La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/10/2018 | FRANCE | N°18DA00420

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre - formation à 3 (bis), 11 octobre 2018, 18DA00420


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 12 décembre 2017 par lequel le préfet du Nord a ordonné son transfert aux autorités italiennes et l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1710631 du 17 janvier 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 12 décembre 2017.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 février 2018, le préfet du

Nord, représenté par la SELARL Claisse et associés, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 12 décembre 2017 par lequel le préfet du Nord a ordonné son transfert aux autorités italiennes et l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1710631 du 17 janvier 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 12 décembre 2017.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 février 2018, le préfet du Nord, représenté par la SELARL Claisse et associés, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de M.A....

-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003, tel que modifié par le règlement (UE) n°118/2014 du 30 janvier 2014 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Olivier Yeznikian, président de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

Sur le motif d'annulation retenu par le magistrat désigné du tribunal administratif :

1. Aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative (...) ".

2. L'obligation de motivation de la décision de transfert, imposée par les dispositions citées au point précédent, doit faire apparaître le critère de responsabilité retenu par l'autorité de l'Etat membre qui prononce ce transfert, parmi ceux énoncés au chapitre III du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, afin de permettre à l'intéressé d'exercer dans les meilleures conditions son droit au recours effectif.

3. L'arrêté en litige vise le règlement du 26 juin 2013 et l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et droit d'asile. Il énonce que la consultation du fichier Eurodac fait apparaître que les empreintes digitales de M. A...ont été relevées en Italie à l'occasion du franchissement de la frontière de ce pays, puis à l'occasion du dépôt par l'intéressé d'une demande de protection internationale, qu'ainsi l'Italie est l'Etat membre responsable de sa demande d'asile en application du règlement du 26 juin 2013 et que les autorités de ce pays ont implicitement accepté de le reprendre en charge sur leur territoire. Cette motivation renvoie ainsi au critère de responsabilité de l'entrée et du séjour contenu à l'article 13 du règlement dit Dublin III. Il indique, au surplus, que cette demande de reprise en charge a été adressée aux autorités italiennes sur le fondement des dispositions du b) de l'article 18 du règlement du 26 juin 2013. Dès lors, cet arrêté énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde avec une précision suffisante pour permettre à M. A...de comprendre les motifs de la décision et, le cas échéant, d'exercer utilement son recours. Par suite, le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille s'est fondé sur ce motif pour annuler l'arrêté du 12 décembre 2017.

4. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...devant la juridiction administrative.

Sur les autres moyens soulevés par M.A... :

Sur la décision de transfert :

5. Aux termes de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) / 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national (...) ".

6. Il ressort des pièces du dossier que M. A...a bénéficié, le 22 septembre 2017, d'un entretien individuel mené par un agent de la préfecture du Nord avec l'assistance d'un interprète assermenté en langue wolof. Les motifs de l'arrêté en litige précisent que l'agent ayant mené cet entretien était " dûment habilité ". Il ne ressort d'aucune pièce du dossier que cet agent n'aurait pas été mandaté à cet effet par le préfet du Nord et qu'ainsi il ne serait pas une personne qualifiée en vertu du droit national au sens des dispositions précitées. Par suite, le préfet du Nord n'a pas méconnu les dispositions de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013.

7. L'article 1er du règlement (CE) n° 1560/2003 de la commission du 2 septembre 2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen de la demande d'asile présentée par l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers, modifié par le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et par le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014, dispose que : " 1. Une requête aux fins de prise en charge est présentée à l'aide du formulaire type dont le modèle figure à l'annexe I. le formulaire comporte des rubriques obligatoires qui doivent être dûment remplies, les autres rubriques étant remplies en fonction des informations disponibles. Des informations complémentaires peuvent être introduites dans l'espace réservé à cet effet. / (...) ". Le paragraphe 3 de l'article 21 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 précise que la requête aux fins de prise en charge par un autre Etat membre est présentée " à l'aide d'un formulaire type et comprend les éléments de preuve ou d'indices tels qu'ils figurent dans les deux listes mentionnées à l'article 22, paragraphe 3, et/ ou les autres éléments pertinents (...) ".

8. Il ressort des pièces du dossier que les autorités italiennes, saisies par le préfet du Nord le 6 octobre 2017, sont réputées avoir tacitement répondu favorablement à cette demande le 20 octobre 2017. Il n'est pas démontré qu'elles n'auraient pas été saisies d'une demande présentée à l'aide du formulaire type prévu par la réglementation de l'Union en vue d'assurer une présentation régulière de la requête aux fins de prise en charge. Dès lors, la saisine des autorités italiennes doit être regardée comme ayant été effectuée régulièrement de telle sorte qu'elle a fait naître un accord tacite à la prise en charge. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 1er du règlement (CE) n° 1560/2003 doit être écarté.

9. Au termes de l'article 13 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 qui concerne la situation de l'entrée et/ou du séjour : " 1. Lorsqu'il est établi, sur la base de preuves ou d'indices tels qu'ils figurent dans les deux listes mentionnées à l'article 22, paragraphe 3, du présent règlement, notamment des données visées au règlement (UE) n° 603/2013, que le demandeur a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d'un Etat membre dans lequel il est entré en venant d'un Etat tiers, cet Etat membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. Cette responsabilité prend fin douze mois après la date du franchissement irrégulier de la frontière / (...) ".

10. Il ressort des termes mêmes de l'arrêté attaqué, ainsi qu'il a été dit au point 5, que le préfet a retenu comme critère de détermination de l'Etat responsable la circonstance que l'Italie était le premier pays traversé par l'intéressé et que ce dernier avait demandé l'asile dans ce pays. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 13 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

11. Aux termes de l'article 22 du règlement du 26 juin 2013 : " 1. L'Etat membre requis procède aux vérifications nécessaires et statue sur la requête aux fins de prise en charge d'un demandeur dans un délai de deux mois à compter de la réception de la requête / (...) 7. L'absence de réponse à l'expiration du délai de deux mois mentionné au paragraphe 1 et du délai d'un mois prévu au paragraphe 6 équivaut à l'acceptation de la requête et entraîne l'obligation de prendre en charge la personne concernée, y compris l'obligation d'assurer une bonne organisation de son arrivée ". Aux termes de l'article 25 du même règlement : " 1. L'Etat membre requis procède aux vérifications nécessaires et statue sur la requête aux fins de reprise en charge de la personne concernée aussi rapidement que possible et en tout état de cause dans un délai n'excédant pas un mois à compter de la date de réception de la requête. Lorsque la requête est fondée sur des données obtenues par le système Eurodac, ce délai est réduit à deux semaines. / 2. L'absence de réponse à l'expiration du délai d'un mois ou du délai de deux semaines mentionnés au paragraphe 1 équivaut à l'acceptation de la requête, et entraîne l'obligation de reprendre en charge la personne concernée, y compris l'obligation d'assurer une bonne organisation de son arrivée ". Aux termes du premier paragraphe de l'article 26 de ce règlement : " Lorsque l'Etat membre requis accepte la prise en charge ou la reprise en charge d'un demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), l'Etat membre requérant notifie à la personne concernée la décision de le transférer vers l'Etat membre responsable et, le cas échéant, la décision de ne pas examiner sa demande de protection internationale (...) ". Le paragraphe 1 de l'article 27 du règlement prévoit, pour sa part, que le demandeur " dispose d'un droit de recours effectif, sous la forme d'un recours contre la décision de transfert ou d'une révision, en fait et en droit, de cette décision devant une juridiction ".

12. Pour pouvoir procéder au transfert d'un demandeur d'asile vers un autre Etat membre en mettant en oeuvre ces dispositions du règlement, et en l'absence de dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile organisant une procédure différente, l'autorité administrative doit obtenir l'accord de l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile avant de pouvoir prendre une décision de transfert du demandeur d'asile vers cet Etat. Une telle décision de transfert ne peut donc être prise, et a fortiori être notifiée à l'intéressé, qu'après l'acceptation de la prise en charge par l'Etat requis. Le juge administratif, statuant sur des conclusions dirigées contre la décision de transfert et saisi d'un moyen en ce sens, prononce l'annulation de la décision de transfert si elle a été prise sans qu'ait été obtenue, au préalable, l'acceptation par l'Etat requis de la prise ou de la reprise en charge de l'intéressé.

13. Il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit au point 10, que le préfet du Nord a adressé aux autorités italiennes, le 6 octobre 2017, une demande de reprise en charge de M. A..., fondée sur les données obtenues par le système Eurodac. En application des dispositions de l'article 25 du règlement du 26 juin 2013, citées au point 13, les autorités italiennes disposaient d'un délai de deux semaines pour répondre à cette demande. L'intéressé n'est pas fondé à se prévaloir du délai de deux mois prévu par l'article 22 du même règlement, qui régit les demandes de prise en charge et non les demandes de reprise en charge fondées sur des données obtenues par le système Eurodac. Dès lors, à la date de la décision en litige, les autorités italiennes, qui n'ont pas donné de réponse explicite à la demande du préfet du Nord, étaient réputées avoir implicitement accepté de reprendre en charge M. A...sur leur territoire. Ce dernier n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que la décision de transfert dont il fait l'objet est intervenue de façon prématurée.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que la décision de transfert aux autorités italiennes prises à son encontre par le préfet du Nord est entachée d'illégalité.

Sur la décision d'assignation à résidence :

15. Il résulte de ce qui a été dit au point 14 que M. A...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision de transfert à l'encontre de la décision d'assignation à résidence.

16. Il ne ressort ni de la motivation de la décision en litige, ni d'aucune autre pièce du dossier que le préfet du Nord se serait estimé en situation de compétence liée pour fixer la durée de l'assignation à résidence de M. A...à quarante-cinq jours, soit la durée maximale prévue par l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

17. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision assignant M. A...à résidence pour une durée maximale de quarante-cinq jours et l'obligeant à se présenter tous les lundis et mercredis dans les locaux de la direction zonale de la police aux frontières de Lille constitue une mesure injustifiée et disproportionnée en vue de l'exécution de la décision de transfert aux autorités italiennes. Il n'établit pas non plus que son état de santé serait incompatible avec les modalités de pointage prévues par l'arrêté. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

18. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 12 décembre 2017 par lequel le préfet du Nord a prononcé son transfert aux autorités italiennes et l'a assigné à résidence. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au remboursement des frais liés au litige doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1 : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille du 17 janvier 2018 est annulé.

Article 2 : La demande de M. A...ainsi que ses conclusions d'appel au titre des frais lis au litige sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. B...A....

N°18DA00420 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 18DA00420
Date de la décision : 11/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Olivier Yeznikian
Rapporteur public ?: Mme Fort-Besnard
Avocat(s) : CLAISSE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2018-10-11;18da00420 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award