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30/07/2018 | FRANCE | N°17DA02395

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre - formation à 3, 30 juillet 2018, 17DA02395


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...A...D...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 20 décembre 2016 par lequel le préfet de l'Eure a refusé son admission au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, ainsi que d'annuler la décision du 5 avril 2017 portant saisie de son passeport.

Par un jugement n° 1701564 du 28 août 2017, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.


Par une requête, enregistrée le 15 décembre 2017, Mme A...D..., représentée par Me B....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...A...D...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 20 décembre 2016 par lequel le préfet de l'Eure a refusé son admission au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, ainsi que d'annuler la décision du 5 avril 2017 portant saisie de son passeport.

Par un jugement n° 1701564 du 28 août 2017, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.

Par une requête, enregistrée le 15 décembre 2017, Mme A...D..., représentée par Me B...G..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rouen du 28 août 2017 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de l'Eure du 20 décembre 2016 ;

3°) d'annuler la décision du 5 avril 2017 portant saisie de son passeport ;

4°) d'enjoindre au préfet de l'Eure de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) d'enjoindre au préfet de l'Eure de lui restituer son passeport, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Odile Desticourt, présidente de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A...D..., née le 17 octobre 1987, est une ressortissante de la République Démocratique du Congo. Elle affirme être entrée en France en mai 2013, alors qu'elle faisait l'objet d'une interdiction de territoire des Etats de l'espace Schengen prise à son encontre par les autorités espagnoles et applicable du 28 mars 2012 au 8 mars 2015. Elle a présenté une demande d'asile qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 19 novembre 2013, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 7 mai 2014. Elle a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français le 23 juin 2014 qui a été annulée par un jugement du tribunal administratif de Rouen le 5 février 2015. Le 20 décembre 2016, le préfet de l'Eure a pris un arrêté refusant de lui délivrer un titre de séjour, portant obligation de quitter le territoire français et fixant la République Démocratique du Congo comme pays de destination. Le 5 avril 2017, après avoir saisi son passeport, le préfet de l'Eure a remis un récépissé valant justification d'identité. Mme A...D...relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 décembre 2016 et de la décision du 5 avril 2017.

Sur la régularité du jugement contesté :

2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".

3. Il ressort de la minute du jugement produite avec les pièces du dossier de première instance que cette décision a été signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier. Elle est ainsi conforme aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. La circonstance que l'ampliation du jugement qui a été notifié à Mme A... D...ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur sa régularité.

4. Le moyen tiré de la dénaturation des faits ne relève pas de l'office du juge d'appel mais du contrôle de cassation, et ne peut, dès lors qu'être écarté.

5. Le tribunal administratif de Rouen a pris en considération l'ensemble des éléments soumis à son appréciation et a répondu aux moyens de Mme A...D...par un jugement qui est suffisamment motivé et dont la rédaction n'est pas stéréotypée. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement serait insuffisamment motivé doit être écarté.

Sur le refus de titre de séjour :

6. Aux termes du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 6 : A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée (...) ". Aux termes de l'article L. 623-1 du même code : " Le fait (...) de reconnaître un enfant aux seules fins d'obtenir, ou de faire obtenir, un titre de séjour ou le bénéfice d'une protection contre l'éloignement, ou aux seules fins d'acquérir, ou de faire acquérir, la nationalité française est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende (...). / / Elles sont portées à dix ans d'emprisonnement et à 750 000 euros d'amende lorsque l'infraction est commise en bande organisée ".

7. Si un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient cependant à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé. Ce principe peut conduire l'administration, qui doit exercer ses compétences sans pouvoir renvoyer une question préjudicielle à l'autorité judiciaire, à ne pas tenir compte, dans l'exercice de ces compétences, d'actes de droit privé opposables aux tiers. Tel est le cas pour la mise en oeuvre des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'ont pas entendu écarter l'application des principes ci-dessus rappelés. Par conséquent, si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français.

8. Mme A...D...a donné naissance, le 8 février 2014, sur le territoire français, à l'enfant prénommé Ephraïm, reconnu dès le 16 août 2013 par M.H..., de nationalité française, selon la copie de l'acte de naissance produite par la requérante. Toutefois, l'intéressée n'a pas justifié devant la juridiction administrative de l'existence, avant la naissance de l'enfant, d'une relation préalable, même éphémère avec M.H..., par ailleurs de vingt ans son aîné. En outre, il ne ressort pas davantage des pièces du dossier et il n'est par ailleurs ni soutenu, ni même allégué qu'existerait, en France, une relation entre Mme A... D...et M.H.... Enfin, il ressort de la décision du 13 mars 2017 du juge aux affaires familiales qui donne à la mère l'exercice exclusif de l'autorité parentale sur l'enfant, que le père, dont l'intéressée ne conteste pas qu'il séjourne davantage à l'étranger qu'en France, ne s'est jamais occupé de l'enfant dont il a reconnu la paternité. Dès lors, au regard de l'ensemble de ces éléments, le préfet de l'Eure doit être regardé, dans les circonstances particulières de l'espèce, comme ayant apporté des éléments suffisamment précis et concordants de nature à permettre de tenir pour établi que la reconnaissance de paternité dont Mme A...D...a fait état devant l'administration a été effectuée dans le but d'obtenir frauduleusement un titre de séjour. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

9. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Il ressort des pièces du dossier que l'intéressée a sollicité son titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-11 6° de ce même code. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-11 7° est inopérant.

Sur l'obligation de quitter le territoire :

10. Dans la mesure où Mme A...D...doit être regardée comme soulevant à l'égard de cette décision les mêmes moyens que ceux dont elle se prévaut à l'encontre du refus de titre de séjour, ils doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux énoncés précédemment.

Sur la décision portant rétention du passeport :

11. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'arrêté du 30 septembre 2016, que Mme I...F...est titulaire d'une délégation de signature accordée par le préfet de l'Eure en vertu dudit arrêté. Dès lors, elle était compétente pour signer la décision en litige. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte doit être écarté.

12. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de l'Eure a porté à la connaissance de Mme A...D...sa décision de procéder à la retenue de son passeport en lui remettant un document intitulé " récépissé valant justifiant d'identité ". Ce document indique que le passeport a été retenu en vertu de l'article L. 611-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en raison de sa situation irrégulière sur le territoire et dès lors qu'il lui est fait obligation, par l'arrêté en litige du 20 décembre 2016 pris par le préfet de l'Eure, de quitter la France dans un délai de trente jours. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la mesure doit être écarté.

13. Il résulte de ce qui précède que l'acte attaqué n'a pas été pris sur le fondement d'une mesure d'éloignement illégale. Par suite, le moyen tiré de l'exception d'illégalité doit être écarté.

Sur la décision fixant le pays de destination :

14. Mme A...D...soutient avoir de la famille en Belgique. Toutefois, elle ne démontre pas détenir un titre de séjour en cours de validité auprès de cet Etat. En outre, elle n'établit pas être dépourvue d'attaches en République Démocratique du Congo, dont elle est ressortissante et où elle a vécu jusqu'à ses vingt-six ans. Dès lors, le préfet de l'Eure, en décidant de retenir la République Démocratique du Congo comme pays de destination de la requérante, eu égard à la nationalité de celle-ci, n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation sur la situation personnelle de l'intéressée.

15. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 8 et 14, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

16. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A...D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction présentées par la requérante doivent être rejetées, ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A...D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...A...D..., au ministre de l'intérieur et à Me B...G....

Copie en sera adressée au préfet de l'Eure.

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N°17DA02395


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17DA02395
Date de la décision : 30/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme Desticourt
Rapporteur ?: Mme Odile Desticourt
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : MATRAND

Origine de la décision
Date de l'import : 07/08/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2018-07-30;17da02395 ?
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