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04/06/2018 | FRANCE | N°17DA01266

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 04 juin 2018, 17DA01266


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 21 octobre 2016 par lequel la préfète de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office, d'autre part, de faire injonction, sous astreinte, à la préfète de la Seine-Maritime de lui délivrer un titre de séjour,

défaut, une autorisation provisoire de séjour afin de permettre un nouvel examen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 21 octobre 2016 par lequel la préfète de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office, d'autre part, de faire injonction, sous astreinte, à la préfète de la Seine-Maritime de lui délivrer un titre de séjour, à défaut, une autorisation provisoire de séjour afin de permettre un nouvel examen de sa situation.

Par un jugement n° 1700255 du 25 avril 2017, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 juin 2017, M.B..., représenté par Me Solenn Leprince, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rouen du 25 avril 2017 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté de la préfète de la Seine-Maritime du 21 octobre 2016 ;

3°) à titre principal, d'enjoindre à la préfète de la Seine-Maritime, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer une carte de séjour temporaire valable un an et portant la mention " vie privée et familiale " ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre à la préfète de la Seine-Maritime, sous la même astreinte par jour de retard à l'expiration d'un délai de huit jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente d'un nouvel examen de sa situation ;

5°) de mettre la somme de 1 500 euros à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

Sur les conclusions à fin d'annulation :

1. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à la date à laquelle l'arrêté du 21 octobre 2016 en litige a été pris : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire (...) " et aux termes de l'article R. 313-22 de ce code, dans sa rédaction alors en vigueur : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. (...) / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ".

2. Si l'autorité préfectorale n'est pas liée par l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé, il lui appartient néanmoins, lorsque ce médecin a estimé que l'état de santé du ressortissant étranger concerné nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il n'existe pas de traitement approprié dans le pays dont il est originaire, de justifier devant le juge de l'excès de pouvoir des éléments qui l'ont conduit à s'écarter de cet avis médical.

3. Il ressort des pièces du dossier, notamment des certificats médicaux établis le 30 septembre 2013 et le 27 avril 2016 par le docteur Guigueno, praticien hospitalier exerçant au pôle de psychiatrie générale du centre hospitalier du Rouvray, lesquels documents confirment les termes de plusieurs certificats médicaux délivrés antérieurement par le même médecin, que M. B..., ressortissant de la République démocratique du Congo qui indique être entré en France le 18 décembre 2011, présente un syndrome anxio-dépressif sévère rendant nécessaire un suivi spécialisé et un traitement psychotrope. Il n'est pas contesté qu'un défaut de prise en charge appropriée de la pathologie dont est ainsi atteint M. B... pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ce que la préfète de la Seine-Maritime n'a pas remis en cause dans les motifs de l'arrêté en litige. Il ressort, en outre, d'une ordonnance médicale délivrée à l'intéressé le 30 mars 2016 que le traitement médicamenteux prescrit en dernier lieu à l'intéressé est composé d'Effexor, de Norset et de Xeroquel.

4. Le 10 août 2015, le médecin de l'agence régionale de santé de Haute-Normandie a émis un avis confirmant que l'état de santé de M. B... rendait nécessaire une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et énonçant en outre qu'il n'existait pas de traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé pour sa prise en charge médicale, laquelle devait être poursuivie durant vingt-quatre mois. Pour refuser néanmoins, par l'arrêté du 21 octobre 2016 en litige, la délivrance d'un titre de séjour pour raison médicale à M. B..., la préfète de la Seine-Maritime, en s'écartant de cet avis, a estimé que la pathologie dont souffre l'intéressé pourrait être prise en charge médicalement en République démocratique du Congo, où existerait une offre de soins adaptée à la nature de celle-ci et où des traitements appropriés seraient disponibles.

5. Pour justifier du bien-fondé de sa décision, la préfète de la Seine-Maritime s'est référée devant les premiers juges, d'une part, aux éléments d'information contenus dans la fiche sanitaire de la République démocratique du Congo établie par la direction de la population et des migrations du ministère du travail, de l'emploi et de la santé, mise à jour le 25 octobre 2006 et dans un courrier électronique émis par les services de l'ambassade de France à Kinshasa en septembre 2013, selon lesquels les pathologies psychiatriques sont prises en charge dans les grandes villes, où exercent plusieurs psychiatres et où l'offre de médicaments antidépresseurs et psychotropes apparaît suffisante. La préfète s'est prévalue, d'autre part, des éléments d'information portés à la connaissance du ministère de l'intérieur néerlandais à partir d'une banque mondiale de données médicales dénommée MEDCOI (medical country of origin information), qui relèvent que les syndromes de stress post-traumatique et dépressif, tel celui dont souffre M. B..., constituent des pathologies classiques prises en charge dans la capitale du pays. La préfète s'est référée, enfin, à la liste des médicaments essentiels établie par le ministère de la santé de la République démocratique du Congo, qui est disponible sur internet et qui révèle, en particulier, que l'aripiprazole, molécule susceptible d'être substituée, en l'absence d'avis médical contraire, à la mirtazapine, entrant dans la composition du Norset, prescrit à M. B..., est disponible dans ce pays.

6. Il ressort toutefois des pièces du dossier que les principes actifs des deux autres médicaments prescrits à M. B..., en l'occurrence la venlafaxine, qui entre dans la composition de l'Effexor, et la quetiapine, dans celle du Xeroquel, ne sont mentionnés sur aucune des deux listes auxquelles se réfère la préfète de la Seine-Maritime et doivent, par suite et en l'absence de tout autre élément de preuve contraire, être regardés comme étant indisponibles dans le pays en cause, de telle sorte qu'il n'est pas établi, en l'absence au dossier d'élément de nature à établir la disponibilité de molécules substituables, que la stabilité de l'état de santé de l'intéressé pourrait y être assurée. Dans ces conditions, ni ces deux listes, ni la fiche sanitaire de la République démocratique du Congo établie par le ministère chargé du travail, ni le courrier électronique émis par les services de l'ambassade de France à Kinshasa, lequel est au demeurant imprécis sur ce point, ne sauraient suffire à remettre en cause l'appréciation portée par le médecin de l'agence régionale de santé en ce qui concerne la disponibilité du traitement requis par l'état de santé de l'intéressé. Par suite, pour refuser, par l'arrêté contesté, de délivrer un titre de séjour pour raison de santé à M. B..., la préfète de la Seine-Maritime doit, dans les circonstances particulières de l'espèce, être regardée comme ayant méconnu les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. B... est fondé à demander, pour ce motif, l'annulation du refus de séjour prononcé par cet arrêté, de même, par voie de conséquence, que celle de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 25 avril 2017, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Le présent arrêt, qui annule, pour excès de pouvoir, l'arrêté de la préfète de la Seine-Maritime du 21 octobre 2016 refusant de délivrer un titre de séjour à M. B..., lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office, au motif que l'intéressé était en situation de prétendre à la délivrance d'une carte de séjour temporaire sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, implique nécessairement que la préfète de la Seine-Maritime lui délivre ce titre. Il y a lieu d'impartir, pour ce faire, à cette autorité, un délai de deux mois à compter de la date de notification du présent arrêt. Il n'y a, en revanche, pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

9. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Solenn Leprince, son avocate, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rouen du 25 avril 2017 et l'arrêté de la préfète de la Seine-Maritime du 21 octobre 2016 refusant de délivrer un titre de séjour à M. B..., lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à la préfète de la Seine-Maritime de délivrer à M. B... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la date de notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Solenn Leprince, avocate de M.B..., la somme de 1 000 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B..., à la préfète de la Seine-Maritime, au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à Me Solenn Leprince.

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N°17DA01266


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17DA01266
Date de la décision : 04/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Quencez
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SELARL MADELINE-LEPRINCE-MAHIEU

Origine de la décision
Date de l'import : 19/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2018-06-04;17da01266 ?
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