Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...D...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 28 décembre 2017 par lequel le préfet du Pas-de-Calais l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
Par un jugement n° 1711079 du 8 janvier 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a fait droit à la demande de M.D....
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 mars 2018 et un mémoire complémentaire enregistré le 16 août 2018, le préfet du Pas-de-Calais demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du 8 janvier 2018 ;
2°) de rejeter la demande de première instance de M. D...;
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Rodolphe Féral, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.D..., ressortissant turc né le 8 mai 1997, a été interpellé par les services de police le 27 décembre 2017. Il a alors fait l'objet, le lendemain, d'un arrêté par lequel le préfet du Pas-de-Calais l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de la meure d'éloignement et l'a interdit de retour sur le territoire français pendant une durée de un an. Le préfet du Pas-de-Calais relève appel du jugement du 8 janvier 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté.
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :
2. Une décision obligeant un étranger à quitter le territoire français n'a pas à comporter l'ensemble des circonstances de fait de la situation de l'intéressé, mais uniquement les éléments pertinents pour fonder cette décision. Il en résulte que l'absence de la mention d'une ou plusieurs circonstances de fait non pertinentes ne saurait suffire à caractériser un défaut d'examen particulier de la situation de l'intéressé. En l'espèce, il ressort des mentions figurant dans l'application TelemOfpra, que M. D...n'a pas été enregistré comme demandeur d'asile en France en 2016 auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, contrairement à ce qu'il a soutenu lors de son audition devant les services de police, sa première demande d'asile en France n'ayant été enregistrée auprès de l'OFPRA que le 19 février 2018, postérieurement à la décision attaquée. L'intéressé n'apporte aucun élément pour remettre en cause ces mentions et indiquait d'ailleurs lui-même dans ses écritures de première instance qu'il n'avait pas demandé l'asile durant son séjour, étant précisé qu'en outre, contrairement à ce qu'il soutient en appel, il n'avait pas fait état de persécutions d'ordre politique dans son pays préalablement à l'édiction de la mesure d'éloignement. Il résulte de ce qui précède que la circonstance que le préfet du Pas-de-Calais n'ait pas mentionné dans la décision attaquée que l'intéressé avait indiqué avoir présenté une demande d'asile en 2016 ne saurait suffire à établir que le préfet n'aurait pas vérifié les allégations de M. D...et à caractériser un défaut d'examen particulier de la situation de ce dernier, alors que la décision attaquée comporte par ailleurs les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, notamment les motifs pour lesquels il entre dans les prévisions du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et mentionne les éléments relatifs à sa situation familiale et privée et à l'absence en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le préfet du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 28 décembre 2017 au motif que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M.D....
3. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D...devant le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille.
Sur le moyen commun aux décisions contestées :
4. M. C...A..., signataire de l'arrêté en litige, disposait d'une délégation de signature du 3 avril 2017, par arrêté régulièrement publié au recueil spécial des actes administratifs n° 31 du même jour, à l'effet de signer la décision attaquée. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte manque en fait et doit être écarté.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
5. Aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée (...). ". La décision attaquée mentionne les dispositions du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et indique, notamment, que M. D... ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français et est, par ailleurs, dépourvu d'un titre de séjour en cours de validité. Ainsi, cette décision comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est, par suite, suffisamment motivée.
6. M. D...se borne à affirmer que la décision l'obligeant à quitter le territoire national est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. Ainsi, il n'apporte aucun élément à l'appui de ce moyen permettant à la cour d'en apprécier le bien-fondé. En tout état de cause, si l'intéressé fait valoir au cours de ses écritures de première instance qu'il a des attaches familiales en France, il ne l'établit pas. Dans ces conditions, eu égard à la durée et aux conditions de séjour en France de M.D..., la décision attaquée n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.
Sur le refus d'un délai de départ volontaire :
7. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 (...). ".
8. La décision attaquée, qui cite les dispositions précitées, indique notamment que M. D..., qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour et n'a pas déclaré de lieu de résidence permanente et effective, présente un risque de se soustraire à la mesure d'éloignement dont il fait l'objet. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision en litige manque en fait et doit être écarté.
9. Il ne résulte ni de la motivation de la décision attaquée, ni d'aucune pièce du dossier, que le préfet du Pas-de-Calais n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. D... avant de prendre cette décision.
10. M. D...se borne à affirmer que la décision lui refusant un délai de départ volontaire est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. Ainsi, il n'apporte aucun élément à l'appui de ce moyen permettant à la cour d'en apprécier le bien-fondé. En tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que M D...ne justifie pas être entré régulièrement sur le territoire français et n'avait, à la date de l'arrêté en litige, sollicité ni une protection au titre de l'asile en France, ainsi qu'il a été dit au point 2, ni la délivrance d'un titre de séjour. En outre, l'intéressé ne présente pas de garanties de représentation suffisantes. Dans ces conditions, même si M. D...fait valoir qu'il a des membres de sa famille en France, le préfet du Pas-de-Calais en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire n'a pas commis d'erreur dans son appréciation de la situation de M. D...au regard des dispositions précitées du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur le pays de destination :
11. La décision par laquelle le préfet du Pas-de-Calais a fixé le pays de destination énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision fixant le pays de renvoi de doit être écarté.
12. Il ne résulte ni de la motivation de la décision fixant le pays de destination ni d'aucune pièce du dossier que le préfet du Pas-de-Calais n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. D...avant de prendre cette décision.
13. M. D...soutient qu'il encourt des risques en cas de retour dans son pays d'origine en raison de ses opinions politiques. A ce titre, il fait notamment valoir qu'il est proche de l'opposition et qu'il a fui son pays en raison de son appel pour le service militaire obligatoire, alors qu'il est objecteur de conscience. Toutefois, il ne produit aucun élément susceptible d'établir la réalité des faits ainsi allégués et l'existence de risques personnels et actuels en cas de retour en Turquie. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.
Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :
14. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...)La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...). ".
15. La décision prononçant à l'encontre de M. D...une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, qui mentionne les dispositions du III de l'article L. 511-1 précité, indique notamment qu'il n'a jamais débuté de procédure pour être en situation régulière, qu'il n'a aucun lien privé ou familial en France, qu'il n'a pas fait l'objet précédemment d'une mesure d'éloignement et que sa présence sur le territoire ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Ainsi et contrairement à ce que soutient l'intéressé, cette décision comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée doit être écarté comme manquant en fait.
16. Il ne résulte ni de la motivation de la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ni d'aucune pièce du dossier, que le préfet du Pas-de-Calais n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. D...avant de prendre la décision contestée.
17. En se fondant sur les conditions irrégulières du séjour en France de M.D..., sur l'absence de liens privés en France et sur le fait que celui-ci n'avait pas entrepris la moindre démarche en vue de régulariser sa situation au regard du séjour en France, le préfet du Pas-de-Calais a pu, sans entacher sa décision d'une erreur d'appréciation, prononcer à son encontre une interdiction de retour pour une durée d'un an.
18. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 28 décembre 2017.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1711079 du 8 janvier 2018 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille est annulé.
Article 2 : La demande susvisée présentée par M. D...devant le tribunal administratif de Lille est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B...D....
Copie en sera transmise pour information au préfet du Pas-de-Calais.
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N°18DA00542