Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Gervois Matériaux a demandé au tribunal administratif d'Amiens, à titre principal, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires de taxe sur les surfaces commerciales mises à sa charge au titre des années 2010, 2011 et 2012 et, à titre subsidiaire, la réduction de cette taxe au titre des trois années par application de l'abattement de 30 % prévu pour certaines professions par l'article 3 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 modifiée.
Par un jugement n° 1401309 du 28 avril 2016, le tribunal administratif d'Amiens a, d'une part, déchargé la société Gervois Matériaux de la taxe sur les surfaces commerciales mises à sa charge au titre des années 2010, 2011 et 2012 dans la mesure de la réduction en base résultant de la fixation d'une surface de vente réduite à 2 606 m² et, d'autre part, rejeté le surplus de ses conclusions.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 1er juillet 2016, 26 septembre 2016 et 13 juillet 2017, la société Gervois Matériaux, représentée par la CMS Bureau Francis Lefebvre, demande à la cour :
A titre principal,
1°) de prononcer la décharge intégrale des cotisations supplémentaires de taxe sur les surfaces commerciales mises à sa charge au titre des années 2010, 2011 et 2012 ainsi que des intérêts de retard et pénalités afférentes ;
2°) de réformer le jugement en tant qu'il a rejeté l'intégralité du surplus de ses conclusions ;
A titre subsidiaire,
3°) de prononcer la réduction de cette taxe au titre des années 2010, 2011 et 2012, par application de l'abattement de 30 % prévu pour certaines professions par l'article 3 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 modifiée ainsi que, dans cette même mesure, des intérêts de retard et pénalités afférentes ;
4°) de réformer le jugement de première instance dans cette mesure ;
5°) en tout état de cause, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 ;
- le décret n° 95-85 du 26 janvier 1995 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Xavier Fabre, premier conseiller,
- les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public,
- et les observations de Me A...représentant la société Gervois Matériaux.
Une note en délibéré, présentée pour la société Gervois Matériaux a été enregistrée le 28 septembre 2018.
Sur l'exception d'incompétence matérielle de la cour opposée par le ministre :
1. En vertu du 4° de l'article R. 811-1 du code de justice administrative, le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort " sur les litiges relatifs aux impôts locaux et à la contribution à l'audiovisuel public, à l'exception des litiges relatifs à la contribution économique territoriale ".
2. Pour l'application de ces dispositions, doit être regardé comme un impôt local tout impôt dont le produit, pour l'année d'imposition en cause, est majoritairement affecté aux collectivités territoriales, à leurs groupements ou aux établissements publics qui en dépendent. La taxe sur les surfaces commerciales due au titre des années d'imposition 2011 et suivantes constitue, du fait de son affectation aux communes et établissements publics de coopération intercommunale, un impôt local au sens du 4° de l'article R. 811-1 du code de justice administrative, sans qu'aient d'incidence à cet égard les dispositions de l'article 7 de la loi du 13 juillet 1972 qui prévoient que les réclamations relatives à cette taxe " sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables " à la taxe sur la valeur ajoutée, lesquelles ne portent que sur la procédure contentieuse et non sur la compétence des juridictions qu'elles n'ont ni pour objet ni pour effet de déterminer. Le tribunal administratif statue donc en premier et dernier ressort sur les litiges relatifs à la taxe sur les surfaces commerciales.
3. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que les conclusions présentées par la société Gervois Matériaux tendant à la décharge ou à la réduction de la taxe sur les surfaces commerciales mises à sa charge au titre des années 2011 et 2012 ainsi que les intérêts de retard et pénalités afférentes ne ressortissent pas de la compétence de la cour administrative d'appel mais à celle du Conseil d'Etat, statuant comme juge de cassation. Il y a lieu, dès lors, de transmettre ces conclusions au Conseil d'Etat.
Sur l'appel principal de la société Gervois Matériaux :
En ce qui concerne la régularité du jugement en tant qu'il statue sur la taxe sur les surfaces commerciales de l'année 2010 :
4. Il appartient au juge administratif de se prononcer sur le bien-fondé des moyens dont il est saisi et, le cas échéant, d'écarter de lui-même, quelle que soit l'argumentation du défendeur, un moyen qui lui paraît infondé au vu de l'argumentation qu'il incombe au requérant de présenter au soutien de ses prétentions. Dès lors, en rectifiant l'interprétation donnée par les parties aux dispositions de la loi du 13 juillet 1972 permettant de bénéficier d'une minoration de 30% de la surface taxable pour le calcul de la taxe sur les surfaces commerciales, les premiers juges n'ont pas soulevé un moyen d'ordre public soumis à débat contradictoire mais se sont bornés à remplir leur office. Ce faisant ils n'ont pas davantage méconnu la portée du moyen dont ils étaient saisis. Par suite, le jugement n'a pas été rendu en méconnaissance du contradictoire et n'est pas entaché d'insuffisance de motivation. La société Gervois Matériaux n'est ainsi pas fondée à soutenir que le jugement est irrégulier.
En ce qui concerne l'assujettissement de la société Gervois Matériaux à la taxe sur les surfaces commerciales due au titre de l'année 2010 :
5. Aux termes de l'article 3 de la loi du 13 juillet 1972 instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et artisans âgés : " Il est institué une taxe sur les surfaces commerciales assise sur la surface de vente des magasins de commerce de détail, dès lors qu'elle dépasse 400 mètres carrés des établissements ouverts à partir du 1er janvier 1960 quelle que soit la forme juridique de l'entreprise qui les exploite ".
6. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ de l'assujettissement à l'impôt ou, le cas échéant, s'il remplit les conditions légales d'une exonération.
7. La société Gervois Matériaux a été créée en 1986 pour, d'une part, exploiter un commerce de vente de matériaux de construction et, d'autre part, vendre au détail du matériel de bricolage à destination des particuliers, ces activités de vente étant effectuées dans des locaux dont il est constant qu'ils excèdent 400 m² . Il résulte également de l'instruction que la société appelante a racheté le fonds de la SA Etablissement Gervois, immatriculée au registre de commerce le 3 décembre 1956, société dont l'objet social portait sur le commerce du bois, des dérivés du bois et matériaux divers. Cet objet social ne fait pas état de vente au détail et il ne ressort d'aucun document que la SA Etablissement Gervois aurait exercé une telle activité antérieurement au 1er janvier 1960.
8. Il résulte de ce qui précède que la société Gervois Matériaux entre dans le champ d'assujettissement de la taxe sur les surfaces commerciales, ainsi que l'ont jugé, à juste titre les premiers juges.
En ce qui concerne l'applicabilité de la minoration de la surface de vente à hauteur de 30 % :
9. Aux termes de l'article 3 de la loi du 13 juillet 1972 instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et artisans âgés : " (...) La surface de vente des magasins de commerce de détail, prise en compte pour le calcul de la taxe, et celle visée à l'article L. 720-5 du code de commerce, s'entendent des espaces affectés à la circulation de la clientèle pour effectuer ses achats, de ceux affectés à l'exposition des marchandises proposées à la vente, à leur paiement, et de ceux affectés à la circulation du personnel pour présenter les marchandises à la vente. / La surface de vente des magasins de commerce de détail prise en compte pour le calcul de la taxe ne comprend que la partie close et couverte de ces magasins. / (...) Un décret prévoira, par rapport aux taux ci-dessus, des réductions pour les professions dont l'exercice requiert des superficies de vente anormalement élevées (...) / ". Par ailleurs, l'article 3 du décret du 26 janvier 1995, dans sa rédaction alors applicable, dispose que : " A. - La réduction de taux prévue au troisième alinéa de l'article 3 (2°) de la loi du 13 juillet 1972 susvisée en faveur des professions dont l'exercice requiert des superficies de vente anormalement élevées est fixée à 30 p. 100 en ce qui concerne la vente exclusive des marchandises énumérées ci-après : / (...) - matériaux de construction. / (...) ". Enfin, aux termes de l'article 6 de la loi précitée du 13 juillet 1972, dans sa rédaction alors en vigueur : " La taxe est due par l'exploitant de l'établissement. Le fait générateur de la taxe est constitué par l'existence de l'établissement au 1er janvier de l'année au titre de laquelle elle est due. La taxe est exigible le 15 mai de la même année ".
10. Il résulte des dispositions citées au point 9 qu'en subordonnant, par le A de l'article 3 du décret du 26 janvier 1995, le bénéfice de la réduction de taux, fixée à 30 %, à la condition que l'activité de vente des marchandises qu'il énumère soit exercée à titre exclusif, le pouvoir réglementaire s'est borné à déterminer le champ d'application de la mesure de réduction de taux prévue par le législateur en faveur des professions dont l'exercice requiert des superficies de vente anormalement élevées, sans excéder les compétences qu'il tenait des dispositions législatives citées au point 9.
11. Il résulte de l'instruction, notamment des propres écritures et pièces de la société appelante, que celle-ci vend tant des matériaux de construction que des matériels de bricolage. Ainsi, elle ne saurait être regardée comme exerçant, à titre exclusif, une activité de vente de matériaux de construction. Par suite, c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré qu'elle ne pouvait pas bénéficier de la réduction de taux de 30 % au titre de l'année 2010, peu important les parts respectives de son chiffre d'affaire résultant de l'activité de vente en gros de matériaux de construction, d'une part, et de l'activité de vente au détail de matériels de bricolage, d'autre part.
Sur l'appel incident du ministre :
En ce qui concerne la détermination de la surface taxable :
12. L'administration fiscale soutient que la surface de vente devant être retenue pour le calcul de la taxe sur les surfaces commerciales s'élève à 2 832 m² et à non 2 606, 34 m² comme l'ont retenu les premiers juges. A l'appui de cette affirmation, elle produit la déclaration modèle P déposée en 1997 par la société Gervois Matériaux ainsi que la fiche d'évaluation de ce bien. Pour autant, si cette déclaration fait état d'un hall d'une superficie de 2 832 m², cependant, il n'est pas établi par les pièces du dossier que ce hall serait entièrement affecté à la vente, alors qu'il résulte du constat d'huissier du 15 juillet 2013 pour la société appelante qu'une partie de l'espace couvert est utilisée pour la cantine ainsi que pour deux réserves. C'est, par suite, à juste titre que les premiers juges ont retenu une surface de 2 606,34 m² comme base de calcul de la taxe sur les surfaces commerciales.
Sur les frais liés au litige :
13. L'Etat n'étant pas partie perdante dans la présente instance, les conclusions de la société Gervois Matériaux tendant à ce que soit mis à sa charge la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le dossier de la requête de la société Gervois Matériaux tendant à la décharge ou à la réduction des cotisations de taxe sur les surfaces commerciales mises à sa charge au titre des années 2011 et 2012 est transmis au Conseil d'Etat.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Gervois Matériaux est rejeté.
Article 3 : L'appel incident du ministre des finances et des comptes publics est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Gervois Matériaux et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
2
N°16DA01206