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28/06/2018 | FRANCE | N°16DA01300-16DA01318

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre - formation à 3, 28 juin 2018, 16DA01300-16DA01318


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté de communes du Roumois Nord a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner l'Etat à lui verser la somme de 335 391 euros assortie des intérêts au taux légal.

Par un jugement n° 1404541 du 24 mai 2016, le tribunal administratif de Rouen a condamné l'Etat à verser à la communauté de communes du Roumois Nord la somme de 335 391 euros, cette somme étant assortie des intérêts au taux légal à partir du 29 décembre 2014.

Procédure devant la cour :

I. Par un

recours n° 16DA01300, enregistré le 15 juillet 2016, le ministre de l'intérieur demande à la cour...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté de communes du Roumois Nord a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner l'Etat à lui verser la somme de 335 391 euros assortie des intérêts au taux légal.

Par un jugement n° 1404541 du 24 mai 2016, le tribunal administratif de Rouen a condamné l'Etat à verser à la communauté de communes du Roumois Nord la somme de 335 391 euros, cette somme étant assortie des intérêts au taux légal à partir du 29 décembre 2014.

Procédure devant la cour :

I. Par un recours n° 16DA01300, enregistré le 15 juillet 2016, le ministre de l'intérieur demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de première instance de la communauté de communes du Roumois Nord.

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Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 ;

- la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 ;

- la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours l'audience publique :

- le rapport de M. Xavier Fabre, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Amélie Fort-Besnard, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Les recours nos 16DA01300 et 16DA01318 sont dirigés contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt.

Sur le recours n° 16DA01300 :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a caractérisé la faute commise selon lui par le préfet de l'Eure consistant en l'application de décisions illégales. Estimant par ailleurs que cette faute avait entraîné un préjudice résultant de l'application de ces décisions illégales, les premiers juges ont suffisamment motivé leur jugement sur l'existence d'un lien de causalité. Le moyen tiré de ce que le jugement attaqué méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative et serait dès lors irrégulier, doit être écarté.

En ce qui concerne l'indemnisation :

4. En premier lieu, aux termes du paragraphe 1.2.4.2 de l'article 77 de la loi du 30 décembre 2009 de finances pour 2010 : " Le montant de la compensation prévue au D de l'article 44 de la loi de finances pour 1999 (n° 98-1266 du 30 décembre 1998) ou de la dotation de compensation prévue à l'article L. 5211-28-1 du code général des collectivités territoriales est diminué en 2011 d'un montant égal, pour chaque collectivité territoriale ou établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, au produit de la taxe sur les surfaces commerciales perçu par l'État en 2010 sur le territoire de la collectivité territoriale ou de l'établissement public de coopération intercommunale ". Aux termes du b) du 2° du paragraphe 1.2.4.3 de l'article 77 de la même loi, l'article L. 2334-7 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié : " Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé : "Pour les communes et établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, lorsque le montant de la compensation prévue au D de l'article 44 de la loi de finances pour 1999 (n° 98-1266 du 30 décembre 1998) ou de la dotation de compensation prévue à l'article L. 5211-28-1 du présent code est, en 2011, inférieur au montant de la diminution à opérer en application du 1.2.4.2 de l'article 77 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010, le solde est prélevé au profit du budget général de l'Etat, prioritairement sur le montant correspondant aux montants antérieurement perçus au titre du 2° bis du II de l'article 1648 B du code général des impôts dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 de finances pour 2004 et enfin sur le produit de la taxe foncière sur les propriétés bâties, de la taxe foncière sur les propriétés non bâties, de la taxe d'habitation et de la contribution économique territoriale perçu au profit de ces communes et établissements" ". Il résulte de ces dispositions que les mécanismes de diminution et de prélèvement portant sur les dotations et sur les recettes fiscales perçues par les communes et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, mis en place pour compenser le transfert du produit de la taxe sur les surfaces commerciales de l'Etat aux communes et à leurs groupements, ne sont applicables qu'au titre de la seule année 2011.

5. En second lieu, aux termes de l'article 114 de la loi du 29 décembre 2014 de finances pour 2015 : " I.-Au dernier alinéa du II de l'article L. 2334-7 du code général des collectivités territoriales, les mots : ", en 2011, " sont supprimés. / II.-Au 1.2.4.2 de l'article 77 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010, les mots : " en 2011 " sont supprimés ". Toutefois, en supprimant les termes " en 2011 " du dispositif décrit au point 2 ci-dessus, ces dispositions n'ont eu ni pour objet, ni pour effet, de lui conférer une portée rétroactive pour les années 2012 à 2014.

S'agissant de l'année 2012 :

6. D'une part, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance. Cette règle, qui a pour seul objet de borner dans le temps les conséquences de la sanction attachée au défaut de mention des voies et délais de recours, ne porte pas atteinte à la substance du droit au recours, mais tend seulement à éviter que son exercice, au-delà d'un délai raisonnable, ne mette en péril la stabilité des situations juridiques et la bonne administration de la justice, en exposant les défendeurs potentiels à des recours excessivement tardifs. Il appartient dès lors au juge administratif d'en faire application au litige dont il est saisi, quelle que soit la date des faits qui lui ont donné naissance.

7. D'autre part, l'expiration du délai permettant d'introduire un recours en annulation contre une décision expresse dont l'objet est purement pécuniaire fait obstacle à ce que soient présentées des conclusions indemnitaires ayant la même portée.

8. Il résulte de l'instruction que la communauté de communes du Roumois Nord a eu connaissance de la décision préfectorale ayant minoré sa dotation de compensation pour l'année 2012, au plus tard à la fin de l'année 2012 et n'a exercé aucun recours juridictionnel à son encontre. Ainsi, il résulte de ce qui a été dit aux points 6 et 7 ci-dessus que cette décision, qui a un objet exclusivement pécuniaire, était devenue définitive. Par suite, les conclusions de la communauté de communes du Roumois Nord présentées devant le tribunal administratif de Rouen le 30 décembre 2014, qui sont fondées sur l'illégalité de cette décision ayant minoré sa dotation de compensation pour l'année 2012, n'étaient pas recevables.

9. Il en résulte que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rouen a jugé que la communauté de communes du Roumois Nord était recevable à demander à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une indemnité au titre du préjudice causé par la décision préfectorale ayant minoré sa dotation de compensation pour l'année 2012.

Sur les années 2013 et 2014 :

10. L'article 133 de la loi du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016 dispose que : " Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée sont validés les arrêtés préfectoraux pris au titre des exercices2012, 2013 et 2014 constatant le prélèvement opéré sur le montant de la compensation prévue au D de l'article 44 de la loi de finances pour 1999 (n° 98-1266 du 30 décembre 1998) ou de la dotation de compensation prévue à l'article L. 5211-28-1 du code général des collectivités territoriales en tant que leur légalité serait contestée par le moyen tiré de ce qu'il aurait été fait application au-delà de 2011 des dispositions du paragraphe 1.2.4.2 de l'article 77 de la loi n°2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010 et de l'article L. 2334-7 du code général des collectivités territoriales, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015 ".

11. Compte tenu de l'intervention des dispositions rappelées au point précédent, le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que les décisions préfectorales prises au titre des années 2013 et 2014 sont désormais validées en tant qu'elles appliquent les mécanismes de diminution et de prélèvement portant sur les dotations et les recettes fiscales perçues par les communes et établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, mis en place pour compenser le transfert du produit de la TASCOM de l'Etat à ces personnes publiques.

12. Il résulte de ce qui a été dit aux points 4 à 11 que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a condamné l'Etat à verser à la communauté de communes du Roumois Nord la somme de 335 391 euros, cette somme étant assortie des intérêts au taux légal à partir du 29 décembre 2014. Par voie de conséquence, les conclusions présentées en appel par la communauté de communes du Roumois Nord à l'encontre de l'Etat sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

Sur le recours n° 16DA1318 :

13. Dès lors qu'il est statué sur le fond du litige, les conclusions à fin de sursis à l'exécution du jugement attaqué présentées par le ministre de l'intérieur sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative sont devenues sans objet.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur le recours n° 16DA01318 du ministre de l'intérieur.

Article 2 : Le jugement du 24 mai 2016 du tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 3 : Les demandes de première instance et les conclusions d'appel de la communauté de communes du Roumois Nord présentées dans le recours n° 16DA01300 sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à la communauté de communes du Roumois Nord.

Copie en sera adressée pour information au préfet de l'Eure.

Nos16DA01300,16DA01318 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16DA01300-16DA01318
Date de la décision : 28/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

135-06-02-02 Collectivités territoriales. Dispositions particulières à certaines collectivités. Dispositions particulières aux communes de Paris, Lyon et Marseille. Finances communales.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Xavier Fabre
Rapporteur public ?: Mme Fort-Besnard
Avocat(s) : SELARL ITINERAIRES AVOCATS CADOZ-LACROIX-REY-VERNE

Origine de la décision
Date de l'import : 10/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2018-06-28;16da01300.16da01318 ?
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