Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D...A...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 14 février 2018 du préfet du Nord décidant de son transfert aux autorités espagnoles et l'assignant à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.
Par un jugement n°1801398 du 27 février 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 26 juin 2018 et un mémoire complémentaire enregistré le 4 décembre 2018, MmeA..., représentée par Me C...B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 14 février 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Nord de réexaminer sa situation, dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 ;
- le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Paul-Louis Albertini, président de chambre ;
- les observations de Me C...B..., représentant Mme D...A....
Considérant ce qui suit :
1. MmeA..., ressortissante guinéenne née le 24 juillet 1990, déclare être entrée en France le 3 octobre 2017. Elle a déposé une demande d'asile à la préfecture du Nord le 29 novembre 2017. Par un arrêté du 14 février 2018, le préfet du Nord a décidé du transfert de Mme A...aux autorités espagnoles et l'a assignée à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. Mme A...relève appel du jugement du 27 février 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur l'arrêté de transfert aux autorités espagnoles :
2. Aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement et, en tout cas, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de refuser l'admission provisoire au séjour de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend. Cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement.
4. Il ressort du compte-rendu du 29 novembre 2017, signé par MmeA..., qu'elle a été reçue en entretien en préfecture du Nord et que cet entretien a été réalisé en présence d'un interprète en langue peul guinéen, langue qu'elle a déclarée comprendre. Mme A...a également déclaré comprendre le français. Il ressort aussi de ce compte-rendu que l'intéressée s'est vu remettre à cette occasion le guide du demandeur d'asile ainsi que l'information sur les règlements communautaires, à savoir les broches A " j'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " et B " je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' ". En l'absence de tels documents rédigés en langue peul guinéen, les brochures lui ont été remises en langue française et les informations contenues dans ces brochures ont été portées à sa connaissance par l'intermédiaire d'un interprète. En outre, à côté des signatures de l'intéressée sur lesdites brochures, il est inscrit " je lis, je comprends et je parle le français ". Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article 4 du règlement n° 604/2013 doit être écarté.
5. Aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national (...) ".
6. Il ressort des pièces du dossier que l'entretien du 29 novembre 2017 s'est déroulé dans les locaux de la préfecture du Nord et il n'est pas sérieusement contesté que Mme A...a été reçue lors de cet entretien par un agent de la préfecture. Aucune disposition n'impose que soit portée la mention, sur le compte rendu individuel, de l'identité de l'agent qui a mené l'entretien. En l'absence d'élément permettant d'en douter, il doit être regardé comme une personne qualifiée en vertu du droit national pour mener l'entretien prévu par l'article 5 du règlement cité au point précédent et pour permettre au préfet de déterminer l'Etat responsable. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 doit être écarté.
7. Aux termes du paragraphe 3 de l'article 21 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Dans les cas visés aux paragraphes 1 et 2, la requête aux fins de prise en charge par un autre Etat membre est présentée à l'aide d'un formulaire type et comprend les éléments de preuve ou indices tels qu'ils figurent dans les deux listes mentionnées à l'article 22, paragraphe 3, et/ou les autres éléments pertinents tirés de la déclaration du demandeur qui permettent aux autorités de l'Etat membre requis de vérifier s'il est responsable au regard des critères définis dans le présent règlement. / La Commission adopte, par voie d'actes d'exécution, des conditions uniformes pour l'établissement et la présentation des requêtes aux fins de prise en charge (...) ". Aux termes de l'article 22 du même règlement : " 1. L'Etat membre requis procède aux vérifications nécessaires et statue sur la requête aux fins de prise en charge d'un demandeur dans un délai de deux mois à compter de la réception de la requête. / (...) / 7. L'absence de réponse à l'expiration du délai de deux mois mentionné au paragraphe 1 et du délai d'un mois prévu au paragraphe 6 équivaut à l'acceptation de la requête et entraîne l'obligation de prendre en charge la personne concernée, y compris l'obligation d'assurer une bonne organisation de son arrivée. ". Aux termes de l'article 15 du règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 : " 1. Les requêtes et les réponses, ainsi que toutes les correspondances écrites entre Etats membres visant à l'application du règlement (UE) n° 604/2013, sont, autant que possible, transmises via le réseau de communication électronique " DubliNet " établi au titre II du présent règlement / (...) / 2. Toute requête, réponse ou correspondance émanant d'un point d'accès national visé à l'article 19 est réputée authentique. / 3. L'accusé de réception émis par le système fait foi de la transmission et de la date et de l'heure de réception de la requête ou de la réponse ".
8. D'une part, il ressort des pièces du dossier que la demande adressée par le préfet du Nord aux autorités espagnoles, le 30 novembre 2017, a été transmise par l'intermédiaire du réseau de communication " DubliNet ", qui permet des échanges d'informations fiables entre les autorités nationales qui traitent les demandes d'asile. Ainsi, la copie de l'accusé de réception " DubliNet " versée aux débats par le préfet du Nord permet d'attester que les autorités espagnoles ont été saisies de la demande de prise en charge de Mme A...sur leur territoire. Dès lors que les autorités espagnoles ont gardé le silence sur cette demande, elles sont en outre réputées avoir donné leur accord implicite au terme du délai de réponse prévu par le règlement, comme en témoigne le " constat d'accord implicite " établi par la préfecture et transmis le 31 janvier 2018 aux autorités espagnoles, sans que cette nouvelle transmission n'ait suscité de réaction de leur part. Mme A...n'est, par suite, pas fondée à soutenir qu'il n'est pas démontré que la demande de prise en charge formée par le préfet du Nord a bien été envoyée aux autorités espagnoles et reçue par ces dernières.
9. D'autre part, l'appelant n'apporte aucun élément permettant de penser que cette demande n'aurait pas été formulée à l'aide d'un formulaire type prévu par les dispositions citées au point précédent. En tout état de cause, le fait que les autorités espagnoles n'auraient pas été saisies d'une demande présentée à l'aide d'un formulaire-type, est sans incidence sur la régularité de la procédure. Au demeurant, il ne ressort pas des pièces du dossier que les autorités espagnoles auraient estimé que les informations transmises par le préfet étaient insuffisantes pour leur permettre de se prononcer en toute connaissance de cause sur leur responsabilité avant que n'intervienne leur décision implicite d'acceptation. Dès lors, Mme A...n'est pas fondée à se prévaloir d'une irrégularité de la procédure à ce titre.
10. Aux termes de l'article 32 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Aux seules fins de l'administration de soins ou de traitements médicaux, notamment aux personnes handicapées, aux personnes âgées, aux femmes enceintes, aux mineurs et aux personnes ayant été victimes d'actes de torture, de viol ou d'autres formes graves de violence psychologique, physique ou sexuelle, l'Etat membre procédant au transfert transmet à l'Etat membre responsable des informations relatives aux besoins particuliers de la personne à transférer, dans la mesure où l'autorité compétente conformément au droit national dispose de ces informations, lesquelles peuvent dans certains cas porter sur l'état de santé physique ou mentale de cette personne. Ces informations sont transmises dans un certificat de santé commun accompagné des documents nécessaires. L'Etat membre responsable s'assure de la prise en compte adéquate de ces besoins particuliers, notamment lorsque des soins médicaux essentiels sont requis. / (...) ".
11. Les dispositions de l'article 32 du règlement (UE) n° 604/2013 sont relatives à l' " échange de données concernant la santé avant l'exécution d'un transfert ". De telles dispositions qui concernent le traitement de la personne transférée, une fois le transfert décidé, n'imposaient pas que celles-ci fussent communiquées aux autorités espagnoles avant l'exécution du transfert. Dès lors, le moyen tiré de ce que le préfet du Nord aurait méconnu les dispositions précitées est sans incidence sur la légalité de la décision ordonnant le transfert de Mme A...aux autorités espagnoles.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que la décision de transfert est entachée d'illégalité.
Sur la décision d'assignation à résidence :
13. Compte tenu de ce qui a été au point 12, Mme A...n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision de transfert à l'encontre de la décision d'assignation à résidence.
14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...A..., au ministre de l'intérieur et à Me C...B....
Copie en sera adressée pour information au préfet du Nord.
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N°18DA01302
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