'imposition correspondant à ces impositions.

5. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations (...) / Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable, sa réponse doit également être motivée ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée... ". Le caractère suffisant de la motivation d'une proposition de rectification doit être apprécié distinctement par chef de rehaussement.

6. Le requérant soutient tout d'abord, s'agissant des sommes regardées comme des revenus distribués à M. E...par la SCI Bellevue, que la proposition de rectification du 21 décembre 2011 mentionne que la SCI Bellevue a pris en charge certaines dépenses qui auraient du être payées par l'occupant, à savoir par M.E..., sans donner le détail de ces dépenses ni préciser s'il s'agit de dépenses à la charge du propriétaire ou de l'occupant et alors que la société est propriétaire de neuf immeubles. Toutefois, la proposition de rectification précise également, sous un intitulé " distribution SCI Bellevue ", le montant des dépenses diverses prises en charge par la société et les montants EDF, téléphone, eau et entretien Devraedt regardées comme des dépenses privées de M. E...pour l'immeuble situé 87 chemin de Tournai à Halluin. La proposition de rectification renvoie en outre expressément à un extrait de la proposition de rectification adressée à la SCI Bellevue, extrait qui a été joint en annexe et qui indique que les dépenses correspondent essentiellement à l'achat de mazout, au règlement de sommes au profit de personnes proches de M. E...dont l'identité est mentionnée, au règlement de locations à l'agence immobilière Clardim et à l'acquisition d'un cheval ou de chiens de défense. Dès lors, cette motivation répond aux exigences prévues par les dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales et permettait au contribuable de présenter utilement des observations pour contester ce chef de rehaussement.

7. Le requérant expose ensuite que la proposition de rectification du 21 décembre 2011, mentionne que des sommes ont été payées par chèque par la SCI Bellevue au profit de proches de M. E...et conclut que même s'il en a fait profiter son entourage, M. E...a été seul à disposer des liquidités retirées du compte bancaire de la SCI. Selon le requérant, un tel raisonnement serait incompréhensible sur un plan juridique. De même, le requérant indique que d'autres affirmations ou conclusions du service présentes dans la proposition de rectification ne sont pas fondées en droit. Toutefois, l'administration respecte l'obligation de motivation prévue par les dispositions précitées de l'article L. 57 lorsqu'elle énonce les motifs sur lesquels elle entend se fonder pour justifier les rehaussements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon utile. En revanche, le respect de cette obligation de motivation et, par suite, la régularité de la procédure d'imposition ne dépendent pas du bien-fondé des motifs ainsi exposés dans la proposition de rectification et du bien-fondé de la position prise par l'administration.

8. Enfin, le requérant soutient que la proposition de rectification du 21 décembre 2011, s'agissant des salaires et avantages en nature versés par la SA Sodarex International à M. E..., est insuffisamment motivée en ce qu'elle se borne à indiquer que, selon les constatations opérées par le service au cours du contrôle, cette société dispose d'un établissement stable en France, sans toutefois préciser la nature des constatations ainsi effectuées ni les faits retenus pour conclure à l'existence d'un établissement stable en France. Cependant, il résulte de l'instruction que l'existence d'un établissement stable en France ne constitue pas un motif ayant fondé le rehaussement en cause au regard de la loi fiscale française, celui-ci étant fondé, ainsi que cela ressort des termes mêmes de la proposition de rectification, sur les seuls articles 4 B et 79 du code général des impôts et sur le fait que M. E...avait son domicile fiscal en France. Si le vérificateur a mentionné l'existence d'un établissement stable en France dans la suite de la proposition de rectification, cette mention visait seulement à justifier que l'article 14 de la convention fiscale franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958 modifiée ne faisait pas obstacle à l'application de la loi fiscale française. Toutefois, l'article 14 de la convention fiscale franco-luxembourgeoise prévoit que les traitements, salaires et autres rémunérations ne sont imposables que sur le territoire de l'Etat dans lequel s'exerce l'activité personnelle source de revenu. Ainsi, le seul critère d'application de cet article est, pour un salarié, le lieu d'exercice de son activité personnelle, ce qui ne dépend pas de l'existence dans le même Etat d'un établissement stable de la société rémunérant le salarié. Par suite, une éventuelle insuffisance de motivation sur les éléments retenus par l'administration pour affirmer l'existence d'un établissement stable en France de la SA Sodarex est sans influence sur la régularité de la procédure.

Sur le bien-fondé des impositions :

9. Si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition. Par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification. Il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer, en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s'agissant de déterminer le champ d'application de la loi, d'office, si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale. Il en est ainsi à l'égard de toute convention ayant cet objet alors même qu'elle définirait directement les critères de la résidence fiscale à prendre en compte pour les besoins de son application.

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale française :

S'agissant des salaires et avantages en nature versés par la SA Sodarex International :

10. Aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus ". Aux termes du 1 de l'article 4 B du même code : " Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal (...) ". Aux termes de l'article 79 du même code : " Les traitements indemnités, émoluments, salaires pensions et rentes viagères concourent à la formation du revenu global servant de base à l'impôt sur le revenu... ". Enfin, aux termes de son article 82 : " Pour la détermination des bases d'imposition, il est tenu compte du montant net des traitements, indemnités et émoluments, salaires, pensions et rentes viagères, ainsi que de tous les avantages en argent ou en nature accordés aux intéressés en sus des traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères proprement dits... ".

11. Il résulte de l'instruction que M. E...résidait habituellement à Halluin au cours des années en litige. Il est constant, d'une part, qu'il détient des comptes dans des établissements bancaires ouverts en France et que, d'autre part, les fiches de paie de l'année 2007 émanant de son employeur, la SA Sodarex Internationalmentionnent son adresse française à Halluin. En outre, M. E...indique lui-même avoir souscrit des déclarations de revenus en France au cours des années 2007 à 2009 dans lesquelles il a déclaré les salaires perçus de la part de la SA Sodarex International. Dès lors, M. E...doit être regardé comme ayant disposé d'un foyer fiscal en France au sens et pour l'application des dispositions de l'article 4 A précité du code général des impôts au cours des années en litige. Par suite, il était, au regard de la loi fiscale française, imposable en France pour l'ensemble de ses revenus et notamment les salaires et avantages en nature dont il a pu bénéficier de la part de la SA Sodarex International, sans qu'il soit nécessaire de rechercher si cette société bénéficiait d'un établissement stable en France, ainsi qu'il a été dit au point 8 du présent arrêt.

12. Le requérant soutient qu'il ne saurait y avoir d'avantage en nature consenti par la SA Sodarex à M. E...pour le logement situé 87 chemin de Tournai à Halluin, dès lors que ce bien appartient à la SCI Bellevue. Toutefois, il résulte de l'instruction que la mise à disposition du logement d'Halluin par la SCI Bellevue a été regardée par l'administration comme une libéralité consentie à M. E...non par la SA Sodarex mais par la seule SCI Bellevue. Cette libéralité a été imposée en tant que revenu distribué entre ses mains sur le fondement des dispositions du c) de l'article 111 du code général des impôts. Par suite, s'agissant d'un avantage consenti par une autre société que la SA Sodarex, il y a lieu d'écarter comme inopérant le moyen tiré du mal fondé de l'imposition d'un avantage nature résultant de la mise à disposition du logement d'Halluin par la SA Sodarex.

13. Si le requérant soutient également que la somme correspondant à cet avantage en nature aurait été imposée deux fois, à savoir, d'une part, en tant qu'avantage en nature dans la catégorie des traitements et salaires et, d'autre part, en tant que revenu distribué dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, il ressort toutefois de l'instruction, et notamment de la proposition de rectification que cette somme a été imposée uniquement au titre des revenus de capitaux mobiliers. La somme de 12 000 euros retenue au titre de chacune des années en litige au titre des avantages en nature versés par la SA Sodarex en raison de la mise à disposition d'un logement, se rapporte uniquement à un autre logement, situé rue Balard à Paris. Par suite, le moyen tiré d'une double imposition doit être écarté.

14. Le requérant soutient que l'administration fiscale ne démontre pas que M. E...aurait fait un usage à des fins personnelles de quatre véhicules de la SA Sodarex International au cours des années en litige. Il est cependant constant que la SA Sodarex ne compte qu'un seul salarié en la personne de M. E...et il n'est pas contesté par le requérant que ces véhicules étaient stationnés au domicile de M. E...à Halluin. Si le requérant soutient également que l'un de ces quatre véhicules, de marque Bentley, n'a jamais appartenu à la SA Sodarex, dès lors qu'il n'a jamais figuré à son bilan et que l'administration fiscale luxembourgeoise n'a pas prononcé de rectification en matière de taxe sur la valeur ajoutée à raison de ce véhicule comme elle l'avait initialement prévu, l'administration fiscale fait valoir, sans être contestée, que ce véhicule a été immatriculé en France au nom de la société Sodarex, les frais d'immatriculation lui étant facturés et que ce véhicule a été pris en location par la société Sodarex. Le requérant reconnait d'ailleurs lui-même dans ses écritures devant la cour que le véhicule a été loué à la société Sodarex en application d'un contrat écrit. En conséquence, c'est à bon droit que l'administration fiscale a retenu ce véhicule de marque Bentley parmi les quatre véhicules mis à disposition de M. E... à titre d'avantage en nature.

15. Le requérant soutient enfin que la SA Sodarex a déjà imputé sur ses salaires bruts un avantage en nature mensuel de 428,52 euros à raison de l'utilisation de véhicules, et qu'ainsi cet avantage a déjà été soumis à l'impôt. Si l'intéressé produit six bulletins de salaire de l'année 2007 de M. E...faisant apparaitre cette imputation, il ne produit en revanche aucun bulletin de salaire au titre des années 2008 et 2009 permettant d'établir qu'un avantage en nature pour utilisation de véhicules aurait été imputé sur le salaire de M. E...au titre de ces deux années. En outre, le bulletin de salaire de décembre 2007 fait état d'un montant de revenu imposable de 60 884,48 euros au titre de cette année, alors que l'intéressé n'a déclaré pour cette année 2007 qu'un montant de 56 057 euros. Il n'est donc pas établi que l'avantage en nature figurant sur les fiches de paie produites aurait déjà été imposé. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que le parc automobile détenu par la SA Sodarex était plus important puisque la société disposait au cours de l'année 2007 de quatre autres véhicules que ceux retenus par l'administration fiscale et il n'est pas contesté que le parc automobile de la société était stationné au domicile personnel de M.E.... Ainsi, il n'est pas établi que l'avantage porté sur les fiches de paie au titre de l'année 2007 concernait les véhicules retenus par l'administration pour établir dans le rehaussement. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a imposé, pour les montants qu'elle a retenus, la mise à disposition de ces véhicules dans la catégorie des traitements et salaires en tant qu'avantages en nature.

S'agissant des revenus distribués par la SCI Bellevue :

16. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) / c. Les rémunérations et avantages occultes ; / (...) ".

17. Constitue un acte anormal de gestion, l'acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt. Les abandons de créances et les avantages accordés par une entreprise au profit d'un tiers ne relèvent pas, en règle général, d'une gestion commerciale normale, sauf s'il apparaît qu'en consentant de tels avantages, l'entreprise a agi dans son propre intérêt. Il appartient à l'administration d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer qu'un abandon de créance consenti par une entreprise à un tiers constitue un acte anormal de gestion. Toutefois, elle est réputée apporter cette preuve dès lors que l'entreprise n'est pas en mesure de justifier qu'elle a bénéficié en retour de contreparties.

18. Il résulte de l'instruction que la SCI Bellevue, propriétaire de l'immeuble situé 87 chemin de Tournai à Halluin a, par contrat de prêt à usage en date du 3 septembre 2006, mis à disposition de M. E...ce bien pour une période de cinquante années. En mettant à disposition de M.E..., par ce contrat de prêt, un immeuble à titre gratuit, la SCI Bellevue lui a consenti un avantage. Or, le requérant ne justifie pas d'une contrepartie apportée à la société ou de l'intérêt pour celle-ci de consentir ce prêt à titre gratuit et de se priver de la perception du montant d'un loyer. En conséquence, c'est à bon droit que l'administration a pu regarder la conclusion de ce prêt comme constitutive d'un acte anormal de gestion et réintégrer dans les revenus de M. E...le montant non contesté des loyers non perçus, en tant qu'avantage occulte imposable dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers au titre des années 2008 et 2009 sur le fondement des dispositions citées au point précédent.

19. Si le requérant allègue également que parmi les dépenses prise en charge par la SCI Bellevue et regardées comme des dépenses privées de M. E...par l'administration figurent le paiement des primes d'assurance des immeubles appartenant à la SCI Bellevue ainsi que des taxes foncières afférentes à ces immeubles, il n'assortit pas ce moyen des précisions suffisantes pour permettre à la cour d'en apprécier le bien-fondé.

S'agissant des revenus d'origine indéterminée :

20. Dans sa rédaction applicable à la procédure de rectification en litige, le troisième alinéa de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales dispose que l'administration peut demander des justifications au contribuable " lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés ". Aux termes de l'article L. 69 du même livre : " (...) sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16 ". Il appartient au juge de l'impôt de vérifier que les éléments invoqués en ce cas par l'administration constituaient des indices suffisants de dissimulation de revenus. Dans le cas où l'administration se fonde sur l'existence dans la balance de trésorerie qu'elle dresse, d'un déséquilibre entre les ressources connues et les disponibilités employées, il incombe au juge de s'assurer que le solde ainsi établi présente un caractère significatif et ne résulte, ni d'une évaluation arbitraire des dépenses de train de vie, ni de l'inclusion dans les disponibilités engagées d'éléments de patrimoine dont rien ne permet de présumer l'acquisition au cours de la période vérifiée.

21. En l'espèce la procédure rappelée au point précédent a été mise en oeuvre pour taxer d'office certains revenus dont l'origine n'a pu être déterminée, la somme en cause étant constituée par le solde d'une balance de trésorerie établie par l'administration. Le requérant estime toutefois que les ressources connues de l'année 2008 ont été minorées à hauteur d'un montant de 354 000 euros correspondant à la vente, en 2007, par M. E...à la société Sodarex de trois véhicules dont il était propriétaire. Toutefois, il résulte de l'instruction que la somme en cause ne se retrouve au crédit d'aucun des comptes bancaires utilisés par le contribuable pour la période en litige. Par suite, cette somme ne pouvait être utilisée dans l'établissement de la balance de trésorerie au titre des ressources d'origine connue.

22. Le requérant soutient également que, si dans les " disponibilités employées " de la balance de trésorerie figuraient les sommes de 15 500 euros pour 2008 et 108 550 euros pour 2009 au titre des " Dépenses SCI Bellevue ", l'administration a omis de mentionner les mêmes sommes, correspondant aux prélèvements d'espèces sur le compte bancaire de la SCI Bellevue dans la colonne " ressources connues " conduisant ainsi à une double imposition des sommes en question à la fois en tant que revenus d'origine indéterminée et en tant que revenus de capitaux mobiliers. Toutefois, il résulte de l'instruction que, si les sommes en cause figurent dans la colonne " disponibilités employées " et ne figurent pas dans la colonne " ressources connues ", l'administration fiscale après avoir fait la soustraction entre ces deux colonnes et constaté un solde de balance de trésorerie inexpliqué a déduit de ce solde, avant de l'imposer comme revenu d'origine indéterminée, les montants éventuellement justifiés après demande auprès du contribuable et les " Distributions SCI Bellevue " pour des montants de 15 500 euros et 108 550 euros. Ainsi, les sommes en cause n'ont fait l'objet d'aucune imposition en tant que revenus d'origine indéterminée, mais seulement en tant que revenus de capitaux mobiliers. Par suite, le moyen tiré d'une double imposition doit être écarté.

En ce qui concerne l'application de la convention fiscale entre la France et le Luxembourg :

23. Aux termes de l'article 11 de la convention fiscale franco-luxembourgeoise : " Les tantièmes, jetons de présence et autres rémunérations des membres des conseils d'administration et des conseils de surveillance des sociétés par actions sont imposables dans celui des deux Etats où se trouve le domicile fiscal de la société ".

24. Le requérant soutient que l'administration ayant qualifié M. E...d'ayant-droit économique de la SA Sodarex dans la proposition de rectification de décembre 2010 afférente à l'année 2007, il doit donc être considéré comme un dirigeant de fait et, à ce titre, les rémunérations qu'il perçoit de la part de la SA Sodarex relèvent de l'article 11 précité de la convention fiscale franco-luxembourgeoise et sont donc imposables uniquement au Luxembourg. Toutefois, il résulte de l'instruction, notamment des mentions figurant sur ses fiches de paie produites, que les rémunérations versées par la SA Sodarex à M. E...l'ont été en sa qualité d'agent commercial et non pour des fonctions de membres d'un conseil d'administration ou d'un conseil de surveillance. De même, il ne résulte pas de l'instruction que les sommes regardées comme constituant des avantages en nature consentis à l'intéressé par la SA Sodarex auraient été versées à titre de rémunération en qualité de membre d'un conseil d'administration ou d'un conseil de surveillance. Par suite, les dispositions de l'article 11 de la convention fiscale franco-luxembourgeoise ne font pas obstacle à l'imposition en France dans la catégorie des traitements et salaires des sommes versées par la SA Sodarex International à M. E...à titre de salaire ou d'avantages en nature.

25. Aux termes de l'article 14 de la convention fiscale franco-luxembourgeoise : " (...) les traitements, salaires et autres rémunérations analogues ne sont imposables que dans l'Etat sur le territoire duquel s'exerce l'activité personnelle source de revenus ".

26. Il résulte de ces stipulations que les traitements, salaires et autres rémunérations ne sont imposables que sur le territoire de l'Etat dans lequel s'exerce l'activité personnelle source de revenu. Ainsi, le seul critère d'application de cet article est, pour un salarié, le lieu d'exercice de son activité personnelle, critère qui ne dépend pas de l'existence dans le même Etat d'un établissement stable de la société rémunérant le salarié. Or, il n'est pas contesté que M. E... exerçait en France les fonctions d'agent commercial pour le compte de la SA Sodarex International. Par suite, l'article 14 de la convention fiscale franco-luxembourgeoise ne faisait pas obstacle à l'imposition en France dans la catégorie des traitements et salaires des sommes perçues par M. E...de la part de la SA Sodarex.

27. Aux termes de l'article 24-1 de la convention fiscale franco-luxembourgeoise : " Tout contribuable qui prouve que les mesures prises par les autorités fiscales des deux Etats contractants ont entraîné pour lui une double imposition en ce qui concerne les impôts visés par la présente convention, peut adresser une demande soit aux autorités compétentes de l'Etat sur le territoire duquel il a son domicile fiscal, soit à celles de l'autre Etat. Si le bien-fondé de cette demande est reconnu, les autorités compétentes des deux Etats s'entendent pour éviter de façon équitable la double imposition ".

28. Si le requérant fait valoir que la SA Sodarex a déjà pratiqué une retenue à la source sur les rémunérations versées à M. E...au cours des années en litige correspondant à l'impôt sur le revenu au Luxembourg ainsi que cela ressort des mentions figurant sur les fiches de paie produites et sur les attestations délivrées par les autorités fiscales luxembourgeoises, il ne résulte toutefois pas de l'instruction que le requérant aurait présenté à l'administration fiscale française, une demande d'ouverture de la procédure amiable prévue à l'article 24-1 de la convention fiscale franco-luxembourgeoise. Dans ces conditions et en tout état de cause, les retenues à la source prélevées par les autorités luxembourgeoises ne peuvent être déduites des impositions en litige dans le cadre de la présente procédure contentieuse. Il appartient seulement au requérant, s'il s'y croit fondé et recevable, de mettre en oeuvre les stipulations précitées de l'article 24 de la convention franco-luxembourgeoise.

Sur les pénalités pour manquement délibéré :

29. Aux termes des dispositions de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres incombe à l'administration ".

30. En premier lieu, il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a appliqué les pénalités pour manquement délibéré aux seuls avantages en nature versés par la SA Sodarex au titre des années en litige, mais non au montant des salaires. Dès lors, la circonstance invoquée par le requérant que M. E...avait déclaré le montant de ses salaires à l'administration fiscale dans les délais est inopérante. S'agissant des avantages en nature, l'administration fiscale fait valoir que M. E...était le seul salarié de la SA Sodarex et qu'il ne pouvait ignorer que les avantages en nature qui lui étaient versés chaque année par cette société étaient imposables en France au même titre que les salaires. Dans ces conditions, l'administration fiscale doit être regardée comme établissant le caractère délibéré du manquement concernant ce chef de rehaussement.

31. En deuxième lieu, s'agissant des dépenses privées de M. E...prises en charge par la SCI Bellevue et de la mise à disposition d'un logement à titre gratuit, l'administration fiscale fait valoir que l'intéressé disposait de la signature sur le compte bancaire de la SCI Bellevue et qu'il ne pouvait ignorer l'existence de la prise en charge, sur ce compte, de dépenses présentant un caractère personnel pour des montants de près de 134 000 euros en 2008 et de 299 763 euros en 2009. Dans ces conditions, l'administration fiscale doit être regardée comme établissant le caractère délibéré du manquement concernant ce rehaussement.

32. Enfin, l'administration fiscale fait valoir que l'appréhension de revenus d'origine indéterminée non appuyés de justification, d'ailleurs pour des montants importants au regard des autres revenus de l'intéressé en 2008 et 2009, démontre une intention de dissimulation et de volonté d'éluder l'impôt. Dans ces conditions, l'administration fiscale doit être regardée comme établissant le caractère délibéré du manquement concernant ce rehaussement.

33. Il résulte de tout ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort, que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté le surplus des conclusions de la requête de M. E...tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles celui-ci a été assujetti au titre des années 2007 à 2009.

Sur les frais liés à l'instance :

34. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

35. Les dispositions précitées font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante pour l'essentiel dans la présente instance.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête en ce qui concerne la cotisation supplémentaire de contributions sociales à laquelle M. E...a été assujetti au titre de l'année 2008 à concurrence de la somme de 4 066 euros en droits et 2 115 euros de pénalités et à hauteur de 9 068 euros en droits et 4 280 euros de pénalités au titre de la cotisation supplémentaire de contributions sociales à laquelle M. E...a été assujetti au titre de l'année 2009.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...D..., légataire universel de M. E...et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

2

N°16DA01537


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16DA01537
Date de la décision : 22/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Textes fiscaux - Conventions internationales.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Revenus des capitaux mobiliers et assimilables - Revenus distribués - Notion de revenus distribués - Imposition personnelle du bénéficiaire.


Composition du Tribunal
Président : Mme Grand d'Esnon
Rapporteur ?: M. Rodolphe Féral
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : DELATTRE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-01-22;16da01537 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award