Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D...B...a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 149 855, 87 euros assortie des intérêts moratoires, à la suite de la résiliation unilatérale du contrat qui le liait à l'administration.
Par un jugement n° 1401218 du 11 juillet 2016, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 14 septembre 2016, et des mémoires, enregistrés les 1er juin, 27 juillet et 23 octobre 2017, M. D...B..., représenté, en dernier lieu par Me A...C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 149 855, 87 euros assortie des intérêts moratoires ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 7 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code des marchés publics ;
- la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986;
- la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 ;
- la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jimmy Robbe, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Amélie Fort-Besnard, rapporteur public,
Considérant ce qui suit :
1. Par un contrat conclu le 30 juillet 2010, M. B...a donné à bail à l'Etat, représenté par le directeur régional des finances publiques du Nord / Pas-de-Calais, des locaux destinés à accueillir le centre des finances publiques du Cateau-Cambrésis. Par une lettre du 23 novembre 2011, ce directeur a prononcé la résiliation de ce bail à compter du 31 mai 2012. M.B..., qui n'a pas sollicité la reprise des relations contractuelles, relève appel du jugement du 11 juillet 2016 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté, comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître, sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser, en exécution de ce bail, une somme de 149 855, 87 euros correspondant aux dépenses de remise en état des locaux, aux factures d'électricité et au montant des cotisations de taxe foncières afférentes à ces locaux, et à ce que cette somme soit assortie des intérêts moratoires.
Sur la régularité du jugement :
2. Le bail conclu le 30 juillet 2010, entre M.B..., propriétaire des locaux, et l'Etat, était destiné à accueillir, après des travaux de réfection, le centre des finances publiques du Cateau-Cambrésis. Ce bail, portant sur les locaux constituant le rez-de-chaussée d'un immeuble situé 14-16 rue Charles Seydoux sur le territoire de cette commune, a été consenti pour une durée de neuf années commençant à courir à compter du 1er juin 2010, date à laquelle le preneur devait avoir la jouissance effective des lieux.
3. En premier lieu, sauf disposition législative contraire, la nature juridique d'un contrat s'apprécie à la date à laquelle il a été conclu. Aux termes du I de l'article 2 de la loi du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier : " Les marchés passés en application du code des marchés publics ont le caractère de contrats administratifs ". Aux termes de l'article 3 du code des marchés publics, en vigueur à la date de la conclusion du bail : " Les dispositions du présent code ne sont pas applicables aux marchés et accords-cadres suivants passés par les pouvoirs adjudicateurs définis à l'article 2 : (...) / 3° Accords-cadres et marchés de services qui ont pour objet l'acquisition ou la location, quelles qu'en soient les modalités financières, de terrains, de bâtiments existants ou d'autres biens immeubles, ou qui concernent d'autres droits sur ces biens ; toutefois, les contrats de services financiers conclus en relation avec le contrat d'acquisition ou de location, sous quelque forme que ce soit, entrent dans le champ d'application du présent code ".
4. Le bail conclu le 30 juillet 2010 ayant pour seul objet la location de bâtiments existants, les dispositions du code des marchés publics ne lui sont pas applicables. Ce bail ne relevant pas de ce code, il ne revêt pas le caractère d'un contrat administratif par détermination de la loi.
5. En second lieu, d'une part, ce bail a pour seul objet de répondre aux besoins de fonctionnement de la direction régionale des finances publiques du Nord / Pas-de-Calais et non pas de confier à M. B...l'exécution du service public dont cette direction a la charge, ni de l'y faire participer ou de l'y associer. Ce bail n'a pas davantage pour objet de confier à M. B...l'exécution de travaux publics.
6. D'autre part, un contrat conclu entre une personne publique et une personne privée peut également être qualifié d'administratif s'il comporte une clause qui, notamment par les prérogatives reconnues à la personne publique contractante dans l'exécution du contrat, implique, dans l'intérêt général, qu'il relève du régime exorbitant des contrats administratifs.
7. En l'espèce, le bail du 30 juillet 2010 stipule que " les droits et obligations des parties contractantes sont réglées conformément aux dispositions du code civil et des lois en vigueur et aux usages locaux pour tout ce qui n'est pas prévu au présent bail ". Par cette clause, en l'absence d'autres stipulations contraires prévues au contrat et en dépit de leurs allégations devant la juridiction administrative, les parties doivent être regardées comme ayant entendu soumettre leurs rapports contractuels aux règles du droit privé applicables aux contrats de location d'un bien immobilier, et notamment à celles des dispositions du 4ème alinéa de l'article 57 A de la loi du 23 décembre 1986 tendant à favoriser l'investissement locatif, l'accession à la propriété de logements sociaux et le développement de l'offre foncière, ou des articles 12 et 15 de la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs, qui ouvrent au locataire, sous certaines conditions, la faculté de résilier unilatéralement le contrat de location d'un bien immobilier. Ainsi, et alors même que l'Etat et M. B... prétendent, dans leurs écritures, que le bail conclu entre eux revêt le caractère d'un contrat administratif du fait de la présence d'une clause qu'ils qualifient d'exorbitante, la clause accordant au seul bénéfice de l'Etat la faculté de résilier le bail " à tout moment et pour quelque cause que ce soit ", qui a été mise en oeuvre par la lettre du 23 novembre 2011 mentionnée au point 1, ne saurait être regardée, au regard de ce qui précède, comme au nombre de celles qui, notamment par les prérogatives reconnues à la personne publique contractante dans l'exécution du contrat, impliquent, dans l'intérêt général, qu'il relève du régime exorbitant des contrats administratifs. En outre, aucune des autres clauses de ce bail ne saurait être regardée comme ayant cette nature.
8. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 7 que le bail du 30 juillet 2010 ne revêt pas le caractère d'un contrat administratif. Les conclusions indemnitaires présentées par M. B..., si elles se rapportent à des dépenses liées à des engagements pris antérieurement à la signature de la convention, se rattachent directement à l'exécution du bail dont elles ne sont pas dissociables, M. B... en réclame d'ailleurs le remboursement sur le fondement de la responsabilité contractuelle de l'Etat. Par suite, de telles conclusions ne relèvent pas de la compétence de la juridiction administrative.
9. Il résulte tout de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Sur les frais liés au procès :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à l'appelant de la somme qu'il demande sur ce fondement.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...B...et au ministre de l'action et des comptes publics.
N°16DA01639 2