Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 18 octobre 2016 par lequel la préfète de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'enjoindre à la préfète de la Seine-Maritime, dans un délai d'un mois à compter du jugement et sous astreinte de cent euros par jour de retard, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'un an ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1603845 du 23 février 2017, le tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté, a enjoint à la préfète de la Seine-Maritime de délivrer à Mme B...un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " valable un an dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 22 mars et 23 octobre 2017, la préfète de la Seine-Maritime demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de première instance.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Dominique Bureau, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que Mme B..., ressortissante nigériane née le 13 mai 1996, est entrée en France le 10 septembre 2012, selon ses déclarations ; que sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le 27 mars 2015, puis par la Cour nationale du droit d'asile, le 26 janvier 2016 ; que, le 8 juin 2016, elle a demandé une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " en invoquant la nécessité de bénéficier d'un suivi médical sur le territoire français ; que, par un arrêté du 18 octobre 2016, la préfète de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ; que la préfète de la Seine-Maritime relève appel du jugement du 23 février 2017 par lequel le tribunal administratif de Rouen a prononcé l'annulation de cet arrêté ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que ni la circonstance que le considérant 7 du jugement attaqué mentionne par erreur la République démocratique du Congo au lieu du Nigéria comme pays d'origine de la requérante, ni l'argumentation articulée par la préfète de la Seine-Maritime en réponse au moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif de Rouen, laquelle est relative à la légalité de l'arrêté en litige, n'ont d'incidence sur la régularité du jugement ;
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :
3. Considérant qu'il résulte des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au présent litige, qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'une carte de séjour temporaire à un étranger qui en fait la demande au titre de ces dispositions, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l'article R. 313-22 du même code, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire ; que lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine ;
4. Considérant que pour refuser de délivrer à Mme B... la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " qu'elle sollicitait sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la préfète de la Seine-Maritime, qui ne conteste pas que l'intéressée est atteinte d'une pathologie psychiatrique sévère nécessitant un traitement dont le défaut pourrait avoir des conséquences d'une extrême gravité, s'est fondée sur la possibilité pour elle d'être soignée au Nigéria, contrairement à l'avis émis le 7 juillet 2016 par le médecin de l'agence régionale de santé, selon lequel il n'existe pas de traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine ; qu'il ressort des pièces du dossier que le traitement médicamenteux dont bénéficie Mme B... en France associe un anxiolytique, un antidépresseur et un antipsychotique, dont les principes actifs sont, respectivement, l'oxazépam, la mirtazapine et le tiapride ; que la première de ces substances est disponible au Nigéria, selon une liste établie en 2012 par les autorités néerlandaises ; qu'il résulte en outre de ce document que d'autres médicaments de la classe des antidépresseurs et des antipsychotiques peuvent y être délivrés ; que les certificats médicaux produits par la requérante, s'ils mentionnent que l'intéressée doit suivre sans interruption le " traitement spécifique " dont elle bénéficie en France et qui permet de stabiliser son état, ne comportent aucune indication circonstanciée dont il résulterait que seule l'association particulière des molécules qui lui est prescrite serait adaptée à sa pathologie ; qu'enfin, les pièces produites par la préfète de la Seine-Maritime démontrent l'existence au Nigéria d'une offre de soin en psychiatrie ; que, dans ces conditions la préfète de la Seine-Maritime doit être regardée comme rapportant la preuve de l'existence d'un traitement approprié à l'état de santé de Mme B... dans son pays d'origine ; qu'il s'ensuit que la décision de refus de titre de séjour ne méconnaît pas les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers ; que, dès lors, c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur ce motif pour annuler l'arrêté de la préfète de la Seine-Maritime du 18 octobre 2016 ;
5. Considérant qu'il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B... devant le tribunal administratif de Rouen ;
Sur les autres moyens invoqués par Mme B... :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
6. Considérant que les dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile font obligation au préfet de saisir la commission du titre de séjour du seul cas des étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles qu'elles visent, notamment le 11° de l'article L. 313-11 de ce code ; qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que Mme B... ne remplit pas effectivement les conditions prévues par ces dispositions pour obtenir un titre de séjour ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour aurait été prise à l'issue d'une procédure irrégulière en l'absence de consultation préalable de la commission du titre de séjour doit être écarté ;
7. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète de la Seine-Maritime aurait remis en cause l'appréciation du médecin de l'agence régionale de santé sans disposer d'informations sur le traitement nécessaire à la prise en charge de la pathologie de Mme B... et aurait, ainsi, prononcé la décision contestée sans avoir au préalable procédé à un examen sérieux de sa situation particulière ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
8. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 3, 4, 6 et 7 que les moyens tirés, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour doivent être écartés ;
9. Considérant que, pour le même motif que celui énoncé au point 4 en ce qui concerne l'application par la préfète de la Seine-Maritime des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'obligation de quitter le territoire français ne méconnaît pas les dispositions du 10° du même code, dans sa rédaction applicable en l'espèce ;
10. Considérant que Mme B..., célibataire et sans enfant à charge, fait valoir les liens amicaux qu'elle a constitués en France depuis son arrivée sur le territoire français, quatre ans avant l'intervention de l'arrêté du 18 octobre 2016, ainsi que sa volonté d'intégration manifestée par l'obtention du diplôme d'études en langue française (DELF) 1 et son inscription en cours de français depuis le 29 août 2016 ; que, toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier, et n'est pas même allégué, qu'elle serait dépourvue de toute attache au Nigéria, qu'elle a quitté à l'âge de seize ans ; que, dans ces conditions, la décision contestée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but poursuivi ; qu'elle n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
11. Considérant que la décision fixant le pays de destination en cas d'exécution d'office d'une obligation de quitter le territoire français est au nombre des mesures de police qui doivent être motivées, en application des dispositions du 1° de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ; que si la motivation de fait de cette décision ne se confond pas nécessairement avec celle obligeant l'étranger à quitter le territoire français, la motivation en droit de ces deux décisions est identique et résulte des termes mêmes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lequel est mentionné dans l'arrêté du 18 octobre 2016 ; que, par ailleurs, la préfète de la Seine-Maritime a suffisamment motivé en fait sa décision en mentionnant la nationalité de l'intéressée, en rappelant le rejet de sa demande d'asile et en précisant que la décision ne méconnaissait pas les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine ;
12. Considérant, qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 8 à 10 que les moyens tirés, par voie d'exception, de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français doivent être écartés ;
13. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète de la Seine-Maritime aurait insuffisamment examiné les risques pour sa liberté, pour sa sécurité ou d'exposition à des traitements inhumains ou dégradants auxquels Mme B... serait exposée en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'au contraire, il ressort des termes de l'arrêté du 18 octobre 2016 que la préfète de la Seine-Maritime s'est prononcée sur ce point, non seulement en tenant compte des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile, mais également au regard de l'ensemble des éléments de son dossier ;
14. Considérant que Mme B... n'assortit d'aucune précision, ni d'aucune justification ses allégations selon lesquelles elle serait exposée dans son pays à des risques pour sa vie et sa sécurité ; qu'au demeurant, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile ont rejeté sa demande d'asile ; que, dans ces conditions, la décision fixant le pays de renvoi n'a méconnu ni les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la préfète de la Seine-Maritime est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 18 octobre 2016, lui a enjoint de délivrer à Mme B...un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " valable un an dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que, par voie de conséquence, les conclusions d'appel Mme B... à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent également être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1603845 du 23 février 2017 du tribunal administratif de Rouen est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Rouen et ses conclusions d'appel à fin d'injonction et présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à Mme A... B...et à Me C....
Copie en sera adressée à la préfète de la Seine-Maritime.
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N°17DA00528