Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. J...K...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 27 février 2014 par laquelle l'inspectrice du travail de Roubaix a autorisé son licenciement pour faute par la société Altran Technologies.
Par un jugement n° 1402811 du 4 novembre 2015, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 30 décembre 2015, M.K..., représenté par Me G...B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 4 novembre 2015 du tribunal administratif de Lille ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 27 février 2014 ayant autorisé son licenciement pour faute ;
3°) de mettre à la charge conjointe de l'Etat et de la société Altran Technologies la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller,
- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,
- et les observations de Me L...E...substituant MeD..., représentant la société Altran Technologies et de M. J...K....
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Considérant ce qui suit :
1. M. J...K...a été embauché le 27 mars 2008 par un contrat à durée indéterminé comme ingénieur d'études par la société Adventec, devenue Datacep, fusionnée le 1er octobre 2013 avec la société Altran CIS, elle-même absorbée ensuite par la société Altran Technologies. Il exerce les mandats de délégué du personnel suppléant depuis le 25 octobre 2011 et celui de membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de l'établissement de Wasquehal (Nord) de cette société depuis le 29 avril 2013. Il relève appel du jugement du 4 novembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 27 février 2014 par laquelle l'inspectrice du travail de Roubaix a autorisé son licenciement pour faute par la société Altran Technologies.
2. La décision contestée vise, d'une part, les articles L. 2411-5 et L. 2411-13 du code du travail relatifs au licenciement des délégués du personnel et des représentants du personnel au CHSCT ainsi que les articles R. 2421-8 et suivants de ce code relatifs à la procédure de licenciement de ces représentants des salariés. Elle énonce aussi, d'autre part, les incidents violents intervenus le 26 novembre 2013 dans les locaux de l'entreprise, lors d'une réunion du CHSCT, au cours de laquelle une rixe a opposé M. K...à M.I..., l'un de ses collègues également représentant du personnel, et considère que ces faits sont suffisamment graves pour justifier le licenciement. Cette décision comporte, ainsi, les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de ce que cette décision serait insuffisamment motivée doit être écarté.
3. Aux termes de l'article R. 2421-10 du code du travail : " La demande d'autorisation de licenciement d'un délégué du personnel, d'un membre du comité d'entreprise ou d'un membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est adressée à l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement qui l'emploie (...) ". Aux termes de l'article R. 2421-11 du même code : " L'inspecteur du travail procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat (...) ".
4. Le caractère contradictoire de l'enquête menée conformément aux dispositions précitées impose à l'autorité administrative, saisie d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé fondée sur un motif disciplinaire, d'informer le salarié concerné des agissements qui lui sont reprochés et de l'identité des personnes qui en ont témoigné. Il implique que le salarié protégé soit mis à même de prendre connaissance en temps utile de l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande. La circonstance que le salarié est susceptible de connaître le contenu de certaines de ces pièces ne peut exonérer l'inspecteur du travail de cette obligation. Il implique également de mettre à même l'employeur et le salarié de prendre connaissance de l'ensemble des éléments déterminants qu'il a pu recueillir, y compris des témoignages, et qui sont de nature à établir ou non la matérialité des faits allégués à l'appui de la demande d'autorisation. Toutefois, le caractère contradictoire de l'enquête n'impose pas à l'administration de communiquer au salarié, de sa propre initiative ou dans tous les cas, l'ensemble de ces pièces et éléments. Lorsque la communication de ces éléments serait de nature à porter gravement préjudice aux personnes qui les ont communiqués, l'inspecteur du travail doit se limiter à informer le salarié protégé et l'employeur, de façon suffisamment circonstanciée, de leur teneur.
5. Il ressort des pièces du dossier que M. K...avait déjà été sanctionné par une mise à pied disciplinaire de huit jours, du 1er au 10 juillet 2013, en raison de son comportement agressif envers ses collègues, puis par un avertissement, le 26 août 2013, pour des menaces de mort envers le directeur de l'établissement de Wasquehal. Lors de la rixe intervenue au cours de la réunion du CHSCT du 26 novembre 2013, M. K...a proféré de nouvelles menaces de mort envers M. I...et sa fille en déclarant publiquement : " Je vais le tuer, lui et sa fille, et si je ne peux le faire, je trouverai quelqu'un ". En raison de ce contexte, c'est à bon droit que lors de l'enquête contradictoire, l'inspecteur du travail a informé oralement M. K...de l'existence des témoignages recueillis contre lui, sans lui en donner copie. Le moyen tiré de la méconnaissance du contradictoire doit être écarté.
6. En se limitant à affirmer, sans autre précision, que la décision contestée méconnait les dispositions de l'article 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, M. K...ne met pas la cour à même d'examiner le bien-fondé de ce moyen.
7. Aux termes de l'article L. 1232-2 du code du travail : " Lors de son audition, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise./ Lorsqu'il n'y a pas d'institutions représentatives du personnel dans l'entreprise, le salarié peut se faire assister soit par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise, soit par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l'autorité administrative./La lettre de convocation à l'entretien préalable adressée au salarié mentionne la possibilité de recourir à un conseiller du salarié et précise l'adresse des services dans lesquels la liste de ces conseillers est tenue à sa disposition ".
8. Il résulte de ces dispositions que la lettre de convocation à l'entretien préalable au licenciement doit mentionner les modalités d'assistance du salarié applicables en fonction de la situation de l'entreprise. Lorsque l'employeur relève d'une unité économique et sociale dotée d'institutions représentatives de son personnel, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel d'une entité de l'unité économique et sociale, la lettre de convocation devant dès lors, à peine d'irrégularité, mentionner une telle faculté.
9. Un jugement du 3 avril 2009 du tribunal d'instance du 17ème arrondissement de Paris a constaté l'existence d'une unité économique et sociale constituée par la société Altran Technologies et la société Altran CIS. Toutefois, suite à la saisine par la société Altran Technologies du même tribunal le 11 octobre 2013, celui-ci a constaté, dans un jugement du 27 février 2014, confirmé par un arrêt du 28 mai 2015 de la cour d'appel de Paris, la disparition de cette unité économique et sociale. A l'époque de la décision contestée, l'unité économique et sociale constituée par la société Altran Technologies et la société Altran CIS avait disparu. En tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que M. K...était accompagné, lors de l'entretien préalable au licenciement, de M. C...F..., délégué syndical central CFE-CGC pour la société Altran Technologies et de M. H...A..., délégué syndical CFE-CGC du groupe Altran. Le moyen tiré de l'irrégularité de la lettre du 9 décembre 2013 de convocation à l'entretien individuel doit, dès lors, être écarté.
10. Aux termes de l'arrêt du 28 mai 2015 de la cour d'appel de Paris, les institutions représentatives du personnel élues antérieurement dans le cadre de l'unité économique et sociale constituée par la société Altran Technologies et la société Altran CIS sont caduques. Il ressort toutefois des pièces du dossier que la société Altran Technologies avait décidé de conserver son comité d'établissement de Wasquehal jusqu'au 31 décembre 2013 afin d'assurer aux salariés une représentation permettant de les informer sur les conséquences des opérations d'absorption des sociétés Datacep et Altran CIS par la société Altran Technologies et afin d'assurer le maintien des activités sociales et culturelles pour la période de fin d'année 2013. Par suite, le comité d'établissement de Wasquehal de la société Altran Technologies était compétent pour donner son avis sur le licenciement de M.K....
11. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un acte ou un comportement du salarié survenu en dehors de l'exécution de son contrat de travail, notamment dans le cadre de l'exercice de ses fonctions représentatives, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits en cause sont établis et de nature, compte tenu de leur répercussion sur le fonctionnement de l'entreprise, à rendre impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, eu égard à la nature de ses fonctions et à l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé.
12. M. K...affirme qu'il a été provoqué par M.I..., que celui-ci le harcelait moralement et qu'il était, depuis longtemps, dans un état d'épuisement professionnel. L'inspecteur du travail a toutefois précisé, dans la décision contestée, que " M. K...n'a pas été en mesure de déterminer quels étaient les éléments factuels caractérisant le harcèlement moral ". Il est en outre constant que la direction de la société Altran Technologies avait déjà pris des mesures en juillet 2013, suite à l'exercice d'un premier droit d'alerte de M.K.... Elle avait organisé son travail de façon à ce qu'il n'ait plus de contact avec les salariés avec lesquels il ne s'entendait pas et lui avait même organisé, à sa demande, un plan de formation d'un coût de 19 550 euros. M. K...invoque aussi son hypersensibilité, pour justifier sa réaction face à M. I..., mais les menaces formulées à l'encontre de ce salarié, qui faisaient suite à d'autres faits rappelés au point 5, ont été proférées en public. Le requérant ne peut ainsi sérieusement soutenir que la décision contestée serait entachée d'inexactitude matérielle quant aux faits reprochés.
13. La répétition de menaces de mort faites en public, sur la personne d'un collègue et de sa fille, dans les termes rappelés au point 5, constitue une faute disciplinaire d'une particulière gravité de nature à justifier le licenciement de M.K....
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. K...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement du 4 novembre 2015, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat et de la société Altran technologies, qui ne sont pas parties perdantes, le versement à M. K...de la somme de 2 000 euros qu'il demande au titre des mêmes frais. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la société Altran Technologies présentées à l'encontre de M. K...sur le fondement de ces dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. K...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la société Altran Technologies présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. J...K..., à la société Altran Technologies et à la ministre du travail.
Copie sera adressée, pour information, au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi des Hauts-de-France.
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