Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. F... D...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'ordre de recouvrer valant titre exécutoire émis à son encontre le 6 juin 2014 par l'Agence de services et de paiement pour un montant de 10 940,18 euros, notifié par un avis de somme à payer du 11 août 2014, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux.
Par un jugement n° 1408902 du 16 juin 2016, le tribunal administratif de Lille a fait droit à sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 12 août 2016, l'Agence de services et de paiement, représentée par Me C...B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de première instance de M. D....
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (CE) n° 73/2009 du Conseil du 19 janvier 2009 ;
- le règlement (CE) n° 1122/2009 de la Commission du 30 novembre 2009 ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dominique Bureau, première conseillère,
- et les conclusions de Mme Anne-Marie Leguin, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. L'Agence de services et de paiement relève appel du jugement du 16 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé l'ordre de recouvrer valant titre exécutoire émis par l'Agence de services et de paiement à l'encontre de M. D..., le 6 juin 2014, pour un montant de 10 940,18 euros, et notifié par un avis de somme à payer du 11 août 2014, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux.
Sur la fin de non-recevoir opposée par M. D... :
2. Le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, qui a produit des observations en réponse à la communication par la cour de la requête de l'Agence de services et de paiement, ne peut être regardé comme un intervenant à l'instance. Il s'ensuit que la fin de non-recevoir opposée par M.D..., tirée de ce l'intervention du ministre ne peut être admise faute pour lui de justifier d'un intérêt suffisant, est sans objet et doit être rejetée.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. En premier lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 313-1 du code rural que l'Agence de services et de paiement, dont le président-directeur général a émis l'ordre de recouvrer contesté, est un établissement public à caractère administratif. Si, en vertu des mêmes dispositions, l'Agence est placée sous la tutelle de l'Etat, elle conserve le caractère d'une personne morale autonome. Ainsi, l'Etat n'ayant pas la qualité de partie à l'instance, ni les dispositions de l'article L. 611-1 du code de justice administrative, ni les principes du contradictoire et du droit à un procès équitable ne faisaient obligation au tribunal, qui n'avait pas à répondre expressément à l'Agence de services et de paiement sur ce point, d'appeler le ministre de l'agriculture et de l'alimentation en la cause et de lui communiquer la requête et les mémoires.
4. En second lieu, le tribunal n'a pas soulevé d'office le moyen tiré de ce que M. D... justifiait d'une convention d'occupation précaire consentie par les héritiers de M. E... A...pour l'année culturale 2013, dont M. D... s'était prévalu dans un mémoire en réplique enregistré devant le tribunal le 27 avril 2014. Il n'avait ainsi pas à informer les parties, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que le jugement à intervenir était susceptible d'être fondé sur ce moyen.
5. Il résulte de ce qui précède que les moyens tirés de l'irrégularité du jugement attaqué soulevés par l'Agence de services et de paiement doivent être écartés.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :
6. Aux termes de l'article 19 du règlement (CE) n° 73/2009 du Conseil du 19 janvier 2009, établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs : " Demande d'aide. 1. Chaque année, l'agriculteur introduit une demande pour les paiements directs, indiquant, le cas échéant : (...) b) les droits au paiement déclarés en vue de leur activation ; c) toute autre information prévue par le présent règlement ou par l'État membre concerné ". Aux termes de l'article 33 du même règlement : " Droits au paiement. 1. Peuvent bénéficier de l'aide au titre du régime de paiement unique les agriculteurs qui (...) b) reçoivent des droits au paiement en application du présent règlement : i) par transfert (...) ". Aux termes de l'article 34 de ce même règlement : " Activation des droits au paiement par hectare admissible. 1. L'aide au titre du régime de paiement unique est octroyée aux agriculteurs après activation d'un droit au paiement par hectare admissible. Les droits au paiement activés donnent droit au paiement des montants qu'ils fixent (...) ". Enfin, l'article 11 du règlement (CE) n° 1122/2009 de la Commission du 30 novembre 2009, d'application du précédent, prévoit qu'un agriculteur présentant une demande d'aide au titre de l'un des régimes d'aides " surfaces " ne peut déposer qu'une demande unique par an et que celle-ci est introduite avant une date fixée par les Etats membres, qui ne peut être postérieure au 15 mai.
7. Il résulte de ces dispositions que les agriculteurs sont tenus, en vue d'obtenir le paiement des aides auxquelles ils peuvent prétendre, d'adresser chaque année à l'administration, au plus tard le 15 mai, une demande précisant les droits à paiement unique qui leur ont été attribués ou transférés et contenant l'ensemble des informations nécessaires à l'administration pour décider de leur éligibilité à ces aides. En l'espèce, à l'appui de sa demande tendant à l'activation pour l'année culturale 2013 des droits à paiement unique portant, notamment, sur des terres qu'il exploitait en vertu d'une convention d'occupation précaire, M. D... s'est borné à fournir à la direction départementale des territoires et de la mer une attestation notariée qui n'était pas établie à son nom. Dans ces conditions, c'est à tort que, pour annuler l'ordre de recouvrer en litige, le tribunal administratif de Lille s'est fondé sur ce que M. D... produisait devant lui la convention d'occupation précaire qui lui transférait les droits revendiqués, alors que celui-ci n'en avait pas justifié devant l'administration.
8. Toutefois, la cour se trouve saisie, par l'effet dévolutif de l'appel, de l'ensemble des moyens présentés par M. D...tant en appel qu'en première instance.
En ce qui concerne les autres moyens :
9. L'ordonnateur de l'Agence de services et de paiement, lorsqu'il émet d'un ordre de recouvrer en vue de la récupération d'une aide indûment versée, est amené, en application de l'article 11 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, à constater préalablement les droits et obligations et à liquider la recette. Ainsi, il lui appartient de procéder à plusieurs vérifications, en particulier en ce qui concerne l'application des délais de prescription de l'action tendant à la répétition de l'aide indûment perçue ou le montant des sommes à recouvrer. Il n'est, dès lors pas en situation de compétence liée pour émettre un ordre de recouvrement, alors même que celui-ci tend à assurer l'exécution d'une décision des services de l'Etat sur les droits de l'intéressé. Les moyens relatifs à la régularité en la forme de l'ordre de recouvrer du 6 juin 2014 sont ainsi opérants.
10. Aux termes du deuxième alinéa de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 : " Toute créance liquidée faisant l'objet (...) d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation (...) ". Ainsi, alors même qu'il n'est pas au nombre des décisions devant être motivées en application de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, dont les dispositions désormais codifiées aux articles L. 211-2 et suivants du code des relations entre le public et l'administration, tout titre exécutoire doit indiquer les bases de la liquidation de la créance pour le recouvrement de laquelle il est émis et les éléments de calcul sur lesquels il se fonde, soit dans le titre lui-même, soit par référence précise à un document joint à l'état exécutoire ou précédemment adressé au débiteur.
11. En l'espèce, les mentions de l'ordre de recouvrer du 6 juin 2014 et l'avis de somme à payer du 11 août 2014 permettaient de comprendre que la somme de 10 940,18 euros, réclamée à M. D... à hauteur, après compensation, de 10 440 euros, correspondait à un indû d'aide découplée de la politique agricole commune, versée au titre de l'année culturale 2013. Toutefois, ces informations ne constituent pas une indication suffisante des bases de liquidation. Si, par ailleurs, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation établit que M. D... avait reçu le courrier de la direction départementale des territoires et de la mer du 28 mars 2014, auquel il a répondu le 7 avril 2014, qui identifiait précisément les droits à paiement unique concernés et explicitait les raisons pour lesquelles il ne pouvait y prétendre, ni l'ordre de recouvrer, ni l'avis de somme à payer en portant notification ne s'y référaient expressément. L'ordre de recouvrer du 6 juin 2014 est, ainsi, insuffisamment motivé.
12. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués par M. D..., que l'Agence de services et de paiement n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé l'ordre de recouvrer valant titre exécutoire émis à son encontre le 6 juin 2014 par le président-directeur général de l'Agence de services et de paiement pour un montant de 10 940,18 euros, notifié par un avis de somme à payer du 11 août 2014, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux.
Sur les conclusions présentées par M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Agence de services et de paiement une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. D... et non compris dans les dépens. En revanche, ces mêmes frais ne peuvent être mis à la charge de l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie à l'instance.
DÉCIDE :
Article1er : La requête de l'Agence de services et de paiement est rejetée.
Article 2 : L'Agence de services et de paiement versera à M. D... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'Agence de services et de paiement et à M. F... D....
Copie en sera adressée au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
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N°16DA01486