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23/10/2018 | FRANCE | N°17DA00372

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4e chambre - formation à 3, 23 octobre 2018, 17DA00372


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...D...a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010 à 2012 et des pénalités y afférentes.

Par un jugement n° 1402067 du 15 décembre 2016, le tribunal administratif d'Amiens a prononcé un non-lieu à statuer à hauteur des dégrèvements intervenus en cours d'instance et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une

requête enregistrée le 21 février 2017, MmeD..., représentée par Me A... -E..., demande à la cour :...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...D...a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010 à 2012 et des pénalités y afférentes.

Par un jugement n° 1402067 du 15 décembre 2016, le tribunal administratif d'Amiens a prononcé un non-lieu à statuer à hauteur des dégrèvements intervenus en cours d'instance et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 février 2017, MmeD..., représentée par Me A... -E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 15 décembre 2016 en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010 à 2012 et des pénalités y afférentes;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code civil ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rodolphe Féral, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par une proposition de rectification du 7 octobre 2013, l'administration fiscale a remis en cause, d'une part, la majoration de quotient familial déclarée par Mme D...dans ses déclarations souscrites au titre des années 2010 à 2012 résultant du rattachement à son foyer fiscal de M. B...A...et, d'autre part, a remis en cause la déductibilité de la pension alimentaire versée à sa fille majeure au titre de l'année 2010. Par un jugement du 15 décembre 2016, le tribunal administratif d'Amiens a prononcé un non-lieu à statuer à hauteur des dégrèvements prononcés en cours d'instance, correspondant à l'admission du caractère déductible de la pension alimentaire versée à sa fille majeure en 2010, et a rejeté le surplus des conclusions de Mme D...tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010 à 2012 en raison de la remise en cause de la majoration de son quotient familial. Mme D...relève appel de ce jugement du 15 décembre 2016 en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. L'administration fiscale ne peut en principe, en application des dispositions de l'article L 76 B du livre des procédures fiscales, fonder le redressement des bases d'imposition d'un contribuable sur des renseignements ou documents qu'elle a obtenus de tiers sans l'avoir informé, avant la mise en recouvrement, de l'origine et de la teneur de ces renseignements. Cette obligation d'information ne se limite pas aux renseignements et documents obtenus de tiers par l'exercice du droit de communication. Si cette obligation ne s'étend pas aux éléments nécessairement détenus par les différents services de l'administration fiscale en application de dispositions législatives ou réglementaires, tel n'est pas le cas pour les informations fournies à titre déclaratif à l'administration par des contribuables tiers, dont elle tire les conséquences pour reconstituer la situation du contribuable vérifié. Il suit de là que l'administration est tenue d'informer les contribuables de l'origine et de la teneur des renseignements sur lesquels elle se fonde pour établir un redressement qui sont issus des déclarations de revenus souscrites auprès d'elle par des tiers en application des articles 170 et suivants du code général des impôts ainsi que des pièces justificatives dont ces déclarations doivent, le cas échéant, être assorties. Par ailleurs, l'administration fiscale est tenue, en application de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, de tenir à la disposition du contribuable qui le demande, avant la mise en recouvrement d'impositions établies au terme d'une procédure de rectification contradictoire ou par voie d'imposition d'office, les documents ou copies de documents qui contiennent les renseignements qu'elle a utilisés pour procéder aux redressements correspondants.

3. Il ressort de la proposition de rectification du 7 octobre 2013 adressée à Mme D... que l'administration fiscale l'a informée que, pour remettre en cause le quotient familial qu'elle avait déclaré au titre des années 2010 à 2012, elle s'était fondée sur les déclarations de revenus déposées par M. B...A...auprès d'elle au titre des mêmes années. Il suit de là que l'administration fiscale a informé Mme D...de l'origine et de la teneur des renseignements et documents sur lesquels elle s'est fondée pour rectifier son quotient familial, l'information délivrée permettant utilement à l'intéressée de demander que les déclarations déposées par M. A...soient mises à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent, afin de contester l'authenticité de ces déclarations ou la teneur exacte des renseignements qu'elles contiennent. En revanche, l'administration fiscale n'était pas tenue, au regard de l'obligation d'information prévue par les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, d'indiquer dans la proposition de rectification les modalités de souscription des déclarations de M.A..., la présence d'une signature sur ces déclarations, l'identité du signataire, ou encore les mentions et commentaires figurant sur cette déclaration. Par ailleurs, il est constant que Mme D...n'a pas sollicité, avant la mise en recouvrement des impositions en litige, que lui soit communiquée une copie des déclarations souscrites par M. A.... Par suite, le moyen tiré de ce que l'administration fiscale aurait méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales en n'informant pas Mme D... de l'origine et de la teneur des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour rectifier son quotient familial et en ne lui communiquant pas ces documents doit être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions :

4. Aux termes de l'article 6 du code général des impôts : " Chaque contribuable est imposable à l'impôt sur le revenu, tant en raison de ses bénéfices et revenus personnels que de ceux de ses enfants et des personnes considérés comme étant à sa charge au sens des articles 196 et 196 A bis ". Selon le premier alinéa de l'article 194 du code général des impôts le nombre de parts à prendre en considération pour la division du revenu imposable varie en fonction du nombre d'enfants à la charge du contribuable et le même article prévoit que " (...) Pour l'application des dispositions du premier alinéa, sont assimilées à des enfants à charge les personnes considérées comme étant à la charge du contribuable en vertu de l'article 196 A bis (...) ". Enfin, aux termes de l'article 196 A bis du code général des impôts : " Tout contribuable peut considérer comme étant à sa charge, au sens de l'article 196, à la condition qu'elles vivent sous son toit, les personnes titulaires de la carte d'invalidité prévue à l'article L. 241-3 du code de l'action sociale et des familles ".

5. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que, d'une part, le dépôt d'une déclaration de ses revenus par une personne titulaire de la carte d'invalidité prévue à l'article L. 241-3 du code de l'action sociale et des familles entraîne pour cette personne une imposition personnelle au titre du foyer fiscal ainsi déclaré. D'autre part, en raison de son appartenance à ce foyer fiscal autonome, cette personne, alors même qu'elle vit sous le toit d'un autre contribuable, ne peut pas être considérée comme étant à charge de ce contribuable pour l'application des dispositions de l'article 196 A bis du code général des impôts. Par suite, en remettant en cause le quotient familial déclaré par Mme D...au titre des années 2010 à 2012 au motif que M. A... avait déposé au titre des mêmes années une déclaration de revenus, alors même qu'il est constant que M. A...est titulaire de la carte d'invalidité prévue par les dispositions de l'article L. 241-3 du code de l'action sociale et des familles et qu'il vit sous le toit de Mme D..., l'administration fiscale n'a fait qu'appliquer les dispositions citées au point précédent et n'a pas ajouté une condition non prévue par la loi.

6. Si Mme D...soutient que le titulaire d'une carte d'invalidité prévue par les dispositions de l'article L. 241-3 du code de l'action sociale et des familles qui aurait déposé à tort une déclaration de revenus doit pouvoir corriger cette erreur, les dispositions de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales prévoient que le contribuable peut présenter une réclamation jusqu'au 31 décembre de la deuxième année qui suit la mise en recouvrement de l'imposition contestée. En l'espèce, il n'est ni établi ni même allégué que M. A...aurait présenté une réclamation afin de contester son imposition personnelle à l'impôt sur le revenu au titre des années en litige. Par ailleurs, pour remettre en cause le bien-fondé de l'imposition, Mme D... ne peut utilement, dans le cadre de la procédure contentieuse devant le juge de l'impôt, se prévaloir de ce que l'administration fiscale admettrait à titre gracieux la correction des erreurs de déclaration commises par les enfants majeurs qui souhaitent être rattachés au foyer fiscal de leurs parents.

7. L'administration fiscale produit la première page des déclarations de revenus déposées par M. A...au titre des années 2010 à 2012. Il résulte de l'instruction que ces déclarations ont été signées par le contribuable lui-même pour les années 2010 et 2012, alors que la déclaration déposée au titre de l'année 2011 n'a pas été signée par M. A...mais par Mme D.... La requérante soutient que ces déclarations seraient irrégulières, d'une part, en raison de la déficience intellectuelle dont est atteint M. A...qui empêcherait de regarder les déclarations qu'il a signées comme l'expression d'une personne capable et, d'autre part, pour l'année 2011, parce que la déclaration déposée n'est pas signée par le contribuable.

8. Si Mme D...produit un certificat médical selon lequel M.A..., né le 20 juillet 1928, présente une déficience intellectuelle et mentale d'origine néonatale le rendant incapable d'effectuer seul la moindre démarche administrative et nécessitant l'aide d'une tierce personne, il n'est toutefois pas établi que cette déficience intellectuelle serait d'une gravité telle qu'elle l'empêcherait d'exprimer un consentement libre et éclairé ni que M. A...ferait l'objet d'une mesure de protection prévue par les dispositions des articles 425 et suivants du code civil et qu'il n'aurait ainsi pas la capacité juridique de souscrire ses déclarations de revenus. Par suite, l'administration fiscale était en droit de tirer toutes les conséquences des déclarations déposées par M. A...sur la situation fiscale de la requérante.

9. En revanche, il est constant que la déclaration déposée en 2011 par M. A...n'a pas été signée par ce dernier, mais par MmeD.... En l'absence de signature du contribuable, cette déclaration ne présente pas un caractère d'authenticité. M A...doit donc être regardé comme n'ayant souscrit aucune déclaration personnelle au titre de ses revenus pour cette année. Par suite, dès lors qu'il est constant que M. A...est titulaire de la carte d'invalidité prévue par les dispositions de l'article L. 241-3 du code de l'action sociale et des familles et qu'il vivait sous le toit de Mme D...pendant l'année 2011, Mme D...est fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration fiscale a remis en cause le quotient familial qu'elle avait déclaré au titre de cette année.

10. Mme D...n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la doctrine référencée BOI-IR-LIQ-10-10-10-30 qui ne comporte pas d'interprétation de la loi différente de celle qui lui a été appliquée. Par ailleurs, elle n'est pas davantage fondée à se prévaloir, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, pour remettre en cause le bien-fondé des impositions au titre des années 2010 et 2012, d'un certificat établi en 2004 par les services de l'administration fiscale attestant que M. A...est rattaché à son foyer, dès lors que ce certificat ne contient une appréciation sur la situation de fait du contribuable qu'au titre de la seule année 2004.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D...est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a refusé de faire droit à sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2011 en raison de la remise en cause du quotient familial qu'elle avait déclaré au titre de cette année.

Sur les frais liés au litige :

12. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de Mme D...présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Mme D...est déchargée, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2011 en raison de la remise en cause du quotient familial qu'elle avait déclaré au titre de cette année.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme D...est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...D...et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

5

N°17DA00372


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17DA00372
Date de la décision : 23/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02-04 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Enfants à charge et quotient familial.


Composition du Tribunal
Président : Mme Grand d'Esnon
Rapporteur ?: M. Rodolphe Féral
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS ANTONINI-HANSER et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2018-10-23;17da00372 ?
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