La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/11/2018 | FRANCE | N°18DA00335

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre - formation à 3, 29 novembre 2018, 18DA00335


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme ou d'autres infractions (FGTI) a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler le rejet implicite par le ministre de la justice de sa demande indemnitaire et de condamner l'Etat à lui verser une somme de 189 390,11 euros avec intérêts de droit en remboursement des sommes qu'il a versées aux ayants-droits de Mme M...J....

Par un jugement n° 1503989 du 29 décembre 2017, le tribunal administratif de Lille a retenu la responsabilité sans fa

ute de l'Etat dans le décès de Mme M... J...et l'a condamné à verser au FGTI...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme ou d'autres infractions (FGTI) a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler le rejet implicite par le ministre de la justice de sa demande indemnitaire et de condamner l'Etat à lui verser une somme de 189 390,11 euros avec intérêts de droit en remboursement des sommes qu'il a versées aux ayants-droits de Mme M...J....

Par un jugement n° 1503989 du 29 décembre 2017, le tribunal administratif de Lille a retenu la responsabilité sans faute de l'Etat dans le décès de Mme M... J...et l'a condamné à verser au FGTI une somme de 109 390,11 euros avec intérêt au taux légal à compter du 5 mars 2015.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 février 2018, le fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme ou d'autres infractions, représenté par la SELAFA Cabinet Cassel, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de réformer l'article 1er du jugement attaqué en tant qu'il limite la condamnation de l'Etat à la somme de 109 390,11 euros ;

2°) de condamner l'Etat à leur verser une somme de 189 390,11 euros assortie des intérêts légaux à compter du 5 mars 2015 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

---------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de procédure pénale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Michel Richard, président-assesseur,

- et les conclusions de Mme Amélie Fort-Besnard, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêt du 24 janvier 2014, la cour d'assises du département du Nord a condamné M. E... F...à la réclusion criminelle à perpétuité pour le meurtre de Mme M...J..., commis le 5 septembre 2010 alors qu'il était en liberté conditionnelle. Par un arrêt du même jour, la cour d'assises, statuant sur l'action civile, a également condamné M. F... à réparer les préjudices des parties civiles à l'instance. La commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI) a, par des décisions du 11 février 2015, du 11 mars 2015 et du 13 mai 2015, mis à la charge du fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme (FGTI) une somme globale de 249 390,11 euros à verser aux ayants-droits de Mme J.... Le FGTI a demandé à l'Etat de lui rembourser la somme de 189 390,11 euros, sur le fondement de l'article 706-11 du code de procédure pénale, en faisant valoir que la responsabilité sans faute de celui-ci était engagée sur le fondement du risque spécial créé par la libération conditionnelle de M. F.... Par un jugement du 29 décembre 2017, le tribunal administratif de Lille a condamné l'Etat à lui verser une somme de 77 790,11 euros en réparation des préjudices subis par les parents de Mme J..., à l'exception de leur préjudice moral dont le FGTI a recherché l'indemnisation dans le cadre d'une autre instance. Par ailleurs, le tribunal a limité l'indemnisation du frère et de la belle-soeur de Mme J... à la somme de 31 600 euros et a rejeté les demandes d'indemnisation des préjudices moraux de l'oncle et la tante de Mme J..., de son conjoint ainsi que des parents et de l'oncle de celui-ci. Le tribunal a ainsi condamné l'Etat à verser au FGTI la somme totale de 109 390,11 euros. Le FGTI demande que cette somme soit portée à 189 390,11 euros assortie des intérêts légaux.

Sur la responsabilité de l'Etat :

2. La mise en oeuvre du régime de la libération conditionnelle, instauré à des fins d'intérêt général, est à l'origine d'un risque spécial pour les tiers susceptible d'engager, même en l'absence de faute, la responsabilité de l'Etat. Ce risque doit être regardé comme réalisé et, partant, de nature à engager la responsabilité de l'Etat, lorsqu'une infraction est commise par un ancien détenu durant toute la période pendant laquelle il bénéficie d'un tel régime, qu'il se soit soustrait ou non aux obligations inhérentes à celui-ci. Ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de Lille au point 4 de son jugement, la responsabilité sans faute de l'Etat est engagée du fait du décès par homicide volontaire de Mme M...J..., tuée le 5 septembre 2010 par M. E... F...alors placé en liberté conditionnelle suite à un jugement du 28 septembre 2009 du juge d'application des peines du tribunal de grande instance de Lille. Cette partie du jugement n'est, au demeurant, pas contestée en appel.

Sur l'indemnisation :

3. La nature et l'étendue des réparations incombant à une collectivité publique ne dépendent pas de l'évaluation du dommage faite par l'autorité judiciaire dans un litige auquel cette collectivité n'a pas été partie, mais doivent être déterminées par le juge administratif compte tenu des règles relatives à la responsabilité des personnes morales de droit public.

4. Le FGTI ne conteste pas le jugement frappé d'appel en tant qu'il a condamné l'Etat à lui verser une somme de 77 790,11 euros au titre de l'indemnisation des souffrances endurées par Mme M... J..., du préjudice matériel subi par les parents de celle-ci et des frais de procédure qu'ils ont engagés ainsi qu'une somme de 1 600 euros au titre des frais de procédure engagés par M. H... J...et Mme K...N..., le frère et la belle-soeur de Mme M...J....

5. En revanche, le FGTI, subrogé dans les droits des victimes sur le fondement de l'article 706-11 du code de procédure pénale, critique l'appréciation du tribunal administratif de Lille qui a estimé que la demande de réparation du préjudice moral subi par les autres membres de la famille n'était pas fondée en l'absence de justification des liens affectifs unissant Mme M... J...à ceux-ci.

6. S'agissant du concubin de la victime, il résulte de l'instruction et notamment des pièces produites pour la première fois en appel que M. Q... A...a rencontré Mme M...J...en 2002, qu'ils vivaient ensemble depuis 2003, qu'ils avaient des projets en commun tel que l'achat d'un bien immobilier, et que l'intéressé a donné l'alerte aux services de police lors de la disparition de sa compagne. Compte tenu des liens affectifs l'unissant à Mme J... et eu égard à la douleur éprouvée par M. A... du fait du caractère brutal du décès de sa concubine, intervenu en 2010 dans des conditions dramatiques, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par ce dernier en le fixant à la somme de 30 000 euros.

7. S'agissant du frère et de la belle-soeur de Mme J..., il résulte de l'instruction et notamment des pièces produites pour la première fois en appel que M. H... J...et Mme N... étaient proches de la victime et avaient des relations très régulières avec elle. Ils doivent en outre tous deux faire l'objet d'un suivi psychologique. Eu égard à la douleur éprouvée par les intéressés du fait du caractère brutal du décès de Mme M...J..., intervenu dans des conditions dramatiques, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi en le fixant aux sommes de 30 000 euros pour son frère et de 15 000 euros pour sa belle-soeur.

8. S'agissant de l'oncle et de la tante de Mme J..., il résulte de l'instruction et notamment des pièces produites pour la première fois en appel que M. O... L...et Mme G...J..., entretenaient avec la victime des relations particulièrement fréquentes et affectueuses. Il sera fait une juste appréciation de leur préjudice moral en leur allouant une somme de 5 000 euros chacun.

9. S'agissant des beaux-parents de Mme J... ainsi que de l'oncle de M. Q... A..., il résulte de l'instruction et notamment des pièces produites pour la première fois en appel que M. B... A..., Mme P... I...et M. C... A...entretenaient avec elle des rapports chaleureux dans le cadre de nombreuses visites respectives, de réunions de famille et de certaines vacances passées en commun. Il sera fait une juste appréciation de leur préjudice moral en leur allouant à chacun une somme de 2 500 euros.

10. Il résulte de ce qui a été dit aux points 6 à 9 que le montant des indemnisations correspondant aux préjudices subis par Mme G...J..., M. D... J..., M. H... J..., Mme K...N..., M. Q... A..., M. O... L..., Mme G...J..., M. B... A..., Mme P... I...et M. C... A..., doit être porté de 109 390,11 euros à 171 890,11 euros.

11. Il résulte de tout ce qui précède que le FGTI est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille n'a que partiellement fait droit à sa demande en condamnant l'Etat à lui verser, une somme de 109 390,11 euros. Il y a ainsi lieu de condamner l'Etat à verser au FGTI la somme totale de 171 890,11 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 5 mars 2015, date de réception par le garde des sceaux, ministre de la justice, de la demande préalable du FGTI et de réformer en ce sens le jugement du tribunal administratif.

Sur les frais de justice :

12. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 500 euros au profit du FGTI.

DÉCIDE :

Article 1er : La somme que l'Etat est condamné à rembourser au fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions au titre des sommes qu'il a versées en réparation des préjudices subis par les ayants-droits de Mme M...J...est portée de 109 390,11 euros à 171 890,11 euros, cette somme étant assortie des intérêts au taux légal à compter du 5 mars 2015.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 29 décembre 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera au Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions et au garde des sceaux, ministre de la justice.

N°18DA00335 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18DA00335
Date de la décision : 29/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01-02-01 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. Fondement de la responsabilité. Responsabilité sans faute.


Composition du Tribunal
Président : M. Richard
Rapporteur ?: M. Michel Richard
Rapporteur public ?: Mme Fort-Besnard
Avocat(s) : SELAFA CASSEL

Origine de la décision
Date de l'import : 11/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2018-11-29;18da00335 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award