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20/09/2018 | FRANCE | N°18DA00481

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 20 septembre 2018, 18DA00481


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...B...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 29 août 2017 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, de lui enjoindre de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter du jugement à intervenir, et de mettre à la charge de l'Etat au bénéfi

ce de son conseil la somme de 1000 euros sur le fondement des dispositions combiné...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...B...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 29 août 2017 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, de lui enjoindre de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter du jugement à intervenir, et de mettre à la charge de l'Etat au bénéfice de son conseil la somme de 1000 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 1708467 du 6 février 2018, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 mars 2018, MmeB..., représentée par Me F...C..., à laquelle a succédé Me A...E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 29 août 2017 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;

3°) d'enjoindre au préfet du Pas-de-Calais de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir.

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 000 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 amendé relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Cassara, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. MmeB..., ressortissante algérienne, née le 6 avril 1987, a demandé l'annulation de l'arrêté du 29 août 2017 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a refusé de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Elle relève appel du jugement du 27 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

2. D'une part, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) " et aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions sont applicables aux ressortissants algériens : " (...) le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". En outre, aux termes de l'article R. 313-23 du même code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...) Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Au vu du certificat médical et des pièces qui l'accompagnent ainsi que des éléments qu'il a recueillis au cours de son examen éventuel, le médecin de l'office établit un rapport médical (...) " . Aux termes de l'article 5 de cet arrêté : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport (...) " et aux termes de l'article 6 de cet arrêté : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis (...) précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande sur le fondement des stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, de vérifier, au vu de l'avis mentionné aux points 2 et 3, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans le pays dont l'étranger est originaire et, pour le cas des ressortissants algériens, que ces derniers aient effectivement accès à ces soins.

5. D'une part, Mme B...soutient souffrir d'un diabète de type 2, d'asthme, de crises de goutte et de la maladie de Freiberg, ainsi que de dépression et troubles psychologiques, affections nécessitant selon elle un suivi médical régulier en France, qui ne pourrait être assuré en Algérie. Il ressort des pièces du dossier que pour refuser de délivrer à Mme B...un titre de séjour en qualité d'étranger malade, le préfet du Pas-de-Calais s'est notamment fondé sur l'avis du 30 mai 2017 rendu par le collège médical du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration précisant que l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'un traitement approprié existe dans son pays d'origine, dont elle peut bénéficier effectivement eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé et que son état de santé lui permet de voyager sans risque vers son pays d'origine. Pour contester cet avis, la requérante s'appuie de nouveau sur un certificat médical du 9 février 2017 du docteur Hirsberg, son médecin traitant, faisant état des diverses pathologies dont elle est atteinte, pour lesquelles elle bénéficie d'un suivi médical régulier en France, précisant que ces pathologies lui interdisent tout voyage à l'étranger, et à produire des pièces qui se bornent à décrire en des termes généraux la situation sanitaire en Algérie, sans exposer de manière circonstanciée en cause d'appel à quels soins ou à quels médicaments elle n'aurait pas effectivement accès dans son pays d'origine, afin de bénéficier d'un traitement approprié pour les affections donc elle est atteinte. S'il ressort aussi des pièces produites en cause d'appel, notamment du certificat médical du 16 février 2018, que Mme B...bénéficie toujours d'un suivi médical et psychologique qui ne pourrait, selon ce certificat, n'être réalisé qu'en France et non en Algérie, et qu'elle est prise en charge par un psychiatre, ces pièces ne comportent aucun commencement d'explication sur les raisons pour lesquelles la prise en charge des affections dont est atteinte Mme B...ne pourrait être assurée en Algérie. Dans ces conditions, les pièces communiquées par Mme B...ne permettent pas de remettre en cause les conclusions de l'avis mentionné ci-dessus rendu par le collège médical du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Par ailleurs, il ne ressort pas non plus des autres pièces du dossier que Mme B...ne pourrait pas effectivement avoir accès aux soins appropriés à son état de santé dans son pays d'origine.

6. D'autre part, si le préfet du Pas-de-Calais s'est également fondé sur l'absence de résidence habituelle en France de la requérante, il résulte de l'instruction qu'il aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur les autres motifs exposés au point 5 qui ne sont pas entachés d'illégalité ainsi qu'il a été dit. Dès lors, le moyen tiré de l'erreur de fait ne peut qu'être écarté. Il résulte des points 5 et 6 que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que le préfet du Pas-de-Calais aurait méconnu le 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien en refusant de lui délivrer un titre de séjour.

7. Mme B...soutient qu'elle n'est pas entrée en France le 13 décembre 2016 et il ressort des pièces du dossier qu'elle a pu y effectuer de nombreux séjours, sous couvert d'un visa à entrées multiples, à partir de 2014. Elle justifie aussi avoir épousé en 2016 un compatriote résidant régulièrement en France. Toutefois, il est constant que les époux vivent séparément à la date de la décision attaquée et qu'un divorce a été prononcé par jugement du 26 octobre 2017 du tribunal de grande instance d'Arras. Si elle avance qu'elle risquerait d'être marginalisée en Algérie, du fait de ce divorce, aucune pièce versée au dossier ne permet de tenir pour établies ses allégations. Elle n'a, par ailleurs, formé aucune demande de titre de séjour en qualité de salariée, et ne justifie d'aucune insertion professionnelle ancienne et stable en produisant une promesse d'embauche sous contrat de travail à durée indéterminée établie le 6 juillet 2017, et une autre promesse d'embauche, au demeurant postérieure à la date de la décision attaquée lui refusant un titre de séjour. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier, compte tenu notamment de la durée du séjour de Mme B...sur le territoire français, qu'elle serait isolée et dépourvue d'attaches privées et familiales dans son pays d'origine, où elle a vécu habituellement au moins jusqu'à l'âge de vingt-neuf ans. Enfin, comme il a été dit précédemment, l'état de santé de Mme B... n'implique pas qu'elle réside en France pour que lui soient prodigués des soins qui ne seraient pas accessibles dans son pays d'origine. Par suite, le préfet du Pas-de-Calais n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle entraîne sur la situation personnelle de l'intéressée.

8. Enfin, pour les motifs exposés au point 5, le moyen tiré de ce que le renvoi de Mme B... en Algérie mettrait en péril sa santé et sa vie, en violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en vertu duquel " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " doit être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...B...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information au préfet du Pas-de-Calais.

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N°18DA00481


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18DA00481
Date de la décision : 20/09/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Hervé Cassara
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : FERCHICHI

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2018-09-20;18da00481 ?
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