Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D...A...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 5 décembre 2017 par lequel le préfet du Nord a ordonné son transfert aux autorités belges et l'a assigné à résidence.
Par un jugement n° 1710436 du 12 décembre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 5 décembre 2017.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 1er février 2018, le préfet du Nord, représenté par la SELARL Claisse et associés, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la requête.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Olivier Yeznikian, président de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif de Lille :
1. L'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 dispose que : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. (...) ".
2. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et, en tout cas, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de refuser l'admission provisoire au séjour de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement.
3. Il ressort des pièces du dossier que, lors du dépôt de sa demande d'asile, le 6 novembre 2017, M. A...a déclaré comprendre le patcho, l'anglais et le dari. L'entretien individuel prévu par les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 a été mené, le même jour, en patcho et l'intéressé a été assisté d'un interprète. M. A...s'est, également, vu remettre par les services de la préfecture deux brochures d'informations en farsi-persan, la brochure la brochure dite " A " intitulée " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - Quel pays sera responsable de ma demande ' ", et une brochure dite " B " intitulée " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' " ainsi que le guide du demandeur d'asile en France, également en farsi-persan. Il ressort, au demeurant, des pièces du dossier que l'intéressé a attesté, sans émettre de réserves, lire et comprendre cette langue en signant ces documentations. Dès lors, le farsi-persan étant une langue très proche du dari qui use du même alphabet et qui peut être lue par les locuteurs des deux langues, l'intéressé doit être regardé comme ayant bénéficié d'une information complète sur ses droits et les modalités d'application du règlement précité, par écrit et dans des langues qu'il comprend ou dont on peut raisonnablement penser qu'il les comprend. Par suite, le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille s'est fondé sur la violation de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 pour annuler l'arrêté attaqué.
4. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...devant la juridiction administrative.
Sur les autres moyens soulevés par M.A... :
Sur la décision de transfert :
5. Il résulte de ce qui a été dit aux points 1 à 3 que le préfet n'a pas méconnu les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Par suite, M. A...n'est pas fondé à soutenir que la décision de transfert aux autorités belges prise à son encontre par le préfet du Nord est entachée d'illégalité.
Sur la décision portant assignation à résidence :
6. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 que M. A...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision de transfert aux autorités belges à l'encontre de la décision d'assignation à résidence.
7. Une mesure d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile consiste, pour l'autorité administrative qui la prononce, à déterminer un périmètre que l'étranger ne peut quitter et au sein duquel il est autorisé à circuler et, afin de s'assurer du respect de cette obligation, à lui imposer de se présenter, selon une périodicité déterminée, aux services de police ou aux unités de gendarmerie. Une telle mesure n'a pas, en dehors des hypothèses où elle inclut une astreinte à domicile pour une durée limitée, pour effet d'obliger celui qui en fait l'objet à demeurer à son domicile. Dès lors, les décisions par lesquelles le préfet assigne à résidence, sur le fondement de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les étrangers faisant l'objet d'une mesure de transfert en application de l'article L. 742-3 du même code peuvent être prononcées à l'égard des étrangers qui ne disposent que d'une simple domiciliation postale. L'indication dans de telles décisions d'une adresse qui correspond uniquement à une domiciliation postale ne saurait imposer à l'intéressé de demeurer à cette adresse.
8. La décision attaquée indique que M. A... dispose d'une domiciliation auprès de l'Association Insertion Rencontre à Lille et l'assigne à l'adresse de cet organisme. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé ait informé le préfet qu'il résidait en dehors du périmètre de l'arrondissement de Lille. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 5 décembre 2017. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par M. A...aux fins d'injonctions et celles tendant à ce qu'une somme d'argent soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 12 décembre 2017 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille est annulé.
Article 2 : La demande de M. A...ainsi que les conclusions d'appel présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...A..., au ministre de l'intérieur et à Me B...C....
N°18DA00257 2