Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D...B...a demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner son employeur à lui payer, d'une part, des indemnités compensatrices de préavis et de licenciement, ainsi que le règlement de son compte épargne temps et la rémunération du point d'indice applicable depuis le 1er janvier 2014 et, d'autre part, des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Par un jugement n° 1403532 du 29 décembre 2016, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 17 février 2017, MmeB..., représentée par Me A... C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 29 décembre 2016 ;
2°) d'annuler la décision du centre hospitalier de Clermont de l'Oise prononçant son licenciement sans préavis, ni indemnité ;
3°) de condamner le centre hospitalier de Clermont de l'Oise à lui verser une somme de 30 312,96 euros à titre de dommages et intérêts en indemnisation des préjudices économique et moral qu'elle estime avoir subis à raison de son licenciement irrégulier et abusif ;
4°) d'enjoindre au centre hospitalier de Clermont de l'Oise de la réintégrer et de procéder à la reconstitution de sa carrière ;
5°) de mettre une somme de 1 200 euros à la charge du centre hospitalier de Clermont de l'Oise au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n° 91-155 du 6 février 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Anne-Marie Leguin, rapporteur public,
- et les observations de Me A...C..., représentant MmeB....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B...a été recrutée par le centre hospitalier de Clermont de l'Oise en qualité de secrétaire médicale, par contrat à durée déterminée à compter du 2 janvier 1997 puis à durée indéterminée à compter du 1er avril 2002. A la suite d'un incident survenu le 9 mai 2014 lors de sa reprise de fonctions à son retour d'un congé de maladie, ainsi que de manquements constatés depuis plusieurs mois dans l'exercice de ses fonctions, l'intéressée a fait l'objet d'une décision de licenciement pour faute, avec effet au 17 juillet 2014, par une décision du 14 août 2014. Mme B... relève appel du jugement du 29 décembre 2016 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Clermont de l'Oise à lui payer, d'une part, des indemnités compensatrices de préavis et de licenciement, ainsi que le règlement de son compte épargne temps et la rémunération du point d'indice applicable depuis le 1er janvier 2014 et, d'autre part, des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur l'acquiescement aux faits :
2. Aux termes de l'article R. 612-6 du code de justice administrative : " Si, malgré une mise en demeure, la partie défenderesse n'a produit aucun mémoire, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans les mémoires du requérant ". La cour a adressé le 8 septembre 2017 au centre hospitalier de Clermont de l'Oise une mise en demeure de produire des observations en défense dans un délai d'un mois. En l'absence de réponse à cette mise en demeure, le centre hospitalier doit être regardé comme ayant acquiescé aux faits exposés dans la requête de Mme B.... Cependant, cet acquiescement se limite à l'établissement des faits qui n'auraient pas été contestés dans les mémoires en défense de première instance de cet établissement en date des 19 septembre 2016 et 27 novembre 2016 et qui ne seraient pas contredits par les autres pièces du dossier.
Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du centre hospitalier de Clermont de l'Oise prononçant le licenciement de MmeB... :
3. MmeB..., qui a seulement demandé la condamnation de son employeur à lui payer, d'une part, des indemnités compensatrices de préavis et de licenciement, ainsi que le règlement de son compte épargne temps et la rémunération du point d'indice applicable depuis le 1er janvier 2014 et, d'autre part, des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, n'a présenté devant le tribunal aucune conclusion tendant à l'annulation de la décision du centre hospitalier de Clermont de l'Oise prononçant son licenciement. Ces conclusions à fin d'annulation, présentées pour la première fois en appel, sont par suite irrecevables.
Sur la recevabilité des conclusions indemnitaires :
4. La personne qui a demandé en première instance la réparation des conséquences dommageables d'un fait qu'elle impute à une administration est recevable à détailler ces conséquences devant le juge d'appel, en invoquant le cas échéant des chefs de préjudice dont elle n'avait pas fait état devant les premiers juges, dès lors que ces chefs de préjudice se rattachent au même fait générateur. Cette personne n'est toutefois recevable à majorer ses prétentions en appel que si le dommage s'est aggravé ou s'est révélé dans toute son ampleur postérieurement au jugement qu'elle attaque.
5. Mme B...justifie, par la production d'un bulletin de salaire du centre hospitalier de Clermont de l'Oise précisant qu'elle perçoit toujours des allocations de retour à l'emploi, de l'augmentation de ses prétentions par la circonstance que, depuis le prononcé du jugement le 29 décembre 2016, sa situation économique s'est aggravée du fait de l'impossibilité de retrouver un emploi stable à la suite de son licenciement. Par suite, elle est fondée à majorer ses prétentions en appel.
Sur le bien-fondé des conclusions indemnitaires :
En ce qui concerne le bien-fondé du licenciement :
6. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport de la cadre supérieure de santé chargée du pôle hospitalisation et consultations, que Mme B...a eu, le vendredi 9 mai 2014, un comportement inapproprié à son retour de congé de maladie en jetant les dossiers des patients au sol au travers de la pièce et en manifestant une mauvaise humeur et un énervement disproportionnés. L'intéressée a également eu un comportement irrespectueux vis-à-vis des personnes du service tentant de la calmer. En outre, il résulte de l'instruction, et il n'est pas réellement contesté, que, malgré un premier avertissement qui lui a été donné le 21 janvier 2014, dix dossiers réalisés en hôpital de jour n'ont pu être facturés et valorisés, à défaut de mise à disposition et de mise en état de ceux-ci par Mme B... avant la période de clôture budgétaire. En outre, le centre hospitalier justifie qu'en février 2014, Mme B...ne respectait pas l'objectif de délai de facturation moyen de huit jours fixé pour les dossiers des patients non-hospitalisés, avec un délai constaté de cinquante jours pour ces derniers et de soixante jours pour les dossiers des patients hospitalisés. Il justifie également qu'au 21 mai 2014, Mme B...n'avait qu'un taux de facturation de dossiers que de 29,41 % et qu'au 2 juin 2014, l'intéressée avait cumulé, sur un total de 358 dossiers qui lui étaient affectés, un retard de 287 dossiers non facturés, soit un taux de 80,17 %. Enfin, Mme B...n'a pas procédé, alors que cette tâche lui incombait, à l'enregistrement statistique des interruptions volontaires de grossesse auprès de l'agence régionale de santé, ce qui a dû être effectué, à deux reprises, par d'autres services. Les faits reprochés à Mme B...doivent, ainsi, être regardés comme établis.
7. Cependant, Mme B...soutient, pour la première fois en appel, et sans être contestée par le centre hospitalier réputé avoir acquiescé aux faits, que la diversité et l'ampleur des missions qui lui étaient confiées constituaient une charge de travail excessive, dépassant sensiblement ce qu'il est possible d'accomplir en une journée, expliquant que certaines d'entre elles, et notamment les facturations des dossiers patients, n'aient pu être menées à bien dans les délais impartis. Elle établit par ailleurs avoir connu plusieurs périodes de congés pour cause de maladie au cours de l'année 2014, sans que les missions qui lui étaient imparties aient été réalisées par d'autres agents durant son absence, de sorte qu'à son retour, l'apurement du passif accumulé s'ajoutait à son travail quotidien. Mme B...soutient en outre que son employeur avait accepté de la décharger de l'enregistrement statistique des interruptions volontaires de grossesse auprès de l'agence régionale de santé. Elle soutient également avoir, en vain, alerté sa hiérarchie sur la dégradation de ses conditions de travail. L'exactitude matérielle de ces faits n'est contredite par aucune pièce du dossier. Dans ces conditions, le défaut d'accomplissement des missions qui lui étaient confiées ne saurait être regardé comme présentant un caractère fautif. Si, en revanche, son mouvement d'humeur du 9 mai 2014 peut être qualifié de fautif, il n'est pas, à lui seul, de nature à fonder un licenciement disciplinaire. Dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, le centre hospitalier de Clermont de l'Oise, en prononçant le licenciement de l'intéressée à titre de sanction disciplinaire, a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation. L'illégalité ainsi commise est fautive et de nature à ouvrir à Mme B...un droit à indemnité.
En ce qui concerne le préjudice :
8. En premier lieu, aux termes de l'article 42 du décret n° 91-155 du 6 février 1991 : " En cas de licenciement des agents recrutés pour une durée indéterminée et des agents dont le contrat à durée déterminée est rompu avant le terme fixé, les intéressés ont droit à un préavis de : (...) / 3° Deux mois pour ceux qui ont au moins deux ans de services. Le préavis n'est pas dû en cas de licenciement prononcé soit à titre de sanction disciplinaire, soit pour inaptitude physique, soit à la suite d'un congé sans traitement d'une durée égale ou supérieure à un mois, soit au cours ou à l'expiration d'une période d'essai ".
9. Mme B...demande le versement d'une somme de 3 154 euros au titre de l'indemnité de préavis qu'elle aurait perçue si elle n'avait pas été licenciée à titre de sanction disciplinaire. Elle justifie, par le bulletin de paie du mois de juin 2014 produit, soit le dernier mois travaillé, qu'elle aurait perçu, pour les deux mois correspondant à la durée d'un préavis pour une agent ayant une ancienneté supérieure à deux ans de services, une rémunération nette d'un montant de 2 579,94 euros. Il y a ainsi lieu de lui allouer cette somme.
10. En deuxième lieu, aux termes de l'article 49 du décret du 6 février 1991 : " La rémunération servant de base au calcul de l'indemnité de licenciement est la dernière rémunération nette des cotisations de sécurité sociale et, le cas échéant, des cotisations d'un régime de prévoyance complémentaire effectivement perçue au cours du mois civil précédant le licenciement. Elle ne comprend ni les prestations familiales, ni le supplément familial de traitement, ni les indemnités pour travaux supplémentaires ou autres indemnités accessoires (...) ". Aux termes de l'article 50 du même décret : " L'indemnité de licenciement est égale à la moitié de la rémunération de base définie à l'article précédent pour chacune des douze premières années de services, au tiers de la même rémunération pour chacune des années suivantes, sans pouvoir excéder douze fois la rémunération de base. (...) / Pour l'application de cet article, toute fraction de services supérieure ou égale à six mois sera comptée pour un an ; toute fraction de services inférieure à six mois n'est pas prise en compte ".
11. Mme B...demande le versement de l'indemnité de licenciement correspondant à l'ancienneté dont elle disposait à la date de son licenciement, soit dix-sept ans, six mois et quinze jours. Il résulte de l'instruction que Mme B...a perçu, en juin 2014, une rémunération nette, calculée après soustraction de l'indemnité de sujétion spéciale au montant brut perçu, de 1 192,32 euros. Elle a été employée par le centre hospitalier de Clermont de l'Oise du 2 janvier 1997 au 17 juillet 2014, soit dix-sept ans, six mois et quinze jours. Elle a ainsi droit à une indemnité correspondant à douze fois la moitié de sa rémunération nette auxquels s'ajoutent six fois un tiers de cette rémunération. Il y a lieu de lui allouer à ce titre une somme de 9 538,56 euros.
12. En troisième lieu, si Mme B...demande la condamnation du centre hospitalier de Clermont de l'Oise à lui verser une somme de 227 euros en indemnisation du préjudice résultant d'une erreur quant à l'indice de rémunération qui lui a été appliqué, elle n'apporte aucun élément permettant d'apprécier le bien-fondé de ce chef de préjudice.
13. Enfin, Mme B...demande une indemnisation au titre du préjudice moral qu'elle a subi du fait de son licenciement abusif à raison des difficultés importantes qu'elle a rencontrées pour retrouver un emploi stable. Comme cela a été dit au point 5, Mme B...justifie, par la production d'un bulletin de salaire du centre hospitalier de Clermont de l'Oise précisant qu'elle perçoit toujours des allocations de retour à l'emploi, que sa situation économique s'est aggravée du fait de l'impossibilité de retrouver un emploi stable à la suite de son licenciement. Il sera fait une juste appréciation de son préjudice moral subi en lui allouant à ce titre une somme de 5 000 euros.
14. Il résulte de ce qui précède que le centre hospitalier de Clermont de l'Oise doit être condamné à verser à Mme B...une somme totale de 17 118,50 euros en indemnisation de l'ensemble de ses préjudices.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
15. La décision du 14 août 2014 du centre hospitalier de Clermont de l'Oise prononçant le licenciement de Mme B...n'étant pas annulée mais étant seulement entachée d'illégalité, le présent arrêt n'implique pas la réintégration de MmeB..., ni la reconstitution de sa carrière. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.
16. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
17. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Clermont de l'Oise le versement à Mme B...d'une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1403532 du 29 décembre 2016 du tribunal administratif d'Amiens est annulé.
Article 2 : Le centre hospitalier de Clermont de l'Oise est condamné à verser à Mme B... une somme totale de 17 118,50 euros en indemnisation de l'ensemble de ses préjudices.
Article 3 : Le centre hospitalier de Clermont de l'Oise versera à Mme B...une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B...est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...B...et au centre hospitalier de Clermont de l'Oise.
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N°17DA00347