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20/12/2018 | FRANCE | N°16DA00864

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 20 décembre 2018, 16DA00864


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...A...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 31 août 2012 par laquelle le ministre de l'éducation nationale a prononcé à son encontre, à titre disciplinaire, la sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux ans assortie d'un sursis partiel d'un an.

Par un jugement n° 1206222 du 8 mars 2016, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistr

ée le 9 mai 2016, et un mémoire en réplique, enregistré le 29 octobre 2018, M. D...A..., repr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...A...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 31 août 2012 par laquelle le ministre de l'éducation nationale a prononcé à son encontre, à titre disciplinaire, la sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux ans assortie d'un sursis partiel d'un an.

Par un jugement n° 1206222 du 8 mars 2016, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 mai 2016, et un mémoire en réplique, enregistré le 29 octobre 2018, M. D...A..., représenté par Me B...C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 31 août 2012 par laquelle le ministre de l'éducation nationale a prononcé à son encontre, à titre disciplinaire, la sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux ans assortie d'un sursis partiel d'un an ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 82-451 du 28 mai 1982 ;

- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Hervé Cassara, premier conseiller,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,

- et les observations de Me B...C..., représentant M.A....

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., professeur certifié de lettres modernes, titulaire depuis le 1er septembre 1999 et affecté au collège Simone Signoret à Bruay-la-Buissière à compter de la rentrée 2007, a fait l'objet d'une suspension de ses fonctions à titre conservatoire par un arrêté du recteur de l'académie de Lille du 19 janvier 2012. La commission administrative paritaire académique compétente à l'égard des professeurs certifiés et siégeant en formation disciplinaire a émis un avis, lors de sa séance du 28 mars 2012, selon lequel " les faits reprochés justifient le prononcé de la sanction de révocation à l'encontre de M.A... ". Par un arrêté du 31 août 2012, le ministre chargé de l'éducation nationale a prononcé à l'encontre de M. A... la sanction disciplinaire de l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux ans, assortie d'un sursis partiel d'un an. M. A...relève appel du jugement du 8 mars 2016 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, d'une part, aux termes des stipulations du premier paragraphe de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice. (...) ". D'autre part, aux termes de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction applicable au présent litige : " (...) Aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le premier groupe par les dispositions statutaires relatives aux fonctions publiques de l'Etat, territoriale et hospitalière ne peut être prononcée sans consultation préalable d'un organisme siégeant en conseil de discipline dans lequel le personnel est représenté. (...) " et aux termes de l'article 28 du décret du 28 mai 1982 relatif aux commissions administratives paritaires : " La présidence de la commission administrative paritaire locale est exercée par l'autorité auprès de laquelle cette commission est placée. / En cas d'empêchement, le président désigne, pour le remplacer, un autre représentant de l'administration, membre de la commission administrative paritaire. Il en est fait mention au procès-verbal de la réunion ".

3. La contestation par un fonctionnaire de la sanction disciplinaire qui lui a été infligée n'est relative ni à un droit ou une obligation de caractère civil, ni au bien fondé d'une accusation en matière pénale. Ainsi, ce litige n'entre pas dans le champ d'application de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En outre, lorsque la commission administrative paritaire académique compétente à l'égard des professeurs certifiés et siégeant en formation disciplinaire est appelée à connaître, en vertu des dispositions précitées de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983, de l'éventualité d'infliger une sanction disciplinaire, elle ne dispose d'aucun pouvoir de décision et se borne à émettre un avis à l'autorité compétente sur le principe du prononcé d'une sanction disciplinaire et, s'il y a lieu, sur son quantum. Ainsi, cette commission ne constitue ni une juridiction, ni un tribunal au sens du premier paragraphe de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'avis de la commission administrative paritaire académique aurait été rendu en méconnaissance de ces stipulations ne peut être utilement invoqué et, par suite, le moyen tiré de l'inconventionalité des dispositions précitées de l'article 28 du décret du 28 mai 1982 ne peut qu'être écarté. Au surplus, en tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier que le principe d'impartialité aurait été méconnu en l'espèce du seul fait que la commission administrative paritaire académique était présidée par le secrétaire général adjoint de l'académie de Lille, comme M. A... se borne à le soutenir.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction applicable au présent litige : " (...) L'avis de cet organisme de même que la décision prononçant une sanction disciplinaire doivent être motivés ". Il ressort des termes mêmes de la décision en litige qu'elle comporte de manière détaillée les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et qu'elle est ainsi suffisamment motivée, contrairement à ce que soutient M.A.... Dès lors, le moyen ne peut qu'être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. Premier groupe : - l'avertissement ; - le blâme. Deuxième groupe : - la radiation du tableau d'avancement ; - l'abaissement d'échelon ; - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de quinze jours ; - le déplacement d'office. Troisième groupe : - la rétrogradation ; - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans. Quatrième groupe : - la mise à la retraite d'office ; - la révocation. / (...) L'exclusion temporaire de fonctions, qui est privative de toute rémunération, peut être assortie d'un sursis total ou partiel. Celui-ci ne peut avoir pour effet, dans le cas de l'exclusion temporaire de fonctions du troisième groupe, de ramener la durée de cette exclusion à moins de un mois. L'intervention d'une sanction disciplinaire du deuxième ou troisième groupe pendant une période de cinq ans après le prononcé de l'exclusion temporaire entraîne la révocation du sursis. En revanche, si aucune sanction disciplinaire, autre que l'avertissement ou le blâme, n'a été prononcée durant cette même période à l'encontre de l'intéressé, ce dernier est dispensé définitivement de l'accomplissement de la partie de la sanction pour laquelle il a bénéficié du sursis ".

6. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

7. Il ressort des pièces du dossier, notamment des nombreux témoignages produits par les parties, des rapports adressés par le principal du collège au rectorat, et du compte-rendu très détaillé de la séance du 28 mars 2012 de la commission administrative paritaire académique, qui a entendu de nombreux témoins et a longuement interrogé l'intéressé, que, s'agissant, en premier lieu, du comportement de M. A...vis-à-vis des élèves, il a, dès son affectation en 2007, puis, en particulier au cours des années scolaires 2010-2011 et 2011-2012, multiplié les punitions et exclusions de ses cours, ce qui a généré un climat de peur ressenti par plusieurs d'entre eux, alors que le principal de l'établissement, qui recevait des plaintes de certains parents, lui avait déjà demandé à de nombreuses reprises de veiller à mieux justifier et proportionner les sanctions ainsi infligées. En deuxième lieu, s'agissant des rapports de M. A...avec les parents d'élèves, il ressort des pièces du dossier que des plaintes récurrentes de certains de ces derniers au sujet du comportement de M. A..., qu'ils estimaient humiliant et menaçant vis-à-vis de leurs enfants, ont été adressées tant à la direction de l'établissement qu'aux services du rectorat, et que si l'intéressé sollicitait de rencontrer les parents d'élèves, il n'a que trop rarement cherché à apaiser le mécontentement de ces derniers. En troisième lieu, s'agissant de ses rapports avec ses collègues, il ressort des pièces du dossier que M. A... a fait montre à l'égard de certains d'entre eux, de manière réitérée, d'un comportement irrespectueux voire humiliant. Enfin, s'agissant de ses rapports avec sa hiérarchie, il ressort des pièces du dossier que M. A...a fait preuve, de manière récurrente, d'un comportement désobligeant et provocateur à son égard, y compris devant des élèves, des parents d'élèves ou des collègues, et qu'il a aussi méconnu, à plusieurs reprises, les instructions du principal du collège, alors que ce dernier et son adjointe ont cherché à mettre fin aux multiples situations conflictuelles qui résultaient, au moins partiellement, des agissements de M.A.... Ainsi, le comportement de M. A... a engendré au sein du collège Simone Signoret un climat persistant et généralisé de défiance à son égard, voire un sentiment de peur de certains élèves, ainsi que des relations très dégradées entre enseignants. Dès lors, contrairement à ce que soutient M. A..., il ressort des pièces du dossier que la matérialité des faits qui lui sont reprochés est établie. Par suite, le moyen tiré de l'inexactitude matérielle des faits doit être écarté.

8. Les faits relatés au point 7, par leur accumulation et la gravité de certains d'entre eux, compte tenu de l'attitude de M. A...qui n'a pas suffisamment cherché à apaiser les situations conflictuelles sur lesquelles le principal du collège a régulièrement attiré son attention, sans qu'il en tienne compte et amende sa manière de servir, et dont il a d'ailleurs continué à minimiser la gravité lors de son audition par la commission administrative paritaire académique du 28 mars 2012, constituent des fautes de nature à justifier une sanction disciplinaire.

9. Il ressort, certes, des pièces produites par M.A..., que plusieurs élèves et certains de leurs parents n'avaient aucun reproche à lui adresser, voire appréciaient la qualité de ses enseignements, que préexistaient, avant son affectation au collège Simone Signoret, des difficultés relationnelles au sein de l'équipe pédagogique de lettres, que les sanctions qu'il a infligées à certains collégiens étaient souvent justifiées par le comportement de ces derniers et, enfin, que de nombreux amis et quelques anciens collègues lui apportent leur soutien et témoignent de ses qualités personnelles et professionnelles. Toutefois, eu égard à la gravité des fautes commises par M.A..., dont certaines affectaient un public de collégiens fragiles par nature compte tenu de leur personnalité en construction, à leur caractère réitéré sans que M. A... ne fasse le nécessaire pour amender sa manière de servir en tenant compte des recommandations et des instructions de sa hiérarchie, au fait que le climat de défiance à son égard était de nature à porter atteinte au lien de confiance qui doit unir les enfants et leurs parents aux enseignants dans le cadre du service public de l'éducation nationale, et au fait que l'intéressé avait préalablement fait l'objet d'une précédente mesure disciplinaire de déplacement d'office pour des faits de harcèlement moral à l'égard d'un de ses collègues, à la suite de sa condamnation par la cour d'appel de Douai par un arrêt du 16 mars 2006 devenu définitif, la sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux ans, dont un an avec sursis, qui est d'ailleurs d'un degré moindre que la sanction de révocation préconisée à la majorité de ses membres par la commission administrative paritaire académique lors de sa séance du 28 mars 2012, ce qui révèle que le ministre a aussi tenu compte des éléments en faveur de l'intéressé, n'est pas, dans les circonstances de l'espèce, entachée d'erreur d'appréciation. Par suite, le moyen doit être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...A...et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16DA00864
Date de la décision : 20/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Motifs - Faits de nature à justifier une sanction.

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Sanctions.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Hervé Cassara
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : FILLIEUX - FASSEU AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 07/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2018-12-20;16da00864 ?
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