Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme B...C...ont demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme de 39 278 euros qui a été notifiée à M. C... par deux mises en demeure valant commandement de payer du 13 novembre 2013, correspondant à des cotisations d'impôt sur le revenu mises à leur charge au titre des années 2005 et 2006, à des contributions sociales mises à leur charge pour 2005 et aux majorations de recouvrement correspondantes.
Par un jugement n°1400700 du 27 avril 2017, le tribunal administratif de Rouen a fait partiellement droit à la demande de M. et MmeC..., en leur accordant la décharge de l'obligation de payer, d'une part, les sommes mentionnées dans la mise en demeure valant commandement de payer n°1M001 du 13 novembre 2013, à hauteur de 623 euros, correspondant aux majorations de 10 % prévues par l'article 1730 du code général des impôts concernant la cotisation supplémentaire de contribution sociale au titre de l'année 2006 mise à leur charge par le même commandement, et d'autre part, les frais de poursuite y afférents ainsi que ceux liés au recouvrement au principal de la somme de 6 230 euros et a rejeté le surplus de leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 27 juin 2017, M. et MmeC..., représentés par Me A... demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté leur demande de décharge de l'obligation de payer les sommes mentionnées dans la mise en demeure valant commandement de payer n°1M001 du 13 novembre 2013 autres que celles dont le tribunal a prononcé la décharge ;
2°) de prononcer la décharge des impositions restant en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- et les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par deux mises en demeure valant commandement de payer du 30 octobre 2009, M. C... s'est vu réclamer le paiement d'une somme globale de 45 508,00 euros correspondant aux cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales auxquelles M. et Mme C...avaient été assujettis le 30 octobre 2009 au titre des années 2005 et 2006 et aux pénalités y afférentes, auxquelles ont été ajoutées des frais de poursuite. Ces suppléments d'impôt faisaient suite à une vérification de la comptabilité de la SARL YN à l'issue de laquelle les revenus réintégrés dans les résultats de la société ont été regardés comme des revenus distribués à M.C..., gérant de cette société. M. et Mme C...relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Rouen du 27 avril 2017 en ce qu'il a rejeté la partie de leur demande tendant à la décharge de l'obligation de payer les contributions sociales sur les revenus 2005 et les impositions supplémentaires à l'impôt sur le revenu pour les années 2005 et 2006 ainsi que leurs majorations et que les frais de poursuite mentionnés dans la mise en demeure de payer valant commandement de payer n°1M001 du 13 novembre 2013.
Sur la régularité du jugement :
2. Pour écarter le moyen tiré de la prescription des créances sur lesquelles portaient les poursuites en litige, le tribunal a cité l'article L. 274 du livre des procédures fiscales qui définit le délai de prescription opposable au trésor public, qui est de quatre années à compter de la mise en recouvrement, ainsi que l'article 2234 du code civil selon lequel la prescription est suspendue contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, et enfin l'article 277 du livre des procédures fiscales, qui organise la possibilité pour un contribuable contestant le bien-fondé des impositions mises à sa charge, d'en différer le paiement s'il a expressément formé une demande en ce sens dans sa réclamation. Le rappel des faits effectué ensuite par le jugement expose que le sursis de paiement a été demandé le 20 novembre 2009, dans l'attente de justification des redressements, par un courrier qui, ne laissant aucun doute sur l'imposition contestée et ne constituant pas une simple demande de renseignement devait être regardé, dans les circonstances de l'espèce, comme constituant une réclamation préalable assortie d'une demande de sursis de paiement.
3. En premier lieu, contrairement à ce qui est soutenu, la qualification d' " imposition contestée " ainsi utilisée dans le jugement attaqué n'appelait aucun développement supplémentaire, dès lors qu'elle fait écho à la rédaction du texte même de l'article 277 du livre des procédures fiscales, selon lequel un sursis de paiement ne peut être demandé qu'à un contribuable contestant des impositions, et qu'elle correspond au contenu de la lettre du 20 novembre 2009 qui vise à obtenir le sursis " dans l'attente de l'explication et de la justification " des redressements.
4. En second lieu, compte tenu du rappel des textes et des faits effectué ainsi qu'il a été dit au point 2 ci-dessus, la référence aux " circonstances de l'espèce " était suffisante pour permettre aux justiciables de comprendre les motifs ayant conduit les premiers juges à qualifier de réclamation préalable assortie d'une demande de sursis de paiement au sens des dispositions de l'article 277 du livre des procédures fiscales, une lettre ne comportant pas un tel intitulé mais sollicitant un tel sursis et demandant des justifications sur le bien-fondé des redressements sur lesquels portait la demande de sursis.
5. Il résulte de ce qui précède que doit être écarté le moyen tiré de ce que le jugement serait entaché d'un défaut de motivation.
Sur le bien-fondé des cotisations d'impôt sur le revenu et des contributions sociales :
6. Aux termes de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales : " le contribuable qui conteste le bien-fondé ou le montant des impositions mises à sa charge est autorisé, s'il en a expressément formulé la demande dans sa réclamation et précisé le montant ou les bases du dégrèvement auquel il estime avoir droit, à différer le paiement de la partie contestée de ces impositions et des pénalités y afférentes. L'exigibilité de la créance et la prescription de l'action en recouvrement sont suspendues jusqu'à ce qu'une décision définitive ait été prise sur la réclamation soit par l'administration, soit par le tribunal compétent. Lorsque la réclamation mentionnée au premier alinéa porte sur un montant de droits supérieur à celui fixé par décret, le débiteur doit constituer des garanties portant sur le montant des droits contestés. A défaut de constitution de garanties ou si les garanties offertes sont estimées insuffisantes, le comptable peut prendre des mesures conservatoires pour les impôts contestés / (...) / ". Aux termes de l'article R. 197-3 du livre des procédures fiscales : " Toute réclamation doit, à peine d'irrecevabilité : a) mentionner l'imposition contestée ; b) contenir l'exposé sommaire des moyens et les conclusions de la partie (...) ".
7. Par courrier du 20 novembre 2009, M. et Mme C...ont sollicité un sursis de paiement. Ce courrier mentionnait les impositions contestées sous la forme des numéros des avis d'imposition correspondants. La nature des impositions, l'année du fait générateur et leur caractère d'imposition supplémentaire y étaient également indiqués. En outre, ce courrier comportait un moyen de contestation, dès lors qu'était mis en cause le défaut de réception de la proposition de rectification. Enfin, le caractère injustifié des impositions ainsi visées étant clairement mis en cause par la mention selon laquelle les requérants étaient " dans l'attente de l'explication et de la justification de ces redressements ", ce courrier doit également être regardé comme comportant des conclusions. Il suit de là que, ainsi que l'ont estimé à bon droit les premiers juges, la lettre du 20 novembre 2009 doit être regardée comme comportant à la fois une demande de sursis de paiement et une réclamation préalable sur les impositions qu'elle mentionne. Sont à cet égard sans incidence sur la nature de ce courrier, d'une part, le fait qu'aucun document justificatif de l'imposition contestée n'ait été joint à ce courrier, dès lors qu'une telle production ne compte pas au nombre des critères permettant d'identifier une réclamation préalable et d'autre part, la qualification que l'administration a cru devoir donner à ce courrier. Au demeurant, c'est après avoir constaté l'existence d'une telle réclamation que le comptable public a accepté, par décision du 2 février 2010, la constitution d'une garantie hypothécaire contre le renvoi d'une fiche de reconnaissance de la suspension du cours de la prescription, laquelle, bien que jointe à ce courrier n'a jamais été renvoyée par les requérants
8. Ainsi qu'il vient d'être précisé aux points précédents, les impositions contestées ont été mises en recouvrement le 30 octobre 2009 et une réclamation préalable a été présentée par M. et MmeC..., à l'appui de leur demande de sursis de paiement, le 20 novembre 2009. Cette réclamation doit être regardée comme ayant été rejetée par un courrier de l'administration du 14 janvier 2010 précisant aux requérants, qui se plaignaient de ne pas avoir reçu la proposition de rectification, que dès lors qu'une lettre recommandée la contenant avait été retournée à l'administration faute d'avoir été retirée par eux, ils avaient été mis à même de recevoir la proposition de rectification. Il suit de là que le délai de prescription, qui avait couru du 30 octobre 2009 au 20 novembre 2009 a été suspendu entre cette dernière date et le 14 janvier 2010, reportant ainsi d'autant la date à laquelle la prescription a été acquise. Par suite, le 13 novembre 2013, date à laquelle les mises en demeure mentionnées au point 1 ci-dessus leur ont été adressées, les créances étaient non prescrites et, par voie de conséquence, toujours exigibles.
9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir soulevées par le ministre de l'action et des comptes publics en défense, que M. et Mme C...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a partiellement rejeté leur demande. Leurs conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions du ministre de l'action et des comptes publics tendant à l'application de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme C...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du ministre de l'action et des comptes publics présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B...C...et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction régionale des finances des Hauts-de-France
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N°17DA01253