Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL Casa Presto a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 22 octobre 2013 par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge la contribution spéciale prévue par l'article L. 8253-1 du code du travail d'un montant de 17 450 euros et la contribution forfaitaire prévue par l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile d'un montant de 2 124 euros.
Par un jugement n° 1402782-1403242 du 27 janvier 2016, le tribunal administratif de Lille a déchargé la SARL Casa Presto de la contribution forfaitaire et de la contribution spéciale à hauteur de 4 574 euros et a rejeté le surplus de ses conclusions.
Procédure devant la cour :
I) Par une requête enregistrée le 2 mars 2016 sous le n° 16DA00467 et un mémoire enregistré le 9 février 2018, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par Me C...D..., demande à la cour :
1°) de réformer le jugement du 27 janvier 2016 du tribunal administratif de Lille en tant qu'il a partiellement accueilli la demande de la société Casa Presto en la déchargeant de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de la somme de 4 574 euros ;
2°) de rejeter les demandes, tant principales que subsidiaires, présentées par la SARL Casa Presto devant le tribunal administratif ;
3°) de mettre à la charge de la SARL Casa Presto la somme de 2 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
----------------------------------------------------------------------------------------------------------
II) Par une requête enregistrée le 27 mars 2016 sous le n° 16DA00616, la SARL Casa Presto, représentée par Me B...A..., demande à la cour :
1°) à titre principal, de réformer le jugement du 27 janvier 2016 du tribunal administratif de Lille en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 22 octobre 2013 de l'OFII ;
2°) à titre subsidiaire, de minorer les sanctions prononcées à hauteur de 15 000 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
----------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration
- le code pénal,
- le code du travail,
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 ;
- l'arrêté du 5 décembre 2006 relatif au montant de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement des étrangers dans leur pays d'origine ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller,
- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.
1. Considérant que le 23 octobre 2012, les services de l'inspection du travail de Nord-Valenciennes et ceux de la police nationale sont intervenus, sur réquisition de l'autorité judiciaire, dans les locaux de l'établissement de restauration rapide à l'enseigne commerciale Casa Presto, 2, rue Saint Géry à Cambrai (Nord) ; que la présence d'un ressortissant tunisien en situation de travail, démuni de titre l'autorisant à travailler et de titre l'autorisant à séjourner en France y a été constatée ; qu'un procès-verbal rapportant ces faits a été dressé ; qu'après avoir mis l'entreprise à même de présenter ses observations par une lettre du 6 septembre 2013 en recommandé avec accusé de réception, adressée à la SARL Casa Presto et revenue à son expéditeur comme non réclamée, l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a, par lettre du 22 octobre 2013, notifié à la SARL Casa Presto sa décision de lui appliquer la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, d'un montant de 17 450 euros pour l'emploi irrégulier d'un travailleur et la contribution forfaitaire prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'un montant de 2 124 euros, soit un montant total de sanctions de 19 574 euros ; que par un jugement du 27 janvier 2016, le tribunal administratif de Lille a déchargé la SARL Casa Presto de la contribution forfaitaire et de la contribution spéciale à hauteur de 4 574 euros et a rejeté le surplus de ses conclusions ; que par la requête n° 16DA00467, l'OFII doit être regardé comme relevant appel de ce jugement en tant qu'il a déchargé la SARL Casa Presto de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire à hauteur de la somme de 4 574 euros ; que par une requête n° 16DA00616, la SARL Casa Presto relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 22 octobre 2013 de l'OFII ; que ces deux requêtes sont dirigées contre un même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'il soit statué par un seul arrêt ;
Sur l'appel de l'Office français de l'immigration et de l'intégration :
2. Considérant que le présent litige a le caractère d'un litige de plein contentieux ; qu'il convient dès lors d'y appliquer la loi la plus douce ; qu'aux termes de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France, applicables au présent contentieux : " Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine. / Le montant total des sanctions pécuniaires prévues, pour l'emploi d'un étranger non autorisé à travailler, au premier alinéa du présent article et à l'article L. 8253-1 du code du travail ne peut excéder le montant des sanctions pénales prévues par les articles L. 8256-2, L. 8256-7 et L. 8256-8 du code du travail ou, si l'employeur entre dans le champ d'application de ces articles, le montant des sanctions pénales prévues par le chapitre II du présent titre. / [...] " ; qu'aux termes de l'article L. 8256-2 du code du travail, dans sa rédaction issue de cette loi : " Le fait pour toute personne, directement ou par personne interposée, d'embaucher, de conserver à son service ou d'employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France, en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1, est puni d'un emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 15 000 euros. / [...] " ; qu'aux termes de l'article 131-38 du code pénal : " Le taux maximum de l'amende applicable aux personnes morales est égal au quintuple de celui prévu pour les personnes physiques par la loi qui réprime l'infraction " ;
3. Considérant que si ces nouvelles dispositions prévoient des sanctions moins sévères que la loi ancienne en ce qu'elles interdisent au-delà du seuil de 15 000 euros le cumul de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire de réacheminement, elles ne sont applicables qu'aux seules personnes physiques ; qu'en l'espèce, ces contributions ont été infligées, selon les termes mêmes de la décision du 22 octobre 2013, à la SARL Casa Presto, personne morale ; que dès lors, l'OFII est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a déchargé la SARL Casa Presto à hauteur de la somme de 4 574 euros ; qu'il doit, dans cette mesure, être réformé ;
Sur l'appel de la SARL Casa Presto :
4. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs, aujourd'hui codifié à l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ;
5. Considérant que la décision du 22 octobre 2013 du directeur général de l'OFII indique les textes applicables, en particulier les articles L. 8251-1, L. 8253-1, R. 8253-2 du code du travail et l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que l'arrêté du 5 décembre 2006 relatif au montant de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement des étrangers dans leur pays d'origine ; que cette décision mentionne le procès-verbal du 15 février 2013 établi à l'encontre de la SARL Casa Presto et constatant l'infraction aux dispositions de l'article L. 8251-1 du code du travail, et, renvoie à une annexe comportant le nom du ressortissant étranger démuni de titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France ; qu'elle précise que le montant de la contribution spéciale est fixé, sur la base du montant précisé à l'article R. 8253-2 du code du travail, à la somme de 17 450 euros, et que celui de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine s'élève à 2 124 euros conformément au barème fixé par l'arrêté précité du 5 décembre 2006 ; que, dès lors, la décision contestée comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent son fondement ; que, par suite, le moyen tiré d'une insuffisante motivation de cette décision, au motif de l'absence de communication du procès-verbal, doit être écarté ;
6. Considérant qu'il est constant que la décision contestée prononce des sanctions à l'encontre de la SARL Casa Presto immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Douai le 23 octobre 2012, soit le jour du contrôle ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier et particulièrement de l'extrait K bis de cette société que l'établissement de restauration rapide à l'enseigne commerciale Casa Presto avait débuté son activité dès le 25 juillet 2012 ; que la SARL Casa Presto ne peut, dès lors, utilement soutenir qu'elle n'exploitait cet établissement que depuis le 23 octobre 2012 et que les sanctions auraient du viser l'exploitant précédent, la SARL Avenir ; qu'au demeurant, l'arrêt du 11 juillet 2017 de la chambre criminelle de la Cour de cassation, confirmant la condamnation du gérant de la SARL Casa Presto à trois mois de prison avec sursis pour travail dissimulé par dissimulation d'activité, a jugé que le défaut d'immatriculation de cette société, entre la date de l'acte de cession, intervenue le 11 octobre 2012 et celle du contrôle, était volontaire ; que ce moyen doit être écarté ;
7. Considérant qu'il résulte de la décision contestée du 22 octobre 2013 que celle-ci est fondée sur deux infractions relevées lors du contrôle du 23 octobre 2012, l'emploi d'un salarié sans titre de séjour et l'emploi d'un salarié sans titre l'autorisant à travailler ; que dès lors, en raison de ce cumul d'infractions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 8253-1 du code du travail prévoyant une minoration du taux de contribution spéciale en cas de non cumul d'infractions ne peut qu'être écarté ;
8. Considérant qu'ainsi qu'il est dit au point 3, les sanctions d'un montant total de 19 574 euros ayant été prononcées à l'encontre de la personne morale constituée par la SARL Casa Presto, celle-ci ne peut utilement se prévaloir des dispositions combinées de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de celles de l'article L. 8256-2 du code du travail et de celles de l'article 131-38 du code pénal limitant le montant du cumul des sanctions à la somme de 15 000 euros, seuil qui ne s'applique qu'aux seules personnes physiques ; que par suite, le moyen tiré de ce que le montant total des sanctions pécuniaires ne peut excéder celui des sanctions pénales doit être écarté ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'Office français de l'immigration et de l'intégration est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement du 27 janvier 2016, le tribunal administratif de Lille a déchargé la SARL Casa Presto de la contribution forfaitaire et de la contribution spéciale à hauteur de 4 574 euros ; que la SARL Casa Presto n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par ce jugement, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision de l'OFII du 22 octobre 2013 ; que les conclusions de la SARL Casa Presto tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SARL Casa Presto le versement à l'OFII de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1402782-1403242 du tribunal administratif de Lille est réformé en tant qu'il a déchargé la SARL Casa Presto de la contribution forfaitaire et de la contribution spéciale à hauteur de 4 574 euros.
Article 2 : La requête de la SARL Casa Presto ainsi que ses demandes de première instance sont rejetées.
Article 3 : La SARL Casa Presto versera à l'Office français de l'immigration et de l'intégration la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office français de l'immigration et de l'intégration et à la SARL Casa Presto.
Copie sera adressée pour information au directeur départemental des finances publiques du Nord et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
1
2
N°16DA00467-16DA00616
1
3
N°"Numéro"