La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/03/2018 | FRANCE | N°16DA00363

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre - formation à 3, 08 mars 2018, 16DA00363


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...H...a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 29 octobre 2012 du maire d'Hémévillers portant refus de délivrance d'un permis de construire modificatif relatif à une maison d'habitation située rue du Tour de Ville.

Par un jugement n° 1302781 du 1er décembre 2015, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 février 2016, et un mémoire, enregistré

le 5 septembre 2016, M. D...H..., représenté par Me I...J..., demande à la cour :

1°) d'annuler...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...H...a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 29 octobre 2012 du maire d'Hémévillers portant refus de délivrance d'un permis de construire modificatif relatif à une maison d'habitation située rue du Tour de Ville.

Par un jugement n° 1302781 du 1er décembre 2015, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 février 2016, et un mémoire, enregistré le 5 septembre 2016, M. D...H..., représenté par Me I...J..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté;

3°) de condamner la commune d'Hémévillers à réparer le préjudice subi qui sera évalué au jour de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de la commune d'Hémévillers la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 18 avril 2016 et 9 février 2018, la commune d'Hémévillers, représentée en dernier lieu par Me B...C..., conclut, dans le dernier état de ses écritures, au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. H... de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune d'Hémévillers soutient que :

- le permis de construire initial était caduc ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, conformément à l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions indemnitaires de M. H...en l'absence de demande préalable formée auprès de la commune.

La clôture immédiate de l'instruction a été prononcée par une ordonnance du 16 janvier 2018,

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Michel Richard, président-assesseur,

- et les conclusions de Mme Amélie Fort-Besnard, rapporteur public.

Une note en délibéré présentée pour M. H...a été enregistrée le 15 février 2018.

Considérant ce qui suit :

Sur la régularité du jugement :

1. En premier lieu, il ressort des termes du jugement attaqué, notamment de ses points 2 et 3, que les premiers juges ont donné les raisons pour lesquelles, compte tenu de la notification de la décision du 29 octobre 2012, l'intéressé ne pouvait être regardé comme titulaire d'un permis de construire tacite. Une telle motivation qui était compréhensible était en outre suffisante. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le jugement était insuffisamment motivé.

2. En second lieu, le moyen tiré de la contradiction des motifs entachant le jugement attaqué est sans incidence sur la régularité de ce jugement dès lors qu'un tel moyen relève de l'examen du bien-fondé du jugement.

Sur le retrait de permis de construire tacite :

3. D'une part, aux termes de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme : " Les demandes de permis de construire (...) sont adressées par pli recommandé avec demande d'avis de réception ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés (...) ". Aux termes de l'article R. 423-19 du même code : " Le délai d'instruction court à compter de la réception en mairie d'un dossier complet ". L'article R. 423-23 du même code précise que : " Le délai d'instruction de droit commun est de : (...) / b) Deux mois pour (...) les demandes de permis de construire portant sur une maison individuelle, au sens du titre III du livre II du code de la construction et de l'habitation, ou ses annexes ; / (...) ". Aux termes de l'article R. 423-47 : " Lorsque les courriers sont adressés au demandeur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, l'intéressé est réputé en avoir reçu notification à la date de la première présentation du courrier ". L'article R. 424-1 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur, dispose que : " A défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction (...), le silence gardé par l'autorité compétente vaut (...) : / (...) b) Permis de construire (...) tacite ".

4. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'un permis de construire est réputé être titulaire d'un permis tacite si aucune décision ne lui a été notifiée avant l'expiration du délai réglementaire d'instruction de son dossier.

5. A la suite des travaux de construction d'une maison d'habitation entrepris par M. H...sur le fondement d'un permis de construire qui lui avait été délivré le 4 décembre 2006 par le maire de la commune d'Hémévillers (Oise), ce dernier a constaté au cours de l'année 2012 que la réalisation n'était pas conforme aux prescriptions de l'autorisation et a invité l'intéressé à déposer un permis de construire de régularisation. La poursuite de l'exécution des travaux a conduit le maire à avertir l'intéressé le 27 juin 2012 d'une saisine du procureur de la République, par un courrier déposé par voie administrative dont l'accusé de réception a été signé, le même jour, par la mère de l'intéressé chez laquelle il a déclaré sa résidence. Le maire a ensuite établi le 3 juillet 2012, sur la base d'un constat du 1er juillet, un procès-verbal d'infraction sur le fondement de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme ainsi qu'un arrêté ordonnant l'interruption des travaux du même jour. Cet arrêté a été notifié à M. H...par lettre recommandée dont l'accusé de réception a été signé le 4 juillet 2012 par sa mère. M. H...a ensuite déposé en mairie un dossier, reçu le 18 octobre 2012, de demande de permis de construire modificatif. Il est constant que le délai d'instruction de droit commun s'achevait en l'espèce le 18 décembre 2012 en vertu des dispositions citées au point 3. Cette demande a fait l'objet le 29 octobre 2012 d'un arrêté de refus du maire de la commune.

6. Un débat s'est élevé entre les parties sur le point de savoir si la notification de cet arrêté par voie administrative le 5 novembre 2012 avait eu lieu et était régulière. Il est en tout état de cause constant que ni à cette date, ni avant le 18 décembre 2012, la commune n'avait notifié au demandeur la décision refusant le permis par lettre recommandée avec demande d'avis de réception postal, conformément aux dispositions de l'article R. 424-10 du code de l'urbanisme alors applicable. Toutefois, une telle disposition ne rend pas irrégulière une notification par un autre procédé présentant des garanties équivalentes.

7. Faute, selon M.H..., d'une notification intervenue régulièrement avant le 18 décembre 2012, ce dernier a estimé être titulaire d'un permis de construire tacite et a repris les travaux. Par une lettre du 23 avril 2013 adressée dans un premier temps par voie administrative, le maire l'a invité à déposer un nouveau dossier de permis de construire afin de régulariser les travaux entrepris et lui a joint le refus du 29 octobre 2012. En l'absence de retour de l'accusé de réception par l'intéressé, elle lui a été adressée à nouveau par voie postale envoyée en recommandé dont l'accusé de réception a été signé, le 25 avril 2013, par la mère de M.H.... Par un nouveau courrier du 7 mai 2013, adressé par lettre recommandée dont l'accusé de réception a été signé, le 10 mai 2013, par la mère de l'intéressé, le maire de la commune a renouvelé l'invitation à produire un nouveau dossier de permis, a précisé les anomalies constatées par rapport au permis initial de 2006 et a indiqué que la notification du refus du 29 octobre 2012 avait été faite en mains propres à sa mère au domicile commun. M. H...a alors adressé, le 20 juin 2013, par un courrier reçu en mairie le 22 juin 2013, un recours gracieux contre l'arrêté du 29 octobre 2012 qui, notifié par un courrier du 23 avril 2013, avait eu pour effet, selon lui, de retirer le permis de construire " modificatif " tacite dont il s'estimait être titulaire et ce, en méconnaissance de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme qui fixe à trois mois le délai de retrait d'un permis de construire. Le silence gardé sur ce recours gracieux a conduit M. H...à saisir, le 21 octobre 2013, le tribunal administratif d'Amiens d'une demande d'annulation de la décision de refus valant retrait du permis tacite.

8. Dans son mémoire en défense enregistré le 31 décembre 2013 au greffe du tribunal administratif, la commune, représentée par son maire, a indiqué que, le 5 novembre 2012, M. E...A..., employé communal, avait personnellement porté " comme cela se fait habituellement dans notre commune ", la décision de rejet du permis de construire modificatif au domicile de Mme G...H..., lieu de résidence de M. D...H.... La commune précise que le courrier a été remis à celle-ci en mains propres, qu'elle l'a ouvert devant l'agent et a refusé de signer le " reçu de décharge ". Selon la commune, elle aurait " gardé le document avec elle ". La commune précise enfin qu'elle est ensuite " entrée en contact " avec M. H...pour " savoir si sa mère lui avait remis son courrier " et que ce dernier aurait alors tenu des propos peu amènes. La commune a également produit devant le tribunal administratif une attestation " pour valoir ce que de droit ", signée le 20 décembre 2013, par laquelle l'agent communal a fait état de sa démarche de notification du 5 novembre 2012. A la suite d'une plainte déposée par M.H..., qui a été classée sans suite par le parquet, M. A...a été auditionné dans le cadre d'une enquête préliminaire en gendarmerie. Ainsi qu'en atteste le procès-verbal établi le 25 mars 2014 par l'agent de police judiciaire, M. A...a déclaré n'avoir pas commis un faux en écriture et n'avoir pas altéré la vérité ni falsifié le document mais avoir " juste relaté les faits tels qu'ils se sont produits ". Cet agent a enfin réitéré ses propos le 19 février 2016 devant huissier dans le cadre d'un " constat" établi à la demande de M.H.... Ce n'est que pour la première fois en appel que M. H...a produit une attestation de sa mère, établie le 15 février 2016, par laquelle elle affirme n'avoir jamais eu la visite de l'agent communal " venu [lui] remettre le refus de permis de construire opposé à son fils Nicolas à l'automne 2012 ". Par ses écritures devant la juridiction administrative, la commune, représentée par son maire, a maintenu la version de son agent.

9. Si la commune ne fournit pas la preuve matérielle de l'échec de la notification par voie administrative le 5 novembre 2012, l'attestation de la mère de MmeH..., compte tenu de ses termes et de sa production très tardive, ne suffit pas davantage à écarter sans examen la réalité d'une telle démarche. En effet, l'agent communal a, pour sa part, réitéré de manière suffisamment précise et concordante en 2013, 2014 et 2016, son récit ainsi qu'il a été rappelé au point précédent. Il n'est pas contesté que la commune d'Hémévillers qui comporte quelque 400 habitants, use régulièrement, mais sans exclusive, de la notification par voie administrative, et en a fait usage à diverses ocasions à l'égard de M.H.... Il est également constant que, de manière courante, la mère de M. H...accuse réception des courriers adressés à son fils qui habite au même domicile. Une notification par voie administrative, le lundi 5 novembre 2012, soit une semaine après l'intervention de la décision du 29 octobre 2012, apparaît crédible et rien ne vient justifier que le choix de cette date serait imaginaire. Mme H...n'indique d'ailleurs pas qu'une telle notification aurait été ce jour impossible la concernant. Il n'apparaît pas davantage qu'une confusion aurait pu se produire avec l'échec de la notification par voie administrative du 23 avril 2013. Il est également certain qu'à l'automne 2012, les relations entre M. H...et la commune au sujet de son projet de construction étaient tendues sinon conflictuelles. La certitude acquise par la commune que l'arrêté avait été conservé par la mère après le passage de l'agent communal le 5 novembre, peut expliquer l'absence de confirmation par voie postale sous forme d'un envoi par lettre recommandée, avant l'échéance du 18 décembre suivant. M. H...n'a d'ailleurs pas contesté le fait rapporté par la commune selon lequel elle l'aurait contacté pour s'assurer qu'il avait pris connaissance de l'arrêté, ni que l'échange avait été, à cette occasion, vif. Dans ces conditions, au regard de ce faisceau d'indices, la commune doit être regardée comme ayant accompli le 5 novembre 2012 auprès de la mère de M. H...la notification par voie administrative de son arrêté du 29 octobre 2012 à l'adresse donnée par M. H... comme étant son domicile.

10. Ainsi qu'il a été dit, il est constant que Mme H...reçoit les courriers adressés à son fils. Dans ces conditions, le refus qu'elle a opposé le 5 novembre 2012 doit être regardé comme ayant été fait pour le compte de celui-ci. En outre, un refus de signature n'affecte pas la régularité d'une notification sous la forme d'une remise en mains propres. Il n'est enfin pas sérieusement contesté que M. H...avait connaissance du refus qui avait été alors opposé à sa demande de permis de construire de régularisation.

11. Dans ces conditions, la notification de l'arrêté du 29 octobre 2012 portant refus de permis de construire doit être regardée comme ayant présenté en l'espèce des garanties équivalentes à la présentation d'un pli par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.

12. Il résulte de ce qui a été dit aux points 4 à 11 que la notification, effectuée le 5 novembre 2012, de l'arrêté du 29 octobre 2012 portant refus de permis de construire a fait obstacle à la naissance du permis de construire tacite. Par voie de conséquence et en l'absence de tout permis de construire tacite délivré à M.H..., ses moyens dirigés contre la décision portant retrait d'une telle décision doivent être écartés comme inopérants.

13. Enfin, en tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que, s'agissant du refus de permis de construire opposé au projet de M.H..., lequel est suffisamment motivé, il est constant qu'il repose sur un motif tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article UA 6 du règlement du plan d'occupation des sols qui n'a fait l'objet d'aucune contestation de la part de l'intéressé et qui justifiait à lui seul la décision de refus contestée.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. H...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à la déclaration de droit relative à l'existence d'un permis de construire tacite :

15. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que les conclusions de l'intéressé doivent être, en tout état de cause, rejetées.

Sur les conclusions indemnitaires présentées par M.H... :

16. En l'absence du tout retrait illégal d'un permis de construire tacite, les conclusions indemnitaires de M. H...doivent, en tout état de cause, être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune d'Hémévillers qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. H...demande sur leur fondement.

18. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la commune d'Hémévillers présentées sur ce même fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. H...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune d'Hémévillers présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...H...et à la commune d'Hémévillers.

Copie en sera transmise pour information au préfet de l'Oise.

Délibéré après l'audience publique du 15 février 2018 à laquelle siégeaient :

- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,

- M. Michel Richard, président-assesseur,

- M. Xavier Fabre, premier conseiller.

Lu en audience publique le 8 mars 2018.

Le président-rapporteur,

Signé : M. F...Le premier vice-président de la cour,

Président de chambre,

Signé : O. YEZNIKIAN

Le greffier,

Signé : C. SIRE

La République mande et ordonne au préfet de l'Oise et au ministre de la cohésion des territoires, chacun en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier en chef,

Par délégation,

Le greffier,

Christine Sire

N°16DA00363 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16DA00363
Date de la décision : 08/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Michel Richard
Rapporteur public ?: Mme Fort-Besnard
Avocat(s) : SELARL CHRISTOPHE DE LANGLADE

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2018-03-08;16da00363 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award