Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Léon Grosse a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, de condamner la région Nord-Pas-de-Calais à lui verser la somme de 589 240,63 euros correspondant solde des intérêts moratoires dus au titre des semestrialités non réglées en méconnaissance du marché de rénovation du lycée Châtelet à Douai conclu le 11 avril 1998, d'autre part, de condamner la région Nord-Pas-de-Calais au versement d'une majoration de deux pour cent par mois de retard sur la somme de 589 240,63 euros.
Par un jugement n° 1206343 du 29 mars 2016, le tribunal administratif de Lille a fait droit à cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 6 juin 2016, la région Hauts-de-France, représentée par la SCP Dominique Levasseur-Virginie Levasseur, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de limiter le montant des intérêts susceptibles d'être dus à la société Léon Grosse à la somme de 239 287,90 euros ;
3°) de mettre à la charge de la société Léon Grosse la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'annulation du marché du 11 avril 1998 prononcée par le jugement du 9 janvier 2007 du tribunal administratif de Lille, sans modulation dans le temps, n'a pas permis de mettre en oeuvre le régime des intérêts contractuels ;
- le marché ayant été rétabli par la décision du Conseil d'Etat du 12 janvier 2011, il y a lieu de mettre en oeuvre les intérêts contractuels prévus à compter de cette date augmentée de 45 jours, jusqu'à la date du paiement au principal du 16 février 2012 soit une somme de 239 287,87 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 juillet 2017, la société Léon Grosse, représentée par la société d'avocats CMS Bureau Françis Lefebvre, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la région Hauts-de-France de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société Léon Grosse soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 4 septembre 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 26 septembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Michel Richard, président-assesseur,
- les conclusions de Mme Amélie Fort-Besnard, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par un acte d'engagement du 11 avril 1998, la région Nord-Pas-de-Calais a confié à la société Léon Grosse un marché de rénovation et de gros entretien du lycée Châtelet à Douai. Ce contrat a été déclaré nul dans un premier temps par un jugement du 9 janvier 2007 du tribunal administratif de Lille puis par la cour administrative d'appel de Douai dans son arrêt du 20 octobre 2009. Toutefois, par une décision du 12 janvier 2011, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt de la cour et lui a renvoyé l'affaire. Par son nouvel arrêt du 16 novembre 2012, la cour administrative de Douai s'est prononcée sur le litige relatif au paiement de travaux supplémentaires sur le fondement des stipulations contractuelles. En raison de ces différentes instances et compte tenu de l'annulation du marché survenue le 9 janvier 2007, la région s'est abstenue de payer le solde de la semestrialité n° 18 et des semestrialités nos 19 et 20. Ces sommes n'ont été versées à la société Léon Grosse que le 20 janvier 2012 ainsi que la somme de 57 403,53 euros au titre des intérêts moratoires correspondants, tels qu'évalués par la région. La société Léon Grosse a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner cette dernière à lui verser le solde des intérêts moratoires restant dus en vertu des semestrialités citées ci-dessus. La région Hauts-de-France relève appel du jugement du 29 mars 2016 par lequel le tribunal administratif de Lille l'a condamnée à verser à la société Léon Grosse la somme de 589 240,43 euros au titre du règlement des intérêts moratoires restant dus et non réglés et a majoré ces intérêts moratoires de deux pour cent par mois de retard dans le paiement de la somme de 589 240,43 euros à compter du 20 février 2012.
2. Pour condamner la région Hauts-de-France au titre des intérêts moratoires dus et non versés à la société Léon Grosse, le tribunal a relevé, par des motifs qui ne sont pas contestés, que le solde des semestrialités n° 18, 19 et 20, contractuellement dues à compter respectivement du 13 mai 2007, 13 novembre 2007 et 13 mai 2008, n'avait été réglé à la société titulaire du marché que le 20 février 2012. Compte tenu du nombre de jours de retard constaté et du taux légal applicable en 2007 et en 2008, le tribunal a estimé que les intérêts moratoires s'élevaient respectivement à la somme de 22 983,16 euros, 299 631,78 euros et de 324 029,02 euros au titre de ces échéances. Il a ensuite déduit du montant global 646 693,96 euros ainsi fixé, la somme de 57 403,53 euros déjà versée par la région, avant d'arrêter le montant dû à la société Léon Grosse à la somme de 589 240,43 euros.
3. Il résulte de la décision du Conseil d'Etat, statuant au contentieux, mentionnée au point 1, qui a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 20 octobre 2009 et de l'arrêt définitif rendu par celle-ci sur renvoi le 20 novembre 2012, que les clauses contractuelles unissant les parties à compter de la signature du marché sont réputées n'avoir jamais cessé d'être en vigueur, compte tenu de l'effet rétroactif attaché à cette décision. La cour s'est d'ailleurs ultérieurement fondée sur ce contrat pour régler le litige entre la société Léon Grosse et la région Hauts-de-France concernant l'établissement du solde du marché.
4. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 qu'il appartenait donc au tribunal administratif de Lille, comme juge du contrat, saisi par la société Léon Grosse, de faire, dans le jugement en litige, application des stipulations contractuelles afin de calculer le montant des intérêts moratoires contractuels dus par le maître d'ouvrage pour le paiement des sommes dues au titre du règlement du marché, en dépit de l'annulation qui avait été prononcée à tort de ce contrat entre le 9 janvier 2007 et le 12 janvier 2011. Par suite, la région requérante n'est pas fondée à soutenir qu'il y aurait lieu de déduire du calcul des intérêts moratoires les périodes pendant lesquelles le contrat a été déclaré nul.
5. Il s'en suit que la région Hauts-de-France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a prononcé la condamnation mentionnée au point 1.
Sur les frais liés au litige:
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Léon Grosse qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la région Hauts-de-France demande au titre des frais liés au litige.
7. En revanche, il y a lieu, sur le fondement de ces dernières dispositions, de mettre à la charge de la région Hauts-de-France le paiement de la somme de 1 500 euros à la société Léon Grosse au titre des mêmes frais.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la région Hauts-de-France est rejetée.
Article 2 : La région Hauts-de-France versera à la société Léon Grosse une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la région Hauts-de-France et à la société Léon Grosse.
N°16DA01035 2