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11/12/2018 | FRANCE | N°18DA01385

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4e chambre - formation à 3, 11 décembre 2018, 18DA01385


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B...A...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 6 mars 2018 par lequel le préfet de l'Eure a ordonné son transfert vers la Suède.

Par un jugement n° 1801021 du 12 avril 2018 le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 5 juillet 2018, M. D... B...A..., représenté par Me Matrand, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugeme

nt ;

2°) d'annuler l'arrêté du 6 mars 2018 par lequel le préfet de l'Eure a ordonné son transfert vers ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B...A...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 6 mars 2018 par lequel le préfet de l'Eure a ordonné son transfert vers la Suède.

Par un jugement n° 1801021 du 12 avril 2018 le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 5 juillet 2018, M. D... B...A..., représenté par Me Matrand, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 6 mars 2018 par lequel le préfet de l'Eure a ordonné son transfert vers la Suède.

3°) d'enjoindre au préfet, dans un délai de dix jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de cent euros par jour de retard, d'une part, de transmettre sa demande d'asile à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et d'autre part, de lui délivrer un récépissé de demandeur d'asile ;

4°) de mettre une somme de 1 000 euros à la charge de l'Etat en application de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme du 4 novembre 1950 ;

- le règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant somalien né le 3 février 1998, selon ses déclarations, et le 3 février 2000, selon les conclusions des services suédois ayant réalisé un examen osseux, déclare être entré sur le territoire français le 3 août 2017. Il y a demandé le bénéfice de l'asile. Lors d'un rendez-vous destiné à l'enregistrement de sa demande, le 15 septembre 2017 à la préfecture de Loire-Atlantique, le relevé de ses empreintes a révélé qu'il a été précédemment identifié en Suède, le 28 mai 2015, en qualité de demandeur d'asile. Une demande de reprise en charge a été adressée aux autorités suédoises le 15 septembre 2017 en vertu des dispositions du d) du 1° de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013, laquelle a été explicitement acceptée le 25 septembre 2017. Par sa requête, M. B...A...relève appel du jugement du 12 avril 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 6 mars 2018 par lequel le préfet de l'Eure a ordonné son transfert vers la Suède.

Sur la régularité du jugement :

2. Le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a pris en considération l'ensemble des éléments soumis à son appréciation, comme cela ressort notamment de l'énoncé des moyens nouveaux soulevés oralement par le conseil de M. B... A.... Le juge a notamment répondu au moyen tiré des risques d'éloignement vers la Somalie en relevant à bon droit et sans méconnaissance de la procédure, que l'intéressé ne versait nulle pièce de nature à établir de tels risques, son conseil ayant seulement mentionné l'existence de documents en suédois non traduits. Il a également répondu au moyen tiré du risque d'isolement sur le territoire suédois en cas de transfert en Suède en faisant observer que l'intéressé n'a pas davantage d'attaches en France. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement serait entaché d'irrégularité doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. L'arrêté en litige, qui vise les règlements communautaires et les articles L. 742-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, précise que " les contrôles effectués, en application de l'article 9 du règlement (UE) n° 603/2013, ont révélé que M. B... A...avait été identifié, par les autorités suédoises, le 28 mai 2015 sous les numéros SE10050-323847 ". L'arrêté énonce ensuite que " le 15 septembre 2017, les autorités suédoises ont été saisies d'une demande de reprise en charge de sa demande d'asile sur le fondement de l'article 18-1 d) du règlement n° 604/2013 " et que " le 25 septembre 2017, les autorités suédoises ont implicitement accepté la demande de reprise en charge " et qu'après un examen approfondi de sa situation familiale et personnelle, il ne relève pas des dérogations prévues à l'article 17 de ce règlement. Dès lors, l'arrêté en litige ne comporte aucune motivation stéréotypée mais précise les considérations de droit et de fait qui ont conduit à son adoption. Par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté.

4. Aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...) 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé. ".

5. Il ressort de la fiche d'entretien produite par le préfet de l'Eure, qui porte résumé de cet entretien au sens des dispositions précitées du 6 de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, que M. B... A...a bénéficié d'un entretien individuel, le 15 septembre 2017, dans des conditions garantissant la confidentialité. Cet entretien s'est déroulé en langue somali avec l'assistance d'un interprète assermenté et le requérant y a attesté avoir reçu, d'une part, le guide du demandeur d'asile et d'information sur les règlements communautaires et d'autre part, la copie de ce compte rendu d'entretien individuel de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile. Il a, en outre, disposé d'un délai raisonnable pour apprécier en toute connaissance de cause, la portée de ces informations avant le 6 mars 2018, date à laquelle le préfet de l'Eure a décidé son transfert aux autorités suédoises, pour avoir la possibilité de former des observations. Dans ces conditions, M. B... A...n'est pas fondé à soutenir que les dispositions de l'article 5 du règlement précité auraient été méconnues.

6. Aux termes de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : (...) b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre (...) d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l'apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre.".

7. M. B... A...ne saurait utilement soutenir que l'arrêté méconnaît le b) de l'article 18 du règlement précité en faisant valoir que sa demande d'asile a été rejetée en Suède, dès lors que cet arrêté a été pris non sur le fondement du b) mais sur celui du d) du même article, qui précisément concerne le cas des étrangers de pays tiers dont la demande d'asile a été rejetée par l'Etat membre responsable. En tout état de cause, l'arrêté contesté n'a pour effet que de remettre l'intéressé aux autorités suédoises responsables de l'examen de sa demande d'asile et non de le renvoyer dans son pays d'origine.

8. Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ".

9. Il ressort des pièces du dossier que M. B... A..., qui est dépourvu de charges de famille en France, n'y résidait que depuis quelques mois lors de l'édiction de l'arrêté attaqué et n'établit pas y disposer d'attaches privées. Il a déclaré, lors de l'entretien individuel mené avec l'agent chargé d'enregistrer sa demande d'asile, qu'il avait une épouse, demeurée en Somalie. Dans ces conditions, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales doit être écarté et l'erreur manifeste d'appréciation invoquée n'est pas davantage établie. Il en va de même du moyen tiré de l'absence de matérialité des faits, qui n'est pas même assorti de précisions de nature à permettre au juge d'en examiner le bien fondé.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande comme non fondée. Il n'est, dès lors, pas nécessaire d'examiner la fin de non recevoir opposée en appel par le préfet de l'Eure à cette demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B...A..., au ministre de l'intérieur et à Me C...Matrand.

Copie en sera transmise, pour information, au préfet de l'Eure.

3

N°18DA01385


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18DA01385
Date de la décision : 11/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme Grand d'Esnon
Rapporteur ?: M. Marc Lavail Dellaporta
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : MATRAND

Origine de la décision
Date de l'import : 25/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2018-12-11;18da01385 ?
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