Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 30 avril 2013 par lequel le directeur départemental de la sécurité publique du Nord lui a infligé un blâme et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 6 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de cette décision.
Par un jugement n° 1303601 du 21 juin 2016, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 27 juillet 2016 et des mémoires enregistrés le 18 octobre 2016 et le 5 février 2018, Mme B...demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 30 avril 2013 par lequel le directeur départemental de la sécurité publique du Nord lui a infligé un blâme ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 500 euros en réparation du préjudice subi.
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1984 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;
- le décret n° 86-592 du 18 mars 1986 portant code de déontologie de la police nationale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Valérie Petit, président-assesseur,
- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,
-et les observations de MmeB....
Une note en délibéré présentée par Mme A...B...a été enregistrée le 10 septembre 2018.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A...B..., brigadier-chef de police affectée à la circonscription de sécurité publique de Lille agglomération, a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 30 avril 2013 par lequel le directeur départemental de la sécurité publique du Nord lui a infligé un blâme et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 6 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de cette décision. Par un jugement du 21 juin 2016, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Mme B...relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement :
2. Par une ordonnance du 1er juin 2016, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Lille a transmis à la cour une " demande en récusation du tribunal administratif de Lille ". La cour administrative d'appel a statué, le 22 septembre 2016, sous le n° 16DA1023, sur cette demande, en estimant que Mme B...devait être regardée comme demandant le renvoi à un autre tribunal administratif, pour cause de suspicion légitime, de l'affaire enregistrée sous le n° 1303601, dont elle avait saisi le tribunal administratif, et en prononçant un non-lieu à statuer, après avoir constaté que le tribunal administratif avait rendu son jugement dès le 21 juin 2016. En jugeant ainsi l'affaire qui lui était soumise, sans attendre que la cour ne se prononce sur la demande de renvoi à un autre tribunal administratif pour cause de suspicion légitime, présentée par MmeB..., le tribunal administratif de Lille a entaché son jugement d'irrégularité, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés sur ce point par la requérante. Ce jugement doit, dès lors, être annulé.
3. Il y a lieu, pour la cour, d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions présentées par Mme B...devant le tribunal administratif de Lille et devant la cour administrative d'appel de Douai.
Sur les conclusions tendant à la prescription d'une enquête :
4. Aux termes de l'article R. 623-1 du code de justice administrative : " La juridiction peut, soit sur la demande des parties, soit d'office, prescrire une enquête sur les faits dont la constatation lui paraît utile à l'instruction de l'affaire ". Le juge administratif, qui dirige l'instruction, n'est tenu de prescrire une enquête que s'il l'estime opportun pour apporter une solution au litige en cause. Mme B... demande qu'une enquête soit prescrite afin d'auditionner certains fonctionnaires pour établir leur partialité et que soient déterminées les conditions dans lesquelles ces derniers se sont procurés les éléments qu'elle a produits dans une autre instance engagée devant le tribunal administratif de Lille et qu'ils ont annexés au mémoire en défense produit en première instance. Toutefois, une telle enquête n'est pas utile à l'instruction de la présente affaire. Par suite, les conclusions de la requérante ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
5. Aux termes de l'article 18 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée : " Le dossier du fonctionnaire doit comporter toutes les pièces intéressant la situation administrative de l'intéressé, enregistrées, numérotées et classées sans discontinuité./ Il ne peut être fait état dans le dossier d'un fonctionnaire, de même que dans tout document administratif, des opinions ou des activités politiques, syndicales, religieuses ou philosophiques de l'intéressé./ Tout fonctionnaire a accès à son dossier individuel dans les conditions définies par la loi. (...) ". Aux termes de l'article 19 de cette même loi, dans sa rédaction applicable au litige : " Le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité investie du pouvoir de nomination./ Le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix. L'administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier. Aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le premier groupe par les dispositions statutaires relatives aux fonctions publiques de l'Etat, territoriale et hospitalière ne peut être prononcée sans consultation préalable d'un organisme siégeant en conseil de discipline dans lequel le personnel est représenté. L'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 dispose que : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes./ Premier groupe :/ l'avertissement ;/ le blâme. (...) ".
En ce qui concerne la légalité externe de la sanction :
6. Mme B...soutient, en premier lieu, que son dossier individuel ne comporterait pas l'ensemble des éléments intéressant sa situation. Elle n'établit pas, toutefois, que les documents dont elle estime qu'ils auraient dû y figurer existent ou qu'ils y avaient leur place. Par ailleurs, le procès-verbal de son audition le 5 novembre 2012, dans le cadre d'une enquête préliminaire ouverte après le dépôt d'une plainte de son supérieur hiérarchique le 28 décembre 2011 pour dénonciation calomnieuse, n'avait pas nécessairement à y figurer dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que l'administration s'est fondée, non pas sur cette enquête, mais sur une enquête administrative qu'elle a elle-même diligentée, à raison des mêmes faits, dont les résultats ont été communiqués à Mme B...le 14 mars 2013 et qui figure dans son dossier individuel. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que l'auteur de la sanction se soit fondé sur d'autres éléments que ceux présents au dossier pour prononcer la sanction de blâme. Le moyen tiré de ce que le dossier de Mme B...ne comportait pas l'ensemble des pièces et éléments d'appréciation utiles à la défense doit, dès lors, être écarté.
7. En deuxième lieu, d'une part, Mme B...a été entendue dans le cadre de l'enquête administrative diligentée par l'administration dont les conclusions lui ont été remises le 14 mars 2013. Elle s'est aussi vu notifier ses droits à communication de son dossier et à l'assistance d'un défenseur, le 19 avril 2013. D'autre part, il résulte de la combinaison des articles 19 et 66 de la loi du 11 janvier 1984 que les sanctions du premier groupe, auquel appartient le blâme, peuvent être prononcées sans consultation préalable du conseil de discipline. Par ailleurs, Mme B...ne peut utilement se prévaloir à l'encontre de la décision en litige des irrégularités qui, selon elle, auraient entaché l'enquête préliminaire menée sous le contrôle de l'autorité judiciaire.
8. En troisième lieu, tout agent en position d'activité peut faire l'objet de poursuites disciplinaires. Ainsi, MmeB..., qui était en position d'activité, pouvait faire l'objet d'une procédure disciplinaire sans qu'y fasse obstacle la circonstance qu'elle était alors en congé de longue maladie.
9. En quatrième lieu, lorsque les faits commis par un agent public donnent lieu à la fois à une action pénale et à des poursuites disciplinaires, l'administration peut se prononcer sur l'action disciplinaire sans attendre l'issue de la procédure pénale. Ainsi, Mme B...n'est pas fondée à soutenir que la procédure disciplinaire ne pouvait être engagée en raison des poursuites pénales dont elle faisait l'objet pour les mêmes faits.
10. En cinquième lieu, les dispositions de l'article 19 de la loi du 11 janvier 1984, dans leur rédaction applicable à la date de la décision en litige, n'enfermaient pas dans un délai déterminé l'exercice de l'action disciplinaire. Par ailleurs, la circonstance que, le 22 février 2011, une enquête administrative ait conclu à l'absence d'engagement de poursuites disciplinaires faute d'éléments permettant d'établir les fautes de MmeB..., ne fait pas obstacle à ce que, à l'issue d'une nouvelle enquête administrative, une procédure disciplinaire soit engagée, à raison des mêmes faits. Ainsi, la requérante n'est pas fondée à soutenir que les faits pour lesquels elle est poursuivie seraient prescrits ni, en tout état de cause, que la sanction infligée méconnaîtrait la règle " non bis in idem ".
En ce qui concerne la légalité interne :
11. Il ressort des pièces du dossier que Mme B...a affirmé en public que son supérieur hiérarchique avait conduit en état d'ivresse. Elle n'a, toutefois, jamais présenté d'éléments probants, tel un test d'alcoolémie, de nature à établir cette allégation. Elle a, de surcroît, persévéré dans ses propos alors même que sa hiérarchie lui avait expressément demandé d'y mettre fin. Ce comportement, qui méconnaît les exigences de la déontologie policière ainsi que le devoir d'obéissance, rappelés par le code de la déontologie de la police nationale prévu par le décret n° 86-592 du 18 mars 1986, est, par suite, de nature à justifier le prononcé d'une sanction disciplinaire.
12. Le choix, par l'administration, d'un blâme, n'est pas disproportionné aux manquements ainsi reprochés à MmeB....
13. Mme B...ne peut, non plus, utilement soutenir que cette sanction correspondrait à un agissement de harcèlement moral, dès lors que son illégalité n'est pas établie.
14. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme B...doivent être rejetées.
Sur les conclusions indemnitaires et sans qu'il soit besoin d'en examiner la recevabilité :
15. En l'absence d'illégalité fautive de la décision attaquée, les conclusions indemnitaires présentées par Mme B...ne peuvent qu'être rejetées.
16. Compte tenu du rejet des conclusions à fins d'annulation, les conclusions à fins d'injonction présentées par Mme B...ne peuvent qu'être rejetées. Il en va de même des conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur au titre des mêmes décisions.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 21 juin 2016 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme B...devant le tribunal administratif de Lille ainsi que ses conclusions présentées devant la cour administrative d'appel de Douai sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions présentées par le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
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N°16DA01612