Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A...D...a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler les arrêtés par lesquels le recteur de l'académie d'Amiens l'a placée en congé d'office du 3 avril 2014 au 2 mai 2014, du 3 mai 2014 au 2 juin 2014 et du 3 juin 2014 au 2 juillet 2014.
Par un jugement n° 1401925 du 22 mai 2015, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 15 juillet 2015, MmeD..., représentée par Me C...F..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 22 mai 2015 du tribunal administratif d'Amiens ;
2°) d'annuler les arrêtés par lesquels le recteur de l'académie d'Amiens l'a placée en congé d'office du 3 avril 2014 au 2 mai 2014, du 3 mai 2014 au 2 juin 2014 et du 3 juin 2014 au 2 juillet 2014.
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le décret du 29 juillet 1921 ;
- le décret n°86-442 du 14 mars 1986 ;
- le décret n° 2012-16 du 5 janvier 2012 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller,
- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.
1. Considérant que Mme A...D..., professeur certifiée d'anglais, titulaire sur zone de remplacement dans l'académie d'Amiens, relève appel du jugement du 22 mai 2015 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés par lesquels le recteur de l'académie d'Amiens l'a placée en congé d'office du 3 avril 2014 au 2 mai 2014, du 3 mai 2014 au 2 juin 2014 et du 3 juin 2014 au 2 juillet 2014, avec traitement intégral ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre :
2. Considérant que la fin de non-recevoir, opposée en cause d'appel par le ministre de l'éducation nationale, tirée du défaut de production de l'arrêté du recteur de l'académie d'Amiens de mai 2014 plaçant Mme D...en congé d'office du 3 juin 2014 au 2 juillet 2014 ne saurait être utilement opposée en appel, dès lors que les premiers juges n'auraient pu l'opposer à la demande sans avoir préalablement invité la requérante à produire l'arrêté dont elle demandait l'annulation ; que cette fin de non-recevoir doit dès lors être écartée ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. Considérant qu'aux termes de l'article 4 du décret du 29 juillet 1921, alors en vigueur : " Lorsque l'inspecteur d'académie estime, sur le vu d'une attestation médicale ou sur un rapport des supérieurs hiérarchiques d'un fonctionnaire que celui-ci, par son état physique ou mental, fait courir aux enfants un danger immédiat, il peut le mettre pour un mois en congé d'office avec traitement intégral. Pendant ce délai, il réunit la commission prévue à l'article 2 en vue de provoquer son avis sur la nécessité d'un congé de plus longue durée. " ; qu'aux termes de l'article 6 du décret n° 2012-16 du 5 janvier 2012 relatif à l'organisation académique : " I. - A compter de l'entrée en vigueur du présent décret, les compétences attribuées ou déléguées aux inspecteurs d'académie, directeurs des services départementaux de l'éducation nationale, en vertu de dispositions réglementaires sont attribuées au recteur d'académie ;
4. Considérant que le décret n° 2012-16 du 5 janvier 2012 est entré en vigueur le 7 janvier 2012 ; qu'il ressort des pièces du dossier, en premier lieu, qu'en application des dispositions précitées du décret du 5 janvier 2012, le recteur de l'académie d'Amiens était compétent, à la date de l'arrêté du 3 avril 2014 plaçant Mme D...en congé d'office du 3 avril 2014 au 2 mai 2014, pour exercer les fonctions auparavant attribuées à titre exclusif à l'inspecteur d'académie par l'article 4 du décret du 10 mai 1921, en second lieu, que l'arrêté en litige a été signé par délégation du même recteur par Mme E...B..., directrice académique des services de l'éducation nationale de l'Oise, nommée par un décret du 10 août 2011 ; que par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté du 3 avril 2014 plaçant Mme D...en congé d'office du 3 avril 2014 au 2 mai 2014 doit être écarté ;
5. Considérant d'une part qu'il ressort des pièces du dossier que dans un rapport du 15 mars 2014, deux inspecteurs pédagogiques régionaux, après avoir longuement présenté les difficultés de Mme D...ont conclu que " nous pensons que le comportement de la dite enseignante est actuellement incompatible avec la sécurité des élèves dont elle a la responsabilité " ; que dans un rapport 30 mars 2014 à sa hiérarchie, la principale du collège Jehan Le Fréron de Crèvecoeur-le-Grand (Oise) dans lequel Mme D...était affectée, qualifiait la situation de " préoccupante ", notait que " les élèves sont excédés au point de ne plus vouloir venir en cours ou de vouloir s'en prendre à elle " ; que la principale affirmait également que " la sécurité morale des élèves se pose à court terme, je ne sais comment ils vont pouvoir se contenir tant il y a de dysfonctionnements en termes d'échange, de pratiques pédagogiques, de craintes " ; que la principale considérait enfin " qu'il y a de la part de Mme D... une forme de fixation envers certains élèves " ; qu'un rapport complémentaire du 1er avril 2014 de ce chef d'établissement se demandait " si le danger n'est pas dans une réaction inattendue de sa part, physique ou verbale, comme dans celle des élèves ou de leurs parents vis-à-vis de l'enseignante " ;
6. Considérant d'autre part que Mme D...a refusé de participer à un dispositif destiné à construire et de mettre en oeuvre un plan de formation individualisé répondant à un besoin spécifique en vue de l'aider à réfléchir sur sa pratique éducative ; que l'administration produit également une lettre du 4 décembre 2013 d'une association de parents d'élèves énumérant des attitudes inappropriées de la requérante ; que, dès lors, eu égard aux graves problèmes relationnels de cette enseignante et à sa manière totalement inadaptée de gérer les conflits avec ses classes, le moyen tiré de l'erreur manifeste que l'administration aurait commise en plaçant Mme D...en congé d'office du 3 avril 2014 au 2 mai 2014 doit être écarté, sans que celle-ci puisse sérieusement soutenir que les conditions de son attribution ne seraient pas remplies ou que l'attitude insultante et grossière de certains élèves justifierait ses réactions ;
7. Considérant, en revanche, que la mesure de placement en congé d'office prévue par l'article 4 du décret du 29 juillet 1921 consent au recteur d'académie des pouvoirs exceptionnels, dont les conditions d'application doivent s'entendre strictement ; que, notamment, l'inspecteur d'académie doit, dans le délai d'un mois à compter du placement de l'agent en congé d'office, réunir la commission prévue à l'article 2 du décret en vue de provoquer l'avis de cette commission sur la nécessité d'un congé de plus longue durée ; qu'il résulte de cette dernière disposition que, si l'administration peut légalement réunir le comité médical départemental prévu à l'article 6 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986 relatif au régime de congé de maladie des fonctionnaires, qui présente les mêmes garanties pour l'agent concerné que la commission prévue à l'article 2 du décret du 29 juillet 1921, cette réunion doit se tenir dans le délai d'un mois prévu par le texte, au besoin par la convocation du comité médical départemental en vue d'une réunion exceptionnelle, si les dates normales de réunion du comité ne permettent pas de satisfaire à la condition de délai ;
8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'administration n'a réuni le comité médical départemental que le 28 mai 2014, soit au-delà du délai d'un mois prévu par l'article 4 du décret du 29 juillet 1921 ; que le ministre chargé de l'éducation n'a fait état d'aucune circonstance de nature à rendre impossible la formalité prévue par ce texte ; que, s'il allègue que Mme D...a refusé de se soumettre aux examens médicaux demandés par sa hiérarchie le 8 mars 2014 et le 31 mars 2014, cette circonstance ne dispensait pas l'administration de réunir le comité médical départemental afin de permettre à celui-ci de se prononcer sur la nécessité d'un congé de plus longue durée ; que, par suite, le recteur de l'académie d'Amiens n'a pu légalement, dans l'attente de la réunion du comité médical départemental, prolonger le placement en congé d'office de Mme D...du 3 mai 2014 au 2 juin 2014 et du 3 juin 2014 au 2 juillet 2014 sur le fondement de l'article 4 du décret du 29 juillet 1921, lequel, au demeurant, ne prévoit pas la possibilité d'une telle prolongation ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme D...est seulement fondée à demander l'annulation du jugement du 22 mai 2015 du tribunal administratif d'Amiens en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des arrêtés par lesquels le recteur de l'académie d'Amiens l'a placée en congé d'office du 3 mai 2014 au 2 juin 2014 et du 3 juin 2014 au 2 juillet 2014 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme de 1 500 euros à la charge de l'Etat au titre des frais exposés par Mme D...et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Les arrêtés par lesquels le recteur de l'académie d'Amiens a placé Mme D... en congé d'office du 3 mai 2014 au 2 juin 2014 et du 3 juin 2014 au 2 juillet 2014 sont annulés.
Article 2 : Le surplus des conclusions de Mme D...est rejeté.
Article 3 : Le jugement du 22 mai 2015 du tribunal administratif d'Amiens est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à Mme D...sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...D...et au ministre de l'éducation nationale.
Copie sera adressée au recteur de l'académie d'Amiens.
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N°15DA01174
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