Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 7 décembre 2017 par lequel le préfet du Pas-de-Calais lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
Par un jugement n° 1710489 du 13 décembre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du préfet du Pas-de-Calais du 7 décembre 2017 en tant qu'il fixe l'Afghanistan comme pays de destination de la mesure d'éloignement.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 29 janvier 2018, le préfet du Pas-de-Calais demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter les conclusions de la demande de M. C... A...dirigées contre la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement.
-----------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Hervé Cassara, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. A la suite de son interpellation le 7 décembre 2017 à la frontière par les services de police, M. A..., se déclarant de nationalité afghane et démuni de toute pièce ou document d'identité, a fait l'objet le même jour d'un arrêté du préfet du Pas-de-Calais l'obligeant à quitter le territoire français, refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement et lui interdisant le retour sur le territoire français avant l'expiration du délai d'un an. Le préfet du Pas-de-Calais relève appel du jugement du 13 décembre 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé sa décision fixant l'Afghanistan comme pays de renvoi.
2. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". La Cour européenne des droits de l'homme a rappelé qu'il appartenait en principe au ressortissant étranger de produire les éléments susceptibles de démontrer qu'il serait exposé à un risque de traitement contraire aux stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, à charge ensuite pour les autorités administratives " de dissiper les doutes éventuels " au sujet de ces éléments (23 août 2016, J.K et autres c/ Suède, n° 59166/1228). Selon cette même cour, l'appréciation d'un risque réel de traitement contraire à l'article 3 précité doit se concentrer sur les conséquences prévisibles de l'éloignement du requérant vers le pays de destination, compte tenu de la situation générale dans ce pays et des circonstances propres à l'intéressé (30 octobre 1991, Vilvarajah et autres c. Royaume-Uni, paragraphe 108, série A n° 215). A cet égard, et s'il y a lieu, il faut rechercher s'il existe une situation générale de violence dans le pays de destination ou dans certaines régions de ce pays si l'intéressé en est originaire ou s'il doit être éloigné spécifiquement à destination de l'une d'entre elles. Cependant, toute situation générale de violence n'engendre pas un risque réel de traitement contraire à l'article 3, la Cour européenne des droits de l'homme ayant précisé qu'une situation générale de violence serait d'une intensité suffisante pour créer un tel risque uniquement " dans les cas les plus extrêmes " où l'intéressé encourt un risque réel de mauvais traitements du seul fait qu'un éventuel retour l'exposerait à une telle violence.
3. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée, en dépit de la gravité de la situation générale en Afghanistan, rendue publique par des rapports émanant d'organisations non gouvernementales et d'instances officielles, il régnait dans cet Etat une situation de violence généralisée telle qu'un civil de nationalité afghane devait de ce seul fait être regardé comme personnellement soumis à des risques de traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En revanche, il ressort des mêmes informations publiques qu'une situation de violence généralisée existe dans certaines provinces de cet Etat. Si M. A... fait valoir qu'il est originaire du district de Qarghayi au sein de la province de Laghman, province dans laquelle existe une situation de violence généralisée, il n'apporte à l'appui de ses allégations, aucun élément probant et vérifiable et, notamment, aucune précision d'ordre personnel quant à ses conditions de vie dans cette région, ni aucun élément relatif à ce qu'il y a lui-même vu ou subi et ne peut dès lors, eu égard au caractère succinct et peu précis de ses déclarations, être regardé comme établissant qu'il serait effectivement originaire de cette province. En outre, si M. A... soutient que son père était engagé dans l'armée afghane, qu'il a été tué par les talibans, que sa famille a été menacée par ces derniers, et que, de ce fait, il serait exposé à des risques personnels en cas de retour dans son pays d'origine, il n'assortit cette simple allégation d'aucun commencement de preuve et ne fournit aucun récit précis et circonstancié de ces évènements. Au demeurant, l'intéressé n'a déposé aucune demande d'asile en France ou dans les pays européens qu'il a traversés. Par suite, le préfet du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a estimé que la décision désignant l'Afghanistan comme pays de destination en cas d'exécution de l'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de M. A... avait méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
4. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... contre la décision fixant le pays de renvoi devant le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille.
5. Eu égard au caractère réglementaire des arrêtés de délégation de signature, soumis à la formalité de publication, le juge peut, sans méconnaître le principe du caractère contradictoire de la procédure, se fonder sur l'existence de ces arrêtés alors même que ceux-ci ne sont pas versés au dossier. Par un arrêté n° 2017-10-104 du 3 avril 2017, publié le même jour au recueil spécial n° 31 des actes administratifs de la préfecture du Pas-de-Calais, le préfet du Pas-de-Calais a donné délégation à M. D... B..., chef de la section éloignement, à l'effet de signer, notamment, la décision contestée. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte manque en fait et doit être écarté.
6. L'arrêté du 7 décembre 2017 du préfet du Pas-de-Calais énonce l'ensemble des considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde. Ces considérations sont suffisamment développées pour mettre utilement en mesure M. A... de discuter les motifs de la décision attaquée. La circonstance que le préfet du Pas-de-Calais n'ait pas mentionné tous les éléments factuels de la situation de l'intéressé n'est pas de nature à faire regarder cette motivation comme insuffisante. Ainsi, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et doit être également écarté.
7. Pour contester la décision fixant le pays de destination, M. A... invoque l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire national dont il avait, dans le délai de recours contentieux, demandé l'annulation au magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille. Le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a écarté dans son jugement l'ensemble des moyens invoqués par le requérant à l'encontre de la décision l'obligeant à quitter le territoire français. M. A... n'a pas formé d'appel incident à l'encontre de cette partie du jugement et n'apporte aucun élément nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation du premier juge sur ces moyens. Dès lors, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge d'écarter l'ensemble des moyens dirigés, par la voie de l'exception, contre la décision portant obligation de quitter le territoire national. Par suite, M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire national à l'encontre de la décision fixant le pays de destination.
8. Enfin, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 2 et 3, le préfet du Pas-de-Calais, en fixant l'Afghanistan comme pays de destination, n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
9. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Pas-de-Calais, à qui il appartiendra d'apprécier les conditions d'exécution de sa décision à la date à laquelle il l'exécutera et selon les principes rappelés au point 2, est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a, par l'article 1er du jugement attaqué, annulé la décision désignant le pays de renvoi en cas d'exécution d'office de l'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de M. A....
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 1er du jugement du 13 décembre 2017 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Lille, tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Pas-de-Calais du 7 décembre 2017 en tant qu'il désigne l'Afghanistan comme pays de renvoi, est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise pour information au préfet du Pas-de-Calais.
N°18DA00223 4